1440 minutes

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editions d'autre part

vendredi 31 décembre 2010

le jour ne s'est pas levé

le jour ne s’est pas levé
brouillard givre et fumée
le merle est muet cloué sur le prunier
je jette un livre dans le feu
j’ai encore des milliards de mots pour t’aimer
quel temps est-il à ton horloge

le jour ne s’est pas levé
brouillard givre et fumée
le chat rêve d’une fanfare de pinson
je jette un calendrier dans le feu
j’ai encore des milliards de jours pour t’aimer
quel temps fait-il à ton sextant

le jour ne se lèvera pas
brouillard givre et fumée
le lit se creuse sous nos baisers
je jette une bûche de cade dans le feu
j’ai encore des milliards de caresses pour t’aimer
quelle est la couleur des soupirs

pas de frontière pour le désir
pas de frontière pour le plaisir

sans gêne ni rapière

31 décembre 2010

jeudi 30 décembre 2010

au coeur de la souche

au cœur de la souche
les rêves du monde
les enjeux de la forêt
et d’amours acharnées
au cœur de la souche
l’essence de sève
cette nuit sera longue à devenir demain

au cœur de la miche de pain
les envies d’agapes
l’ironie de la famine
les secrets des champs de seigle
et d’amours remoulues
au cœur de la miche de pain
la bile du moulin
cette nuit sera longue à devenir demain

au cœur de la rétine
les ailes des papillons
les prairies de coquelicots
les désespoirs des peintres
et d’amours noires et blanches
au cœur de la rétine
l’humeur arc-en-ciel
cette nuit sera longue à devenir demain

au cœur de la cervelle
les souvenirs essentiels
les songes liturgiques
les sortilèges de la danse
et d’amours sensuelles
au cœur de la cervelle
le parfum des muqueuses
cette nuit sera longue à devenir demain

30 décembre 2010

mercredi 29 décembre 2010

le silence enfin

le silence enfin
la ville sommeille de brume
une fouine est en chasse
le président choisit ses journalistes
et croque du raisin de Sicile
enfin le silence

le silence enfin
la rue éteint ses vitrines
une chatte est en rôde
le président bannit son adversaire
et croque une figue de Barbarie
enfin le silence

le silence enfin
le théâtre fait relâche
un renard tombe le masque
le président torture son prisonnier
et croque des piments de Habanera
enfin le silence

le silence enfin
le donjon grelotte sous la glace
une hulotte saigne un mulot
le président fait pendre son frère
et croque une grenade de Babylone
enfin le silence

le silence enfin
la braise veille sous la cendre
un faucon surprend une tourterelle
le président caresse sa favorite
et croque la framboise de son téton
enfin le silence

29 décembre 2010

mardi 28 décembre 2010

un cierge sur le muret

un cierge sur le muret
les âmes des morts
sont alignées sur le givre
une paroissienne prie une vielle rédemption
c’est l’heure du laitier canaille
et des trahisons sereines
je selle mon cheval dans le pré aux mystères

un cierge sur le muret
les âmes des morts
terrorisent un cantique
les chérubins scandent une patenôtre
c’est l’heure de la traite
et des contrats d’esclavage
j’éperonne mon cheval sur l’échiquier du doute

un cierge sur le muret
les âmes des morts
esquissent un pas de valse
un séminariste ivre yodle son credo
c’est l’heure du dernier tram
et des amours vergognes
j’attache mon cheval au poteau des rêves

un cierge sur le muret
les âmes des morts
embarquent leur progéniture
une diaconesse siffle un confiteor
c’est l’heure des éboueurs fidèles
et des rencontres impatientes
je panse mon cheval dans la cour des miracles

un cierge sur le muret
les âmes des morts
voyagent en satellite
une femme du monde confesse un beau péché
c’est l’heure de la rentrée sournoise
et du bercail inquiet
je donne mon cheval à la danse des anges

28 décembre 2010

mercredi 22 décembre 2010

vingt dieux le temps

des gens pressés dans du papier de fête
des écharpes d’écrivains
des vestons d’architectes
des défibrillateurs de luxe
et des ambulances monospace
ça sent la cannelle et la canneberge
je chante un chant toxique et saturé

vingt dieux le temps est à l’inavouable
et au constat d’échec


des gens colmatés de paillettes
des animaux en conserve
des tisanes enrubannées
des perfusions d’argent liquide
et des fourgons de commerciaux
ça sent le crédit et le credo
je chante un chant de change et de dividende

vingt dieux le temps est à l’injure
et à police secours


des gens empaquetés de morve
des blâmes et des mauvaises notes
des départs et des exclusions
des pansements têtes de gondole
et des caddies endimanchés
ça sent l’indemnité et l’usurier
je chante un chant de deuxième main

vingt dieux le temps est au mépris
et à l’assistance publique


des gens en béquilles et en folie
des cabas d’infirmières
des cannettes et des briquettes
des diagnostics de brasero
et des triporteurs de vin chaud
ça sent l’orange et le petit salé
je chante un chant de nonnes et de carabins

vingt dieux le temps est à l’insulte
et à l’ordonnance de tri


des gens en papillotes de sourires
des couvertures de survie
des tickets de restaurant
des ordonnances d’alcool de patate
et des brouettes d’amitiés
ça sent la promesse et la pirouette
je chante un chant de grand soir camarade

vingt dieux le temps est au refus
et aux barricades
vingt dieux le temps est à la colère
et aux soldats de plomb
vingt dieux le temps est à la guérilla
et à la jambe de bois

22 décembre 2010

lundi 20 décembre 2010

c'est à la tombola

c’est à la tombola
que la jeune fille
a gagné le droit d’ouvrir le bal
avec le moniteur des gymnastes
un numéro tout tordu
sur un billet jaunasse
et la cheville imbécile
et la sueur au-dessus des lèvres
va-t-il parler mariage
ou seulement de la granges aux mystères

c’est à la pêche miraculeuse
que la jeune femme
a gagné le droit d’une valse
avec le capitaine des pompiers
un hameçon tout rouillé
sur une canne de ronces
et les omoplates qui grincent
et la boule au ventre
va-t-il parler mariage
ou seulement de la grange aux adultères

c’est au loto de l’église
que la jeune veuve
a gagné le droit du dernier tango
avec le valet de ferme
des numéros de cirque
sur une grille insensée
et les hanches qui chantent
et la poitrine qui tressaille
va-t-il parler de la grange aux délices
ou seulement de mariage

20 décembre 2010

dimanche 19 décembre 2010

femme sans attente

cette femme est sans attente
qui remonte la rue des cosmétiques
des vitrines technicolor
des néons de lumière froide
une musique de radio commerciale
des limonades rouges
cette femme est sans attente

dans le livre de ses amours
des pages écornées

cette femme est sans ennui
qui remonte la rue des aventures
des vitrines catamaran
des fanaux de tempête
une musique de vent du désert
des jerricans d’eau dessalée
cette femme est sans ennui

dans le livre de ses amours
des pages tachées

cette femme est sans regret
qui remonte la rue des contritions
des vitrines ostensoirs
des cierges indulgences
une musique de carême
cette femme est sans regret

dans le livre de ses amours
des pages consumées

cette femme est sans colère
qui remonte la rue des batailles
des vitrines d’armes blanches
des projecteurs infrarouge
une musique de montée au combat
des pintes de sang noir
cette femme est sans colère

dans le livre de ses amours
une page qui manque

19 décembre 2010

jeudi 16 décembre 2010

un kilo de vie

un kilo de vie dans le fait-tout
un sac de haine
de la poudre et du plomb
un cœur en fonte
un chagrin de titane

elle avance dans le gaz
et boit du jus de lune
je la regarde s’évanouir dans la cité


un kilo de vie dans la soupière
une julienne de rancœur
du concentré de muscle et d’os
un cœur en cavale
une promesse d’antimoine

elle avance dans l’écume
et boit de la sueur d’ange
je la regarde s’évanouir dans l’étang


un kilo de vie dans le caddie
un dégoût à la consigne
du plasma et du colostrum
un cœur au sirop
un espoir en particules

elle avance dans l’allée à crédit
elle boit du gazoline en promo
je la regarde s’évanouir dans le parking


un kilo de vie sous vide
une tonne de honte
du fiel et des larmes
un cœur en miettes
un retour de flamme

elle avance dans le vide
et boit le sang du diable
je la regarde s’évanouir dans la foule

je la regarde s’évanouir

16 décembre 2010

lundi 13 décembre 2010

une rose trémière sur le givre

un grand soleil safran caresse la vigne
un vol de corbeau sépare le ciel
je dessine du vent et du gel sur le lac
dans son hangar le gardien des céréales
jalouse une chanson d’or blond et de nacre
je dessine une rose trémière sur le givre

la falaise réinvente le mauve et le mauve
le vol du corbeau souligne l’horizon
je dessine une valse sous les trembles
dans son silo le prince des avoines
découd une cantate de graines et de son
je dessine un gratte-cul sur le givre

le ciel est conquis de Prusse
le vol du corbeau est un trait de flèche
je dessine l’angélus sur mon potager
dans son grenier le préposé aux seigles
rythme une rengaine de pain noir
je dessine une capucine sur ton miroir

13 décembre 2010

jeudi 9 décembre 2010

comment parler d'amour

de la neige mouillée
sur le tapis du monde
du givre sur l’océan
des prières dans le ciel

des gens vont sur les routes
parmi les braseros
et sous les caméras

comment parler d’amour
quand le cœur est sous zéro


du sable mouillé
sur le paillasson des villes
du givre sur les cours d’écoles
des réclames sur les clochers

des gens sommeillent sur les places publiques
vers les fontaines
et sur les bancs de pierre

comment parler d’amour
quand le cœur est livide


des brins d’herbe mouillés
sur le perron de l’hôtel
du givre sur la table de chevet
de l’ennui sur les dentelles

des gens fument dans les couloirs
avec les femmes de chambre
sous les ventilateurs

comment parler d’amour
quand le cœur est sans musique


de la cendre mouillée
sur le seuil du pays
du givre sur les lois
une charte sur les braises

des gens se taisent dans les rues
parmi les cache-misère
et sous les contraintes

comment parler d’amour
quand le cœur est à la frontière

comment parler d’amour
quand le cœur est à la morgue

comment parler d’amour
et avec qui

9 décembre 2010

mercredi 8 décembre 2010

et un prénom de femme

regarde bien c’est là
à hauteur de pénombre
entre les feux des réverbères
et les larmes des trottoirs
un soldat désarmé assis
sur un tabouret de lune
chante ses pansements
et un prénom de femme

qui dira le poids du ciel
et le silence des portes

regarde n’aie pas peur
à l’orée de solstice
entre le chagrin des moussons
et les larmes des forêts
un trapéziste sans filet à genoux
dans les mousses et les fougères
chante son vieux costume
et un prénom de femme

qui dira l’odeur des nuages
et le silence des portes

regarde bien regarde
à portée de fanal
entre les trouées de feuillages
et les larmes des grilles
un chanteur usé mais debout
sur le lutrin du soir
chante son paletot de bronches
et un prénom de femme

qui dira la couleur de la fugue
et le silence des portes

8 décembre 2010

mardi 30 novembre 2010

la nuit monte vite

la nuit monte vite
sur le marais de l’ancien fleuve
un héron maussade
sommeille sur un tronc de saule
les roseaux se taisent
et regrettent les rousseroles
je fume du tabac gris
sur le trottoir du vide
je fume
et décompte les amitiés vieilles

la nuit monte vite
sur le canal de brume
une foulque agacée
broute de l’herbe brune
les joncs se taisent
et regrettent les phragmites
je fume du tabac jaune
sur la passerelle du doute
je fume
et décompte les querelles tenaces

la nuit monte vite
sur les vergers de fatigue
une pie taciturne
dépiaute une pomme tombée
les chardons se taisent
et regrettent les bouvreuils
je fume du tabac brun
sur le quai des ruptures
je fume
et décompte les actes manqués

la nuit monte vite
sur le bosquet de peupliers
une troupe de corneilles
s’installent pour la nuit
les bardanes se taisent
et regrettent les rouge-queue
je fume du tabac noir
je fume
et décompte les espoirs avortés

la nuit monte vite
la nuit monte trop vite
je fume
et décompte une vie sorcière

30 novembre 2010

dimanche 28 novembre 2010

comme une pomme caramélisée

et puis
comme une pomme caramélisée
une heure à perdre
abandonner le temps compté comptable
contempler la sitelle à ses affaires
respirer l’éternité et le présent
saluer la calendule sous la neige
arpenter le vide et le silence
oublier sans remords le poème perdu

et puis
comme une araignée à sa toile
une heure à pendre
poser un fil à plomb sur le battant de l’horloge
décompter le tambourin de l’épeiche
funambuler le fil tendu entre les secondes
saluer la chrysalide sur l’ortie
arpenter la croix et le chemin
décrocher avec tendresse le poème pendu

et puis
comme un glas sonné dans le village
une heure à tuer
refermer la paupière et le sépulcre
tremper sa plume dans le noir du corbeau
dénouer le faire-part et l’hommage
saluer le gel sur le chrysanthème
arpenter le souvenir et la tombe
ensevelir sans remords le poème mort

et puis
comme un reflet de soleil sur la vitre
une heure à naître
inventer un nouveau petit nom de baptême
coucher sur la portée la cantate du merle
repeindre en sucre glace le lait de nourrice
saluer le sureau exorciste
arpenter le premier souffle et la promesse
accueillir avec tendresse le poème nouveau-né

28 novembre 2010

mardi 23 novembre 2010

les grands labeurs de l'automne

jeter les feuilles mortes aux grandes orgues
carder les épilobes à la fenêtre
chausser les sabots pour la mousson
façonner des boutons d’os et de corne

les grands labeurs de l’automne
font l’échine ronde et les cals

bénir le jardin
tisser une corde
saler les choux
embrasser sa mère
écrire à un ami


balayer les factures devant la porte
cuire et recuire la marmelade de coing
couper l’élastique des chaussettes
tricoter une écharpe de haine

les grands labeurs de l’automne
font la cervelle aigre et l’insomnie

aiguiser la faux
retendre la corde à linge
huiler la bêche
saluer son père
apprendre une chanson


brûler les remords pleins de vermine
fumer le petit lard sous le hangar
graisser le ressort des souricières
coudre une doublure au vieux chandail

les grands labeurs de l’automne
font les épaules lourdes et la migraine

tailler le poirier
fermer le jardin
bercer le rosier
embrasser sa femme
écrire un nouveau poème


les grands labeurs de l’automne
font le regard fatigué et la mélancolie

embrasser sa femme
récrire le même poème
et passer l’hiver

23 novembre 2010

nous emmêlons

regard étincelle
année-lumière à ta poitrine
je remonte la passerelle
vers la cuisine
soupe aux légumes et fromage vieux
nous emmêlons nos rires
et nos soucis

je t’aime
je t’aime jusqu’au fond du bol

prunelle danse
année-lumière à ton jupon
je remonte l’échelle de corde
vers le grenier
souvenirs jaunis et livres vieux
nous emmêlons nos rêves
et nos carnets du lait

je t’aime
je t’aime jusqu’au dernier centime

pupille brûle
année-lumière à ton cœur
je remonte l’escalier
vers la chambre
dentelles fines et corset vieux
nous emmêlons nos désirs
et nos grains de peaux

je t’aime
je t’aime jusqu’à la marée de l’aube

je t’aime
je t’aime jusqu’aux marais salants

sans gêne ni rapière

23 novembre 2010

dimanche 21 novembre 2010

quelqu'un a dû pousser l'interrrupteur

quelqu’un a dû pousser l’interrupteur

une éolienne de bronze dans la trachée
un sirocco brûlant dans le pharynx
un chant d’incendie
un hymne de caverne

ces voix viennent des volcans
des abysses
de la banquise
ces voix parlent une langue
d’oiseaux de mer et d’insectes
elles mettent à mal des dieux et des dogmes
elles mettent bas des tempêtes et des aurores
elles réconcilient les forêts
et bénissent les roses trémières


quelqu’un a dû pousser l’interrupteur

des ventilateurs dans les hautbois
des souffleries dans les bassons
une cantate de cristal
un hymne de torrent

ces voix viennent des glaciers
des avalanches
de la paroi de granit
ces voix parlent une langue
de lagopèdes et de bouquetins
elles mettent à mal une déesse et ses sbires
elles mettent bas des trompettes et des floraisons
elles consolent les grèves
et soulagent les boutons de pivoines


quelqu’un a dû pousser l’interrupteur

des vibrations dans les bronches
des vrombissements dans les ventres
un opéra de cathédrale
un hymne de haut-fourneau

ces voix viennent des usines
des forges
des laminoirs à ciel ouvert
ces voix parlent une langue
de scies et d’enclumes
elles mettent à mal le diable et ses prêtresses
elles mettent bas des gouffres et des orages
elles aiguisent les querelles
et bercent les ruminations d’aubépines


quelqu’un a dû pousser l’interrupteur
j’attends sans impatience
le bal des machines de l’insomnie

quelqu’un a dû pousser l’interrupteur
j’attends sans impatience
le bal des machines de l’insomnie


21 novembre 2010

vendredi 19 novembre 2010

qu'à démesure

il n’y a de mesure qu’à démesure
il n’y a de chant qu’à contrechant

un bout de parchemin
en robe du soir
une lettre d’amour
en nuisette ajourée
un certificat médical
en chemise à carreaux
un avis de droit
en petite liquette

c’est du Mozart en béchamel
c’est du Mahler en garbure
comment dit-on
comment dit-on les manques et les envies


il n’y a de mesure qu’à démesure
il n’y a de danse qu’à contredanse

un pacte du jour
en papier d’Arménie
un salut solennel
en buvard jaunâtre
un sacrement de nuit
en carton bitumé
un contrat sans témoin
sur une liste mailing

c’est du Mozart en béchamel
c’est du Satie à la ficelle
comment dit-on
comment dit-on les manques et les envies


il n’y a de mesure qu’à démesure
il n’y a de point qu’à contrepoint

un silence avoué
sur le porte-manteau
un regard receleur
sur la poignée complice
une promesse à défaire
sur le sentier trahi
un ordre ravalé
au bloc opératoire

c’est du Mozart en béchamel
c’est du Schubert en rémoulade
comment dit-on
comment dit-on les manques et les envies

19 novembre 2010

dimanche 14 novembre 2010

mourir d'excès

je mourrai
je mourrai d’un excès de sucre
jus d’abeilles et danse de caresses
cerises au sirop et melons confits
liqueur de cassis et meringues
barba papa et bastringue
caramel petit filet et douce liesse
vin de pêche et lacrima christi
appuyé sur des cannes
je mourrai d’un excès de sucre

mais je mourus d’un excès d’alcool
et je ressuscitis aussitôt
et je ressuscitos au City
et je ressuscitas au guignol
et je ressuscitol en petit tas


je mourrai
je mourrai d’un excès de sel
prairie de salines et suc de Gomorrhe
liqueur de mer morte et bœuf en croûte
bouillon cube et réduction de consommé
viande en saumure et petit lard fumé
goûte goûte sale et sale encore
concentré de sodium et salpêtre sans doute
décharné dans le désert
je mourrai d’un excès de sel

mais je mourus d’un excès d’alcool
et je ressuscitis aussitôt
et je ressuscitos au City
et je ressuscitas au guignol
et je ressuscitol en petit tas


je mourrai
je mourrai d’un excès de vitesse
sortie de route et mur du son
liqueur de bielles et carlingue en miettes
année lumière et cervelle vitrifiée
chute libre et vol de martinet
nerfs en pelote et neurones pris d’ivresse
embardée du cœur et voltige des poumons
catapulté dans le ciel
je mourrai d’un excès de vitesse

mais je mourus d’un excès d’alcool
et je ressuscitis aussitôt
et je ressuscitos au City
et je ressuscitas au guignol
et je ressuscitol en petit tas


je mourrai
je mourrai d’un excès de zèle
richesse du protocole et sombre répétition
cumul aveugle et frustration sourde
noir ravissement et froid éblouissement
fleurs fauchées et coupe de sentiments
diagnostic forcené et funeste obsession
fierté en bidon et bêtise en gourde
ficelé dans les mots d’ordre
je mourrai d’un excès de zèle

mais je mourus d’un excès d’alcool
et je ressusciti aussitôt
et je ressuscito au City
et je ressuscita au guignol
et je ressuscitol en petit tas

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

14 novembre 2010

samedi 13 novembre 2010

une tentation

une tentation
clouée sur la porte de la grange
comme une interdiction
comme un ultimatum
que reste-t-il
après que la brume
ait tout emporté

une tentation
pendue à la branche du poirier
comme un talisman
comme un oracle
que reste-t-il
après que la brume
ait tout escamoté

une tentation
fichée en terre dans le jardin
comme un épouvantail
comme une menace
que reste-t-il
après que la brume
se soit déchirée

une tentation
accrochée à la corde à linge
comme un fétiche
comme un appât
que reste-t-il
après que la brume
se soit dissoute

une tentation
piquée au milieu d’un bouquet
comme un signal
comme un message
que reste-t-il
après que le soleil
ait fait son baptême

une tentation
déposée sur la boîte à lettres
comme une halte
comme un recueillement
que reste-t-il
après que le soleil
ait tout blanchi

une tentation
couchée sur le paillasson
comme une offrande
comme une bienvenue
que reste-t-il
après que le soleil
se soit révélé

une tentation
épinglée au rideau de la chambre
comme une langueur
comme une invite
que reste-t-il
après que le soleil
se soit consumé

jusqu’au trognon

sans gêne ni rapière

13 novembre 2010

mercredi 10 novembre 2010

tu remets une bûche

la vase au fond de l’étang
garde le secret des libellules
je cueille le jonc des tonneliers
ce soir de lune noire
le bonheur est en terre battue
devant le cellier aux légumes
la chemise sent la fleur de foin
une salopette danse sur la coursive
le vin chante l’écurie transpire
une porte grince sous le vent
je rentre par le sentier des granges
le bétail est tranquille
le monde est à l’arrêt
le roi peut s’endormir
ainsi que le chat
ainsi que l’araignée

tu remets une bûche dans le feu de notre amour
tu jettes une forêt sur notre bel incendie

la glaise sur le chemin
garde le secret des belladones
je cueille des raisins oubliés
dans le matin frisquet
le bonheur est en terre cuite
sur le bord de la fenêtre
la chemise sent la lavande
les épis de maïs dansent sous l’avant-toit
je réchauffe la soupe de poireaux
pain grillé et vieux fromage
bientôt la lecture du journal
la page des morts et les éphémérides
le monde est à l’arrêt
le roi peut s’endormir
ainsi que le chat
ainsi que l’araignée

tu remets une bûche dans le feu de notre amour
tu jettes une forêt sur notre bel incendie

la terre des labours
gardent le secret des avoines
je cueille les pives de mélèzes
ce jour de première neige
le bonheur est en terre arable
sous les semelles des socques
la chemise sent l’humus
le chien mouillé dort sur le perron
je jette du lard aux pinsons
une pomme rouge pour le vieux merle
je fume sur le banc
une chanson bucolique
le monde est à l’arrêt
le roi peut s’endormir
ainsi que le chat
ainsi que l’araignée

tu remets une bûche dans le feu de notre amour
tu jettes une forêt sur notre bel incendie

le monde est aux arrêts
le roi dort
ainsi que le chat
ainsi que l’araignée
le bouffon est insomniaque
il veille sur l’ordre des choses

tu remets une bûche dans le feu de notre amour
tu jettes une forêt sur notre bel incendie

sans gêne ni rapière

10 novembre 2010

mardi 9 novembre 2010

un vieux cheval fourbu

un vieux cheval fourbu
me fourvoie les méninges

la pelisse fatiguée
d’un chagrin ordinaire
le regard un peu faux
de tendresse soldée
la musique des bronches
du carrousel fantôme
le portemonnaie marron
au zinc des cacahuètes
l’exéma du bitume
dans le champ de luzerne
l’ascenseur de l’étoile
au palais des stigmates
l’ennui à quatre mains
des pivoines et des roses
et la fenêtre ouverte
sur le bal des martyres

un vieux cheval fourbu
me fourvoie les méninges

l’éponge délaissée
d’un chagrin anthracite
les galets de la grève
sous la marée des flics
une envie de sourire
au crabe trisomique
le coucou mécanique
sur l’écran de contrôle
la marmelade tiède
sur le pain du lundi
le ticket du toubib
pour le transport de l’âme
le corset de la dame
de la plage lombaire
la bière moussaillonne
du rafiot fossoyeur

un vieux cheval fourbu
me fourvoie les méninges

la cravate nylon
d’un chagrin au rabais
la péninsule noire
d’un quartier oublié
le bouquet de tulipes
à l’arrêt d’autobus
le filet grand veneur
à la roulette russe
le parfum en bidon
dans le métro du soir
le saxo cabossé
sur le mur de l’école
la leçon de conduite
sur une carte postale
le gain de la loterie
selon le plan de guerre

un vieux cheval fourbu
me fourvoie les méninges

les cuissardes crottées
d’un chagrin de banlieue
le renard orphelin
au vestiaire de la crèche
la sucette framboise
dans la poche du maître
le salaire consterné
devant le frigidaire
le vrai portrait robot
sur le permis de séjour
le moineau électrique
dans la lanterne rouge
le rideau de velours
sur le néon grésille
et la tendresse enfuie
dans un papier kleenex

un vieux cheval fourbu
me fourvoie les méninges
un vieux cheval couché
me fourvoie les méninges
et fait le décompte du reste

9 novembre 2010

samedi 6 novembre 2010

les jours sont comptés

ça y est les jours sont comptés
les catastrophes
les affrontements

un avion est tombé
sur un océan du nord

un taciturne brûle des livres
pour réchauffer la soupe
une écervelée réapprend à compter
sur les digicodes de l’hôpital
un enfant sourd grimace
devant la grosse caisse
un chien coupé oreilles couilles et queue
lèche la main de sa patronne


ça y est les jours sont comptés
les feux de forêts
les guérillas

un train a brûlé
dans un tunnel alpin

un forcené récite un poème
dans les haut-parleurs du parking
une délaissée hautaine
prend congé dans un tonneau de porto
un enfant idiot
se bave une berceuse
un chien coupé oreilles couilles et queue
lèche la main de sa patronne


ça y est les jours sont comptés
les ouragans
les attentats

un camion citerne a explosé
dans le marché aux esclaves

un illuminé lance des imprécations
sur les trottoirs du doute
une hémiplégique danse une hémi-salsa
dans l’atelier purgatoire
un enfant bègue répète à l’infini
une moitié de phrase
un chien coupé oreilles couilles et queue
lèche la main de sa patronne


ça y est les jours sont comptés
les couvre-feux
les révoltes

le vélo est tombé
dans la cour de la ferme

un chien coupé oreilles couilles et queue
mord la main de sa patronne

6 novembre 2010

vendredi 5 novembre 2010

dans le grand fracas

devant la porte de la caverne
un enfant souffle dans un os
dans le même temps
devant la porte du métro
un tzigane fait pleurer son violon

le monde vibre
dans le grand fracas des tempêtes et des typhons
dans le grand fracas des volcans et des orages
la mégapole danse
et le désert chante


dans la cave du caboulot
une trompette déchire la fumée
dans le même temps
dans le haut-parleur du supermarché
un synthé diffuse une musique dentifrice

le ciel vibre
dans le grand fracas des avions et des bombardiers
dans le grand fracas des blizzards et des siroccos
le viaduc sur le bras de mer danse
et la forêt de feuillus chante


sur la place du village
un homme tape sur des bidons
dans le même temps
dans la grande nef
une cantatrice lance des kyrie

l’océan vibre
dans le grand fracas des sirènes et des cachalots
dans le grand fracas des brise-glace et des thoniers
la plateforme pétrolière danse
et la banquise chante


dans l’os de la tempe
la vie rythme son allant
dans le même temps
dans les orgues des bronches
la vie siffle son hymne

l’humain vibre
dans le grand fracas des joies et des peines
dans le grand fracas des envies et des doutes
le cervelet mène la danse
et le cœur délivre le chant


l’humain vibre
dans le grand fracas
l’esprit vibre
dans le grand fracas

depuis le premier matin
la danse et le chant

5 novembre 2010

dimanche 31 octobre 2010

je regarde le talus de vignes

une sauterelle sabre
est posée sur la vitre
une patte en allée
les yeux affolés
d’une espionne presbyte

elle a perdu la bataille
elle a perdu sa guerre

elle vivra jusqu’au jour des morts
le vent aigre et sournois
l’emportera

je regarde le talus de vignes
et me demande bien
où est passé le gardien
de l’usine à rêves
qui a volé le protocole
à quelle heure est parti le coucou


un vieux pied de chou
a ployé sous son poids
la tête déchirée
vaincu par les pucerons
pourri dans le trognon

il a perdu la bataille
il a perdu sa guerre

il ne servira à rien
une brouette grinçante et rouillée
l’emportera

je regarde le talus de vignes
et me demande bien
où est passé le cuisinier
du temps
qui a volé la jardinière
à quelle heure est partie la coccinelle


un coing a pourri
sur son arbre
boursoufflé rose
sucé par les guêpes
becqueté de moineaux

il a perdu la bataille
il a perdu sa guerre

il tombera sous le gel
une corneille grise et malade
l’emportera

je regarde le talus de vignes
et me demande bien
où est passé le copiste
du bréviaire aux serments
qui a volé l’encrier
à quelle heure est parti le garrot à l’œil d’or

31 octobre 2010

vendredi 29 octobre 2010

je suis au monde

un soleil
maigre
glisse
dans le lac

c’était hier
c’est aujourd’hui
et c’est demain

c’était
il y a mille ans
ce sera ainsi
tant que ce lac sera

un parfum d’ambre
une femme passe
dans l’allée

je suis au monde

et la sérénité
agenouillée
sur la grève

je suis au monde

un soleil
malade
couché
dans le lac

c’était hier
c’est aujourd’hui
et c’est demain

c’était
au commencement de l’étoile
ce sera ainsi
jusqu’à la disparition des forêts

un mouvement de l’air
une femme passe
dans l’allée

je reste au monde

et l’abandon
nu
dans les roseaux

je reste au monde

jusqu’au dessèchement
du fleuve

29 octobre 2010

mercredi 27 octobre 2010

première brindille

première brindille
j’ai mis dans l’allumette
un souvenir d’enfant
un dimanche de pluie
et deux chagrins écornés

première bûchille
j’ai mis en allume-feu
une nuit blanche
un baiser troublé
et deux chagrins d’amours

première bûche
j’ai mis en boutefeu
une rencontre avortée
une trahison grise
et deux chagrins promis

dernière brindille
j’avais mis
un mensonge
une bille volée
un chagrin du matin

dernière bûchille
j’avais mis
un émoi
une rupture vive
un chagrin du soir

dernière bûche
j’avais mis
une fuite
un aveu torturé
un chagrin de nuit

toute la charpente
j’avais omis
une promesse
un serment donné
un chagrin d’automne

27 octobre 2010

mardi 26 octobre 2010

le vent dans les tuiles

le vent chantait dans les tuiles
des concertos sauvages et nordiques
les grands bouleaux dans le parc
faisaient une révérence de feuilles
juste un frémissement
un menuet

le vent chantait dans les chéneaux
des concertos aériens et sacrés
les cyprès dans le cimetière
se saluaient et s’invitaient
juste un mouvement
un quadrille

le vent chantait dans la charpente
des concertos givrés et corrosifs
les cèdres de l’allée
roulaient des hanches
juste une esquisse
une sardane

le vent chantait dans les persiennes
des concertos vifs et tragiques
les tilleuls dans la préau
rêvaient de conquêtes
juste un frôlement
une pavane

le vent chante dans le rideau
un concerto lourd et damné
le noyer dans le talus
se béjarre sur une pointe
juste un souvenir
un entrechat
un écart
un soleil

26 octobre 2010

dimanche 24 octobre 2010

une à une

une à une
les serrures tombent
les paroles circulent
et les regards et les prénoms
l’une apporte le miel
l’autre la cannelle
dans une bouilloire de cuivre
chante l’eau du glacier


une à une
les portes s’ouvrent
les rires s’évadent
et les œillades et les diminutifs
l’une apporte les huiles
l’autre les encens
sous les dentelles
frissonnent les peaux d’ambre


une à une
les fenêtres éclatent
les soupirs s’envolent
et les baisers et les câlins
l’une gémit
l’autre se pâme
sous les caresses
se dressent les fiers tétons


une à une
les braises pétillent
les plaisirs explosent
et les cris et les liqueurs
l’une s’extase
l’autre suffoque
sous les bouches
s’embrasent les corps
et se calcinent les cœurs

24 octobre 2010

mercredi 20 octobre 2010

et j'ai vu dans le miroir d'une sarcelle

et j’ai vu dans le miroir d’une sarcelle
les grands branle-bas
les hauts charriages
une aurore boréale
le fumet du café du matin

toute une vie s’agite dans les détroits
qui prendra le risque du passage
qui sera cloué d’effroi
et qui réchauffera la soupe

et j’ai vu sur la bague du martinet
les grands remuages
les hauts plans de vol
une étoile de Norvège
une soufflerie de tuba

toute une vie se bouscule parmi les icebergs
qui cognera le brise-glace
qui prendra l’apéro
et qui réchauffera l’azote

et j’ai vu sur les rémiges d’une sterne
les grands déménagements
les hautes transhumances
une chanson magnétique
un bal de toundra

toute une vie se fermente dans les abysses
qui tentera la traversée
qui signalera le gué
et qui réchauffera l’essence de palme

et j’ai vu sur le bec du coucou
les grands abandons
les hautes colonies
une danse marine
une plage érythréenne

toute un vie bouillonne dans les puits
qui jettera l’amorce
qui retournera l’outre
et qui réchauffera le thé à la menthe

et j’ai vu dans la pupille de l’autour
les grands vents espérés
les hautes bises aventurières
les chants gonflés de l’aile
une biguine de voltige

20 octobre 2010

lundi 11 octobre 2010

et qu'on ouvre

c’est la danse des pieds-bots
des chevilles désarticulées
des arthrites et des syncopes
c’est la chanson des souffles courts
des circuits ventilés
des ivresses et des suées

et qu’on ouvre
qu’on ouvre le journal
des douleurs et des fièvres

c’est la danse des m’as-tu-vu
des caroncules boursouflées
des défilés et des médailles
c’est la chanson des coqs de casserole
des mitrons d’état-major
des ordonnances et des stratégies

et qu’on ouvre
et qu’on ouvre le journal
de la bêtise et de l’absurde

c’est la danse des rollators
des fémurs en conserve
des tisanes et des semainiers
c’est la chanson des prothèses
des baumes tranquilles
des somnolences et des oublis

et qu’on ouvre
et qu’on ouvre le journal
des fatigues et des retraites

c’est la danse des vendangeuses
des pressoirs affolés
des refoins et des pressées
c’est la chanson des bouilleurs de cru
des betteraves en terril
des citernes et des cuviers

et qu’on ouvre
et qu’on ouvre le journal
des récoltes et de l’épargne

c’est la danse du calendrier
des célébrations votives
des bals populaires et des feux patriotiques
c’est la chanson des rosaires
des amours en fanfare
des amphores et des noces

et qu’on ouvre
et qu’on ouvre le journal
des fêtes et des bouquets

des fêtes
et des bouquets
et qu’on ouvre

11 octobre 2010

jeudi 7 octobre 2010

l'empreinte d'une comète

dans le plâtras de mon ventre
l’empreinte d’une comète
d’une vipère des sables
d’un marabout
ou d’un sentiment à vif
va savoir

ce matin clairet
quand le froid s’esquive
le monde se montre à sa fenêtre
une voilette un mouvement
j’ai cru voir un sourire tomber sur le trottoir


dans la poussière de mon ventre
l’empreinte d’une étoile
d’un loup de la taïga
d’un balbuzard
d’un amour nouveau-né
tu parles

ce midi en plein vacarme
des galeries marchandes
le monde fait quelques pas
une causette un tutoiement
j’ai cru entendre un rire cogner aux vitres


dans le limon de mon ventre
l’empreinte d’un météore
d’un bison des steppes
d’une gélinotte
ou d’une émotion acérée
va savoir

cette fin d’après-midi
sous un soleil d’automne
le monde fait ses commissions
une emplette un foisonnement
et je l’ai bien vu bâfrer le menu du jour


dans le sable de mon ventre
l’empreinte d’une planète
de l’orignal des grands lacs
du serpentaire
ou d’un pardon avorté
tu parles

cette nuit froide
sous le candélabre
le monde danse une gavotte
un musette un ravissement
et je l’ai bien entendu chanter des gaudrioles


le monde me salue
va savoir
avec un grand éclat de rire
tu parles

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

7 octobre 2010

lundi 4 octobre 2010

quand le sud charrie du vent

quand le sud charrie du vent
ce pays s’ébroue
comme un cabri d’une heure
il vacille et tangue
comme un thonier dans un gros temps

quand le sud charrie du vent
les rémiges font au corbeau
un costume d’aumônier colérique
il tangue et vacille
comme l’épouvantail des mauvais jours

quand le sud charrie du vent
s’étirent sur ce pays
les pigments d’un peintre moderne et fou
à la taloche au couteau
au pistolet au tromblon
il vacille et tangue
comme un de Staël ivre et affamé

quand le sud charrie du vent
les pharmacies de ce pays
dispensent du jus de saule
comme autant d’indulgences
il tangue et vacille
comme un migraineux épileptique

quand le sud charrie du vent
les caravanes de nuages
remontent du Sahel et des mirages
comme des feuilles de routes biaisées
il vacille et tangue
comme un fennec aveugle

quand le sud charrie du vent
la pluie est rose et lourde
comme un sexe de femme
il tangue et vacille
comme un danseur exténué

quand le sud charrie du vent
la vie est rouge et sourde
comme une mangue dans ta main
je vacille et tangue
comme un danseur exténué

comme un danseur exténué

4 octobre 2010

vendredi 1 octobre 2010

il y aura des naissances

les anges des carnavals
dorment sous des cyprès de ferraille
il y a des barriques
il y a des conciliabules
il y aura des naissances

je plonge dans un concerto
pour salamandre et triton
les soupirs sont des rides sur l’étang
les croches sont le temps du colvert
il y aura des naissances


les saints des calendriers
jouent à cache-cache dans les rosaires
il y a des chaudrons
il y a des palabres
il y aura des naissances et des mariages

je plonge dans une sonate
pour cornemuse et crapaud
les soupirs sont des soufflets de forge
les blanches sont le temps de l’aigrette
il y aura des naissances et des mariages


les esprits des rogations
chantent sous les rideaux d’écume
il y a des lessiveuses
il y a des harangues
il y aura des naissances des mariages et des deuils

je plonge dans une fugue
pour larve et libellule
les soupirs sont des vols de saint-esprit
les rondes sont le temps du busard
il y aura des naissances des mariages et des deuils

1 octobre 2010

mardi 28 septembre 2010

je tresse des calembredaines

je tresse des calembredaines

c’est du chagrin en contrebande
c’est du chagrin en container
c’est du chagrin en courtepointe
c’est du chagrin en cartouchière

où je vas quoi je fas
je file la ligne des crêtes
je tourne le dos au monde
où je vas quoi je fas
je tresse des calembredaines

c’est du chagrin que l’on dispense
c’est du chagrin en liseré
c’est du chagrin en uppercut
c’est du chagrin délibéré

où je vas quoi je fas
je descends dans la sonde
j’empile des pierres à briquet
où je vas quoi je fas
je tresse des calembredaines

c’est un jeu de rupture
c’est la folie diagonale
c’est le point de fuite
c’est l’abandon des dimanches

où je vas quoi je fas
je remonte la falaise
je copie un mode d’emploi
où je vas quoi je fas
je tresse des calembredaines

c’est un geste d’invite
c’est une larme de diamant
c’est une caresse méridienne
c’est un carquois de la Saint-Jean

où je vas quoi je fas
je maquille la mappemonde
j’éparpille les déserts
où je vas quoi je fas
je tresse des calembredaines

c’est du chagrin qu’on détricote
c’est du chagrin en bas résille
c’est du chagrin dans un faitout
c’est du chagrin un peu ragoût

où je vas quoi je fas
je négocie des passages
je détourne les fleuves
où je vas quoi je fas
je tresse des calembredaines

c’est du chagrin à la braconne
c’est du chagrin à la criée
c’est du chagrin sauce grand veneur
c’est du chagrin cicatrisé

où je vas quoi je fas
je file la ligne des crêtes
je tourne le dos au monde
où je vas quoi je fas
je tresse des calembredaines

28 septembre 2010

dimanche 26 septembre 2010

hip-hop tulipe

un moineau sort en p’tite liquette
rendez-vous des corbeilles à pain
mène sa clique à la baguette
et fiente son chant du matin

hip-hop tulipe
valse glycine
hip-hop tulipe
coquelicot tango

la p’tite souris sort en chemise
rendez-vous des coffrets à dents
grignote le cours des devises
crotte sur le chant des partisans

hip-hop tulipe
valse glycine
hip-hop tulipe
coquelicot tango

un merle sort en p’tite nuisette
rendez-vous rue des bigarreaux
turlutte une fanfare de fête
et chie un concert de noyaux

hip-hop tulipe
valse glycine
hip-hop tulipe
coquelicot tango

le petit rat sort en pantoufles
rendez-vous aux heures de pointe
attiré par l’opéra-bouffe
et pétole un accord de quinte

hip-hop tulipe
valse glycine
hip-hop tulipe
coquelicot tango

un corbeau freux sort en peignoir
rendez-vous des champs de labour
avale sa ration du soir
lâche une merde de chant d’amour

hip-hop tulipe
valse glycine
hip-hop tulipe
coquelicot tango

je rentr’ chez moi en pyjama
rendez-vous café insomniaque
bouffe ma vie panorama
lâche un vent de chanson patraque

hip-hop tulipe
valse glycine
hip-hop tulipe
coquelicot tango

hip-hop tulipe
valse narcisse
hip-hop tulipe
et guimauve tango

26 septembre 2010

mercredi 22 septembre 2010

dans sa boîte à lait

à perte d’envie à perte
des corridors obstrués
par la langueur des jours
l’aspirateur sur la palier
le paillasson crotté
un accordéon chiale
dans l’entresol

je dépose un dahlia écarlate
dans sa boîte à lait

à perte d’argent à perte
des guichets désertés
par les décrets de l’usure
la machine à monnaie
la caméra sur le cours du change
un bugle ricane
devant le fourgon blindé

je dépose un bouton d’or
dans sa boîte à lait

à perte de vue à perte
des horizons disparus
sur la ligne des chagrins
le rideau de chaleur sur la route
l’estagnon explosé
un banjo dégouline
sur le pont d’un camion

je dépose une euphorbe
dans sa boîte à lait

à perte d’amour à perte
des chambres condamnées
par la clef des ruptures
la valise jetée devant la porte
la photo déchiquetée
un trombone renifle
à l’entrée du parking

je dépose un chardon
dans sa boîte à lait

à perte de vie à perte
des chemins défoncés
par la colère absurde
le linceul de fortune
la messe des morts bâclée
un orgue de barbarie grince
devant le cimetière

je dépose un chrysanthème
dans sa boîte à lait

22 septembre 2010

mardi 21 septembre 2010

une belladone sur le chemin

des nénuphars raccommodés sur la grande voile
des effarvattes aplaventrées sur les massettes
des libellules rouges
des violons aiguisés
une belladone sur le chemin
je jette un défi aux castagneux

des joncs des tonneliers en silhouette
des rousseroles agenouillées devant le saule
des papillons noirs
des pianos écartelés
une belladone sur le chemin
je jette un défi aux castagneux

des liserons amoureux en houppelande
des turdoïdes crucifiées sur les roseaux
des scarabées d’argent
des clarinettes endimanchées
une belladone sur le chemin
je jette un défi aux castagneux

des gratte-culs éclatés sur le banc de bois
des jaseurs ficelés dans les lierres
des cétoines vermillon
des tambours éventrés
une belladone sur le chemin
je jette un défi aux castagneux

des argousiers égrappés sur la barrière
des gravelots amputés sur la grève
des abeilles carmin
un tuba cabossé
une belladone sur le chemin
je jette un défi aux castagneux

je rentre au cabanon
manger des ravioles de têtards

21 septembre 2010

samedi 18 septembre 2010

je couche

les lèvres de la rue
le chat de la concierge
l’arbitre des vélos
la vendeuse de pizzas
et les néons biscornus
je couche
je couche dans le laboratoire pharmaceutique

le couloir des landaus
le perroquet du kiosque
la stratégie pianiste
le roi du bar à vin
et l’abribus en plein vent
je couche
je couche dans la salle de rédaction

la grille du square
les piafs endimanchés
les miettes de la lune
le forain du tire-pipe
et le carrousel sans musique
je couche
je couche dans le presbytère des dames

la porte de l’hôtel
le molosse à képi
le chasseur de diamants
le champion du shaker
et le tapis rouge désabusé
je couche
je couche dans la guérite du veilleur

le sphincter du métro
le pigeon de la vielle dame
l’archange des dessous
la marchande de rêves
et la poubelle débordée
je couche
je couche dans la salle des maîtres

le judas digicode
le rat dedans la loge
le garage à chariots
la demoiselle qui tangue
et le tourniquet du malheur
je couche
je couche dans le centre de transfusion

18 septembre 2010

lundi 13 septembre 2010

sur la toile

l’infirmière bosniaque
cherche un mari
sur la toile
un mari
une souris
un rat
patatras

la médiatrice blafarde
cherche un miroir
dans le voile
un effroi
une croix
un talent
rataplan

l’avocate libérée
cherche une peine
sur la toile
un pilori
une souris
un malfrat
patatras

la libre penseuse fière
cherche un désir
dans le voile
un exploit
une croix
un tourment
rataplan

l’enseignante retraitée
cherche une recette
sur la toile
un rôti
une souris
un estouffat
patatras

la photographe éreintée
cherche une ombre
dans le voile
une proie
une croix
un galant
rataplan

la caissière invalide
cherche un amant
sur la toile
une envie
une souris
un castrat
patatras

l’assistante esseulée
cherche un pardon
dans le voile
un émoi
une croix
un serment
rataplan

la pleureuse éhontée
cherche un fou rire
sur la toile
un débris
une souris
un mascara
patatras

la batelière apatride
cherche un report
dans le voile
un pavois
une croix
un salant
rataplan

13 septembre 2010

dimanche 12 septembre 2010

l'amour se vend

carnaval de choux et de nèfles
brin de lavande brin de persil
la marchande a des yeux pervenche
croque la pomme croque la pomme
elle vend des carrosses en tranches
et des sabots de vénus
la rue fleurit tour de magie
l’amour se vend au marché primeur
l’amour se vend

accordéon manouche et les yeux noirs
brin de laine brin de paille
le musicien a des yeux de nacre
mains sur les hanches mains sur les hanches
il fait tourner les manants en bras de chemise
et des princesses aux ailes blanches
le plancher brille tour de valse
l’amour se trousse au sanatorium
l’amour se trousse

litanie des cognées et des lames
brin d’épilobe brin de copeau
le bûcheron a des yeux de sève
croque le pigne croque le pigne
il dresse des mâts de caravelles
et des charpentes de cathédrales
la forêt vrille tour de force
l’amour s’abat à la coupe de bois
l’amour s’abat

carrousel de triolets et de syncopes
brin d’ancolie brin d’harmonie
la chanteuse a des yeux de blues
claquent les mains claquent les mains
elle lance des chansons de rupture
et des rengaines à boire
la salle vibre tour de chant
l’amour se glisse à la symphonietta
l’amour se glisse

train de cadences et d’équipes
brin de fatigue brin de tabac
l’ouvrier a des yeux de plomb fondu
compte les heures compte les heures
il met du rêve en boîte
et des vacances en conserve
la sirène raccroche tour de carte
l’amour part en vélo à la sortie d’usine
l’amour part en vélo

coffre à révolte boîte à outils
brin de mystère brin de colère
le clandestin a des yeux d’océan
casse la corde casse la corde
il dessine des cartes de séjour
et des fleurs d’espérance
la frontière disparaît tour de passe-passe
l’amour se met en branle à la salle des machines
l’amour se met en branle

12 septembre 2010

mardi 7 septembre 2010

l'avenir est un peu grand

l’avenir est un peu grand
on éteint les projecteurs
replie la carte

un pied carré de soleil
deux tagètes sur le perron
le territoire est ami
une envie dans la poche
un salut à la merlette
le trottoir est camarade
l’avenir est un peu grand
le trottoir camarade

l’avenir est un peu lourd
on gonfle les ballons
largue les contrepoids

une arête de nuage
deux arolles sur la crête
la montagne est connue
un harmonica dans la poche
un salut au chocard
le sentier est fidèle
l’avenir est un peu lourd
le sentier fidèle

l’avenir est un peu large
on déboîte les coudes
joue de l’épaule

une trouée verticale
deux marches dans le granit
le refuge est ouvert
un mousqueton dans la poche
un salut à l’aigle
la course est aventure
l’avenir est un peu large
la course aventure

l’avenir est un peu haut
on retire l’échelle
dénoue la corde

un ourlet d’ombre
deux revers sur le col
le paletot est à la mesure
une thune dans la poche
un salut au coucou
la piste est balisée
l’avenir est un peu haut
la piste balisée

l’avenir est un peu vaste
on range le sextant
passe son tour de quart

un palier de vagues
deux marées sur la ville
les amarres sont solides
une boussole dans la poche
un salut à la frégate
l’itinéraire est tranquille
l’avenir est un peu vaste
l’itinéraire tranquille

7 septembre 2010

dimanche 29 août 2010

à l'heure du laitier

à l’heure du laitier
je détournerai
tous les wagons-citernes
sur la voie des étoiles

les aiguillages du ciel
rempliront les nébuleuses
à pleines soucoupes

le ciel deviendra blanc
les nambules et les crobates
tomberont à genoux
je crois bien
je crois bien que je vais t’aimer


à l’heure de l’usine
je détournerai
tous les charrois de minerais
sur le ballast des hauts-fourneaux

les petits soldats du contrôle
rempliront les stratégies
de plomb fondu

le ciel deviendra vermillon
les nambules et les crobates
tomberont à genoux
je crois bien
je crois bien que je vais t’aimer


à l’heure des éboueurs
je détournerai
tous les camions recycleurs
sur les autoroutes troglodytes

les martiens des enzymes
rempliront les consciences
à pleines fosses

le ciel deviendra vert
les nambules et les crobates
tomberont à genoux
je crois bien
je crois bien que je vais t’aimer


à l’heure du journal
je détournerai
tous les containers de rames
sur les plates-bandes de salades

les penseurs typographes
rempliront les petites annonces
de bonnes nouvelles

le ciel deviendra anthracite
les nambules et les crobates
tomberont à genoux
je crois bien
je crois bien que je vais t’aimer


à l’heure de l’angélus
je détournerai
toutes les brouettes de rosaires
sur les travées laïques

les tintements de la cloche
rempliront les credo du doute
à pleins vents

le ciel deviendra mauve
les nambules et les crobates
tomberont à genoux
je crois bien
je crois bien que je vais t’aimer

sans gêne ni rapière

29 août 2010

jeudi 26 août 2010

dans le cul de la bouteille

le long du fleuve
les marchands de sable
tiennent conseil
dans la vase
des fleurs de béton
dans le tamis
des minuteries de sabliers
dans les bennes
des projets de ville
le long du fleuve
les marchands de sable
se retroussent les manches
et crachent dans les mains

insolite insoluble
insoumis insultant
insoluble insolite
insultant insoumis

sur le dos de la colline
les géomètres de l’ombre
se tiennent à carreaux
dans le pré de fauche
des glissades d’ombellifères
dans les ressacs
des étoiles de quartz
dans le fourré
des literies de mousse
sur le dos de la colline
les géomètres de l’ombre
déploient leurs parasols
et tirent la couverture

insolite insoluble
insoumis insultant
insoluble insolite
insultant insoumis

sur l’épaule de la montagne
les tireurs de ficelles
roulent les mécaniques
dans les armoires
des sacs de cordes
dans la paroi
des balles de soie
dans les pierriers
des cadavres de pendus
sur l’épaule de la montagne
les tireurs de ficelles
tissent des liens
et lancent des rappels

insolite insoluble
insoumis insultant
insoluble insolite
insultant insoumis

sur le flanc de la ville
les artisanes du sommeil
tricotent des berceuses
dans le presbytère
un bouquet d’immortelles
à la machine à coudre
des points de non-retour
sur le couvre-lit
des recettes somnifères
sur le flanc de la ville
les artisanes du sommeil
amidonnent les fantasmes
et repassent pour le plaisir

insolite insoluble
insoumis insultant
insoluble insolite
insultant insoumis

dans le cul de la bouteille
les apothicaires du rêve
se paient notre fiole
dans les bonbonnes
des macérations de promesses
dans les jarres
des fermentations imbéciles
dans les pots
des onguents belzébuth
dans le cul de la bouteille
les apothicaires du rêve
se paient notre tête
et gardent la monnaie

insolite insoluble
insoumis insultant
insoluble insolite
insultant insoumis

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

26 août 2010

mardi 24 août 2010

si la montagne ment

il est difficile pour la ville
de s’évader
des routes de ceintures
des routes de bretelles
des routes rocades
et des chemins de ronde
pas d’issue pas de méharée

dahlia rouge dahlia sang
dahlia rouge dahlia feu
dahlia noir dahlia nuit
dahlia noir dahlia guerre

si la montagne ment
la sentinelle est perdue
si la montagne ment
la sentinelle meurt sous signal


il est difficile pour l’aéroport
de s’envoler
des yeux miradors
des yeux tours de contrôle
des yeux d’agents de sécurité
et des guichets de douane
pas d’issue pas de plan de vol

dahlia rouge dahlia sang
dahlia rouge dahlia feu
dahlia noir dahlia nuit
dahlia noir dahlia guerre

si la montagne ment
le trapéziste est effacé
si la montagne ment
le trapéziste meurt sous vide


il est difficile pour la place d’arme
de rêver
des portes interdites
des portes barbelées
des portes électrifiées
et des passages minés
pas d’issue pas de trêve

dahlia rouge dahlia sang
dahlia rouge dahlia feu
dahlia noir dahlia nuit
dahlia noir dahlia guerre

si la montagne ment
le capitaine est disloqué
si la montagne ment
le capitaine meurt sous narcose


il est difficile pour l’évêché
de s’élever
des cellules séminaires
des cellules de repos
des cellules de dégrisement
et des grilles de tabernacle
pas d’issue pas de rosaire

dahlia rouge dahlia sang
dahlia rouge dahlia feu
dahlia noir dahlia nuit
dahlia noir dahlia guerre

si la montagne ment
l’enfant de chœur est révolu
si la montagne ment
l’enfant de chœur meurt sous pénitence

dahlia rouge dahlia sang
dahlia rouge dahlia feu
si la montagne ment
dahlia noir dahlia nuit
dahlia noir dahlia guerre
si la montagne ment

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

24 août 2010

dimanche 22 août 2010

la dernière pêche

sur le plancher de mélèze
un sabot s’ennuie des polkas
quelques feuilles du poirier déjà
le balai de paille est malade
et sommeille en plein soleil
sur la table en plastique
un verre d’eau de menthe
la dernière pêche de l’année

un geai éberlué se soûle dans le prunier
un rythme un peu chamane
vient de la forêt

sous le banc du jardin
un sabot s’ennuie des gavottes
quelques chardons secs déjà
la pioche est rouillée
et dort à l’établi
sur le bidon en plastique
une verre d’eau de mélisse
la dernière pêche de l’année

un roselin cramoisi se gave de framboises
un rythme un peu lavandière
vient du ruisseau

derrière le cuvier de la ferme
un sabot s’ennuie des bourrées
quelques grappes sèches déjà
le fouloir est ivre
et ronfle sous les tonneaux
sur la caisse en plastique
un verre de verjus
la dernière pêche de l’année

une grive en ribote siffle un cul de bouteille
un rythme un peu pressoir
vient de la vigne

derrière la corbeille d’honneur
un sabot s’ennuie des rigodons
quelques boutons d’or fanés déjà
la bannière est tombée
et repose dans le caniveau
sur un guéridon en plastique
un verre de café froid
la dernière pêche de l’année

un moineau ivre mort tombe dans le tuba
un rythme un peu fanfare
vient de la halle des fêtes

une pie lubrique danse dans la bière
un rythme un peu salace
monte du soupirail

dans un sac en plastique
un cachet d’aspirine
la dernière pêche de l’année

22 août 2010

samedi 21 août 2010

un poème s'est assis

un poème s’est assis
sur le manche de ma bêche
il a dit
je veux parler de la prêle
et de la bourrache
de la solitude de la guimauve
et de la folie des valérianes

moi je voulais chanter la rose trémière
et trouver une rime à cam-pa-nule
le poème a souri


un poème s’est assis
sur mon cheval à bascule
il a dit
je veux parler de la rougeole
et des écorchures aux genoux
des jupes cruelles
et des savons qui piquent

moi je voulais chanter des comptines
et trouver une rime à mi-ra-belle
le poème a ri


un poème s’est assi
sur la grille de mon perron
il a dit
je veux parler des trahisons
et des serrures
des chaussures crottées
et des sonnettes cassées

moi je voulais chanter les rendez-vous
et trouver une rime à bien-ve-nue
le poème a ricané


un poème s’est assis
sur la descente de mon lit
il a dit
je veux parler des chaussettes
et des ronflements
des pyjamas troués
et des insomnies solitaires

moi je voulais chanter jeux interdits
et trouver une rime à tes des-seins
le poème a rosi


le poème s’est agenouillé
sur notre traversin
il n’a rien dit
je l’ai embrassé à pleine bouche
je lui ai caressé la césure

moi je veux chanter nuit câline
et trouver une rime à au-bè-pine
le poème a joui

j’ai chanté nuit câline
et trouvé une rime à au-bé-pine

sans gêne ni rapière

21 août 2010

jeudi 19 août 2010

l'avenir se promène

l’avenir se promène
sous des lunettes noires
un soleil ironique
le traque dans les rues
les barques sont cassées
frontières verrouillées
et les chiens des douaniers
mordent sans aboyer

requiem inquiet
inquiet requiem
opéra camorra
angora opéra

l’avenir se promène
en pièces détachées
un mécano lubrique
en fait un sarcophage
les barques sont brisées
frontières emmurées
et les chacals des côtes
ont les dents barbelées

requiem inquiet
inquiet requiem
opéra camorra
angora opéra

l’avenir se promène
dans un fourgon blindé
un malfrat imbécile
a fait tout explosé
les barques sont coulées
frontières électrifiées
les molosses de la loi
ont des mâchoires d’acier

requiem inquiet
inquiet requiem
opéra camorra
angora opéra

l’avenir se promène
sur l’étoile égarée
un archange obstiné
a soudoyé l’orbite
les barques sont perdues
frontières pointillées
constellation du chien
lèche le paradis

requiem inquiet
inquiet requiem
opéra camorra
angora opéra

requiem inquiet
inquiet requiem
opéra camorra
angora opéra

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

19 août 2010

lundi 16 août 2010

une cape rouge

l’extincteur est rassuré
les consignes sont polycopiées en vingt-sept langues
le feu est polyglotte
de la Mandchourie au Yucatan
de la Haute-Loire à la Sierra Leone
d’Isérables à Bonatchiesse
du Chemin des Roseaux à la Rue des Granges
l’extincteur a le costume du héros
une cape rouge une épaulette d’argent
il est le gardien universel de l’escalier

l’enfer est sous surveillance
la foudre est en cage
le volcan est en croûte
l’enfer est sous surveillance

goupillon goupillette
dégoupillons la dégoupillette

l’extincteur est fier
peu de gens ont autant d’importance
de la Mandchourie au Yucatan
de la Haute-Loire à la Sierra Leone
d’Isérables à Bonatchiesse
du Chemin des Roseaux à la Rue des Granges
l’extincteur a le costume du héros

une cape rouge une épaulette d’argent
un statut et une stature

goupillette et goupillon
dégoupillons la dégoupillette

l’extincteur s’est vidé de son sang
l’extincteur s’est vidé de son sens
l’extincteur est mort

feu l’extincteur

de la Mandchourie…

16 août 2010

samedi 14 août 2010

je fais défaut

je m’écris de Provence
des chemins de lavande
des lits de miel et de serpolet
je m’écris des ciels de Provence
je m’écris
je m’écrie
sans aucun bruit je cherche noise
sans fausse note je fais défaut

je m’écris de l’alpe
des chemins de caillasse
des lits de gentiane et de rhododendron
je m’écris des rochers de l’alpe
je m’écris
je m’écrie
sans aucun bruit je cherche noise
sans fausse note je fais défaut

je m’écris de la cuisine
des chemins de daube
des lits de salades et de petit salé
je m’écris du buffet de la cuisine
je m’écris
je m’écrie
sans aucun bruit je cherche noise
sans fausse note je fais défaut

je m’écris de Camargue
des chemins de sable
des lits de flamands et de salicorne
je m’écris des roubines de Camargue
je m’écris
je m’écrie
sans aucun bruit je cherche noise
sans fausse note je fais défaut

je m’écris de la prairie
des chemins de pâture
des lits de fromage et de luzerne
je m’écris des barbelés de la prairie
je m’écris
je m’écrie
sans aucun bruit je cherche noise
sans fausse note je fais défaut

je m’écris de la cave
des chemins de victuailles
des lits de confitures et de légumes
je m’écris des dédales de la cave
je m’écris
je m’écrie
sans aucun bruit je cherche noise
sans fausse note je fais défaut

je m’écris de la mer
des chemins d’écume
des lits de marée et de méduses
je m’écris des tourbillons de la mer
je m’écris
je m’écrie
sans aucun bruit je cherche noise
sans fausse note je fais défaut

je m’écris de la vigne
des chemins de sulfate
des lits de mildiou et d’étourneaux
je m’écris des murets de la vigne
je m’écris
je m’écrie
sans aucun bruit je cherche noise
sans fausse note je fais défaut

je m’écris de la chambre
des chemins de moustiquaires
du lit de satin et de pervenches
je m’écris des secrets de ta chambre
je m’écris
je m’écrie
sans aucun bruit je cherche noise
sans fausse note je fais défaut

je m’écrie
sans aucun bruit je cherche noise
sans fausse note je fais défaut

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

14 août 2010

mercredi 11 août 2010

un enfant dessine

à quoi pense l’abeille devant un cageot de pêches
quelle est la couleur du paradis
quel goût ça a l’indigestion

gorgé d’ennui
un enfant vise à cailloux le réverbère

à quoi pense l’éboueur devant des sacs d’habits neufs
y a-t-il un programme mépris à sa machine
quel est son jour de mode

défiant l’ennui
un enfant crève les pneus des vélos

qu’est-ce qui traverse le chat de sa cervelle à sa vessie
combien de griffes compte la peur
quel goût ça a l’indifférence

puant d’ennui
un enfant cuisine des cafards

à quoi pense la fleuriste devant une salade de capucines
y a-t-il un programme mouillette à sa machine
quel est son jour de jeûne

torchant l’ennui
un enfant s’enferme dans les toilettes

qu’y a-t-il dans l’œil du cheval quand aboie le petit caporal
quel est ce chant d’éperon
quel goût ça a l’indignation

crevant d’ennui
un enfant dessine avec le diable

11 août 2010

dimanche 8 août 2010

au début il y a la guerre

des sacs de blé
des esclaves femelles
des travailleurs enfants
au début il y a la guerre

des forêts déchiquetées
des troncs dans les gouffres
des copeaux dans la bouche
des incendies dans les garrigues

des plaines assoiffées
des puits désaffectés
du sable dans les dents
des cadavres de chameaux

des sacs de blé
des esclaves femelles
des travailleurs enfants
au début il y a la guerre

des fleuves colériques
des villages engloutis
de la vase dans la bouche
des corps dans le courant

un vent venu d’enfer
des maisons décapitées
des sifflements dans les dents
des églises arrimées aux rochers


des sacs de poudre
des esclaves enfants
des travailleurs femelles
jour et nuit il y a la guerre

un parc derrière les grilles
une pelouse interdite
une gélule dans la bouche
chlorophylle obligatoire

des avenues de pierres
des devantures de rêves
un gel bactéricide dans les dents
un fonds de musique commerciale

des sacs de poudre
des esclaves enfants
des travailleurs femelles
jour et nuit il y a la guerre

un canal prisonnier
des vannes électroniques
du chlore dans la bouche
des canards en plastique

des ventilateurs fraîcheur marine
des terrasses factices
un cocktail lagune dans les dents
de nouveaux évangiles


des sacs de poussières d’os
des esclaves de sexe
des travailleurs de sang
à la fin il y a la guerre

des sacs de poussières d’os
des esclaves de sexe
des travailleurs de sang
à la fin et toujours il y a la guerre

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

8 août 2010

samedi 7 août 2010

et la samaritaine

la halle des fêtes s’ébroue sous la pluie du matin
on déroule des nappes aux couleurs de la banque
la fille d’honneur nettoie d’un fil de salive son escarpin
un jeune tambour répète une syncope
le préposé à la sécurité gesticule son numéro
et la samaritaine a un souci de ventre

oiseaux dégringolés
chats funambules
et un chien triste

la halle des fêtes est décorée de géraniums et de gentianes
le tonneau de vin d’honneur attend dans la chambre froide
la fille d’honneur a perdu son mouchoir de dentelles
le premier bugle mélange ses partitions
le préposé à la sécurité décapsule une bière
et la samaritaine fait le décompte de jours

oiseaux dégringolés
chats funambules
et un chien triste

la halle des fêtes transpire la raclette et les saucisses
on ricane doucement aux bons mots des discours
la fille d’honneur se moque des compliments
le directeur de la fanfare rabroue un joueur de fifre
le préposé à la sécurité barricade une entrée de service
et la samaritaine se désespère du calendrier

oiseaux dégringolés
chats funambules
et un chien triste

la halle des fêtes sent la fatigue ivrogne
on empile les tables et les chaises
la fille d’honneur a fait une tache à son tablier
un tuba somnole derrière la scène
le préposé à la sécurité signe son rapport
et la samaritaine boit au goulot une bouteille d’humagne blanche

oiseaux dégringolés
chats funambules
et un chien si triste

7 août 2010

dimanche 1 août 2010

une femme aux seins blancs

une cuillerée de sable
une danse de vent
un insecte de cuivre
un drap de soleil
une femme aux seins blancs

une cuillerée de sel
des pains de ciel
des mouettes d’acier
un grand carré de mauve
une femme aux seins blancs

une cuillerée de mer
une parure d’écume
des couteaux endormis
des écumoires de rêves
une femme aux seins blancs

une cuillerée de chaleur
un trou de braises
un lézard desséché
un cheval vapeur
une femme aux seins blancs

une cuillerée de lumière
un néon titane
une cigale électrique
un carreau de faïence
une femme aux seins blancs

une cuillerée d’orage
un bidon de soufre
un scorpion paratonnerre
un drapeau rouge
une femme aux seins blancs

22 juillet 2010

jeudi 15 juillet 2010

lait de nourrice des mauvais jours

mâchoires des contre-feux
et des sarcasmes
dans ton roman naïf
tu ajoutes un chapitre
vers la contrition
ton estagnon est vide
et ta gourde est crevée

hey hey pose ton tambour
sur la chaise-longue
ta guerre est finie
jusqu’à demain
et demain c’est dimanche
lait de nourrice des mauvais jours


morsures de feux de Bengale
et des fredaines
dans ton concerto de carême
tu ajoutes un mouvement
vers la reddition
ton ventre est vide
et ton fiel est crevé

hey hey joue de l’harmonica
à la barrière du parking
ta guerre est finie
jusqu’à ce soir
et ce soir c’est trêve
lait de nourrice des mauvais jours


mâchoires des pare-feux
et des ironies
dans ton oratorio plaintif
tu ajoutes une mesure
vers la soumission
ta cervelle est vide
et ta méninge est crevée

hey hey accorde ton banjo
à la grille de l’école
ta guerre est finie
jusqu’à l’automne
et l’automne est hors saison
lait de nourrice des mauvais jours


morsures des incendies
et des mensonges
dans ton poème à tiroir
tu ajoutes un verset
vers la sublimation
ton cœur est vide
et ton rêve est crevé

hey hey déhanche ton basson
au soupirail du dancing
ta guerre est finie
jusqu’à la chanson des cerises
et la chanson des cerises est en compote
lait de nourrice des mauvais jours

15 juillet 2010

lundi 12 juillet 2010

bonne nuit si tu t'endors

étoile fauchée
caravane perdue
chameau bouchoyé
poussière salée
la nuit est sans humeur
bonne nuit si tu t’endors

lit écartelé
drap de sueur
rabot d’insecte
huile rance
la nuit est sans oxygène
bonne nuit si tu t’endors

tambour aux tempes
bronche soufflée
chat-huant à l’agonie
pailles brûlées
la nuit est sans heures
bonne nuit si tu t’endors

rêve de craie
mitraille de sable
bouillie de crapaud
fleurs de compost
la nuit est sans objet
bonne nuit si tu t’endors

météore tombé
berger à la dérive
mouton crevé
boisson pourrie
la nuit est sans limite
bonne nuit si tu t’endors

bonne nuit si tu t’endors
endors-toi la nuit te guette

12 juillet 2010

jeudi 8 juillet 2010

lune étroite

cortège des ouvrières
agricoles
bouteilles de limonade
dans le ruisseau
un petit chef jappe
au bas de la vigne

trois sansonnets livides
dansent dans le pré
soleil à naître
lune étroite


chorégraphie des foulards
et des chapeaux
cisailles et raphias
un atomiseur crache
du sulfate de cuivre

deux pies revêches
s’engueulent dans l’ormeau
soleil malingre
lune étroite


tableau champêtre
pause sous l’escalier
pain frotté d’ail
tomates à l’huile
une radio donne
une météo de feu

une huppe laborieuse
exhume des larves
soleil tordu
lune étroite


chacun son rôle
dans l’opéra du vin
à chaque millésime
sa sueur
chansons de caillasse
chansons à boire

un chœur de grives folles
répète dans le talus
soleil fuyant
lune étroite


la jeep repart
vers le village
derrière le rideau
des jets d’eau
rires de fatigue
soupirs d’aise

un faucon ivre
dépèce un passereau
soleil mort
lune étroite

8 juillet 2010

lundi 5 juillet 2010

suivez cette voiture

la pharmacienne a ri
quand elle a donné
un test de grossesse
et une lolette
la jeune femme avait
les cernes et les veines indigo
il pleuvait des grappes de piment
et des rapports de police
un vrai temps de bataille
elle a craché par terre
et monté dans un train de banlieue

suivez cette voiture
et déclenchez le taximètre

la pharmacienne a blêmi
quand elle a donné
des lames de rasoir et de l’anticoagulant
le jeune homme avait
les yeux poupins et un collier de clous
il pleuvait des clés de cadenas
et des permis de séjour
un vrai temps de funérailles
il a shooté un pigeon
et filé sur sa mobylette

suivez cette voiture
et enclenchez le taximètre

la pharmacienne a souri
quand elle a donné
de l’extrait d’artichaut
et de la trinitrine
l’homme avait
des muscles de cuivre et de la couperose
il pleuvait des fiançailles
et des casiers judiciaires
un vrai temps de manœuvre
il a ravalé sa salive
et grimpé dans sa camionnette

suivez cette voiture
et enclenchez le taximètre

la pharmacienne a reniflé
quand elle a donné
un tire-lait et de la mort-aux-rats
la femme avait
le cheveu sale et les chevilles enflées
il pleuvait des coques de noix
et des fiches de signalement
un vrai temps de sacrifice
elle a maudit un prénom
et monté dans un taxi

suivez cette voiture
et déclenchez le taximètre

le pharmacien a soupiré
quand la pharmacienne est tombée
une fiole d’éther
du verre pilé et de l’antimoine
suivez cette voiture
il pleuvait des confettis d’étoiles
et des permis d’inhumer
un vrai temps de regrets
il a mordu sa langue
et grimpé dans le fourgon

suivez cette voiture
et déclenchez le tachygraphe
et déclenchez le tachygraphe

5 juillet 2010

dimanche 27 juin 2010

dans mon chapeau

j’ai caché dans mon chapeau
des wagons de réfugiés
toute la honte sans frontières
un sac de riz blanc
et du mépris
j’ai bien caché dans mon chapeau
les tambours des révoltés
le chant des cerises
au poing levé
au poing levé

j’ai rangé dans mon chapeau
des carrousels de princesses
tous les corsages sans frontières
et de l’envie
j’ai bien rangé dans mon chapeau
les tangos des amants
le jus des groseilles
aux mains ouvertes
aux mains ouvertes

j’ai perdu dans mon chapeau
les barques des trépassés
tous les souvenirs sans frontières
un chapelet de cailloux blancs
et du chagrin
j’ai bien perdu dans mon chapeau
les orgues des églises
le sang des roses
sous les ongles
sous les ongles

j’ai oublié dans mon chapeau
les trajets des gens de bien
toutes les promesses sans frontières
une allée de drapeaux blancs
et un pet de lapin
j’ai bien oublié dans mon chapeau
les clairons des discours
l’eau des navets
sur les mains blêmes
sur les mains blêmes

j’ai balayé de mon chapeau
les cargos des infortunes
tous les orages sans frontières
des cailloux noirs dans les lentilles
et du pardon
j’ai bien balayé de mon chapeau
les rengaines désuètes
le jus de chélidoine
sur les verrues
sur les verrues

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

27 juin 2010

ce soir c'est bal de la Saint-Jean

un enfant nu dans la fontaine
une mauresque sous le mûrier
un chant de femme à la fenêtre
je lis les chroniques de la place du marché

on enguirlande les tréteaux
on javellise le plancher
on prépare le bal populaire
ce soir c’est bal de la Saint-Jean

parfois les feux de la Saint-Jean
baisent des prairies sèches
des amants blonds
brûlent leurs peaux
dans les avoines
jupes froissées jupes troussées

un enfant hurle dans la fontaine
le pastis se boit au goulot
branle du bourdon au clocher
je lis les chroniques de la place du marché

on danse sur des tessons de bouteilles
on chante des chansons paillardes
l’accordéoniste a cramé son poumon
ce soir c’est bal de la Saint-Jean

parfois les feux de la Saint-Jean
calcinent des cœurs adolescents
des amants noirs
brûlent leurs cerveaux
dans les orties

jupes froissées jupes troussées
ah ! les amours déboutonnées
ah ! les lendemains déchirés

ce soir c’est bal de la Saint-Jean

24 juin 2010

lundi 14 juin 2010

je donnerai j'ai donné

j'ai levé les yeux au ciel
un canard a traversé le soir
il y eut l'odeur de la pluie
et des confettis de lavande sur tes épaules
je donnerai une forêt de violoncelles
pour célébrer ton visage

j'ai lancé un rire dans le soir
un avion a traversé le ciel
il y eut un parfum de trèfle
et une averse de pâquerettes sur tes cheveux
je donnerai des trilles de clarinettes
pour saluer ton envol

j'ai levé une étoile dans le ciel
un carillon a traversé le soir
il y eut un remugle de pivoine
et des grenailles de cerises sur ta bouche
je donnerai une sonnerie de clairon
pour ouvrir ton corsage

j'ai cassé le silence du soir
mon poème a traversé le ciel
il y eut un frisson de coquelicots
et une plumée de chardonneret sur ta nuque
je donnerai des préludes à quatre mains
pour chanter nos caresses

j'ai lavé le fusain de la nuit
un orage a traversé le val
il y eut une tempête d'iris
il y eut une fumée de soufre sur ta peau
et j'ai donné du tambour
pour déclarer l'amour

sans gêne ni rapière

14 juin 2010

jeudi 10 juin 2010

le vent du sud

le vent du sud
a mis de l'acryl
sur le pays
le vent du sud
a mis du tourment
dans les cerveaux
le vent du sud
est un vent chenapan
pan pan

paupière de ciment
chagrin de plastique
des larmes gasoil
pour un amour à deux temps
lèvres d'amiante
serment de brut
des larmes biogaz
pour un amour sous pression

le vent du sud
a mis de la pluie
dans un jerrican
le vent du sud
a déchiré les camisoles
dans les cervelles
le vent du sud
est un vent chenapan
pan pan

oreille de granit
promesse caoutchouc
des larmes d'eau de feu
pour un amour incendie
langue de schiste
tristesse en strates
des larmes hydrogène
pour un amour explosif

le vent du sud
a mis du carnaval
sur la forêt
le vent du sud
a mis du doute
dans mon cortex
le vent du sud
est un vent chenapan
pan pan
et rataplan

10 juin 2010

dimanche 6 juin 2010

dans le ciel cassé

il manque un chiffre à l'horloge
ils se sont trouvés rue du midi
dans la vitrine du bijoutier
elle a souri il a blêmi
l'amour n'a pas d'heure
c'est exact

un rire d'enfant dans le ciel cassé

il manque une croix sur la grille du loto
ils se sont plus rue du hasard
dans la vitrine du photographe
il a posé elle est dans le flou
le bonheur est surexposé
c'est exact

un air d'enfant dans le ciel colorisé

il manque une date au calendrier
il se sont unis à l'église
dans la vitrine du teinturier
il a dit oui elle a rougi
la vie ça a de ces couleurs
c'est exact

un silence d'enfant dans le ciel encagé

il manque un verre sur le comptoir
ils se sont quittés rue de la soif
dans la vitrine du cordonnier
elle ballerine lui bottes de pluie
la solitude est détaxée
c'est exact

un pleur d'enfant dans le ciel divisé

6 juin 2010

samedi 5 juin 2010

le temps qui passe

le temps qui passe
est une armoire pharmacie
il y a de quoi
soigner tous les maux quotidiens
il n'y a rien
pour traiter le mal qui ronge
on pleure devant la notice d'emballage
on meurt devant la tisanière

la mémoire
la mémoire
est une soupe aux vermicelles

le temps qui passe
est un coffre à jouets
il y a de quoi
perdre une soirée
il n'y a rien
pour gagner une vie
on pleure sur les règles du jeu
on meurt devant le jeu de dames

la mémoire
la mémoire
est une cervelle au beurre noir

le temps qui passe
est une boîte aux lettres
il y a de quoi
croire que l'on existe
il n'y a rien
pour le courrier du coeur
on pleure sur les récépissés
on meurt devant la levée du facteur

la mémoire
la mémoire
est une salade de myosotis

5 juin 2010

mardi 1 juin 2010

graine de lin

je sais je sais c'est du labeur
des stratégies sur l'établi
le doute sur le compte des heures
sur la chemise un mauvais pli
on peut regarder le miroir
on ne voit que des bonnes gens
le jugement est pour plus tard
quand sera délié le serment

graine de lin et potentille
fleur de lavande et millepertuis
fleur de lavande et potentille
graine de lin et millepertuis

je sais je sais c'est un combat
des étendards de convictions
le clairon pour le branle-bas
tous les rosiers sont en bouton
le risque de perdre la face
est enterré au fond d'un puits
chacun de nous laisse sa trace
au moins jusqu'à la prochaine pluie

fleur de lavande et millepertuis
graine de lin et potentille
graine de lin et millepertuis
fleur de lavande et potentille

je sais je sais c'est un amour
de banderilles et de bouquets
le doute sur le compte des heures
sous la chemise pas de corset
on dévisage le miroir
on ne voit qu'un bon sentiment
la bonne étoile soir après soir
le bonheur est sans jugement

graine de lin et potentille
fleur de lavande et millepertuis
fleur de lavande et potentille
graine de lin et millepertuis

graine de lin et fleur de lavande
potentille et millepertuis
millepertuis et potentille
fleur de lavande et graine de lin

1 juin 2010

dimanche 30 mai 2010

le nom des fleurs

le souffleur dans sa trappe
a oublié le texte sur la table de l'auteur
il invente des répliques désaccordées
des chutes et des cordes
des nœuds et des mouchoirs

le premier rôle s'est enfui côté jardin
il cherche le nom des fleurs
et celui de ses amants
il file à l'italienne
le long des actes manqués
des chutes et des cordes

le souffleur dans sa trappe
a réécrit le texte à sa convenance
il répète des répliques décalées
des trahisons sous le tapis
des chutes et des pirouettes

le jeune premier retourne à l'asile
il cherche le nom des fleurs
et celui des infirmières
les médicaments et les notices
des chutes et des pirouettes

le souffleur dans sa trappe
a pris l'auteur en otage
et lui fait écrire des horreurs
des meurtres et des poisons
des chutes et des testaments

la servante débite le cadavre
elle cherche le nom des fleurs
et celui du médecin-légiste
les faire-part et les hommages
des chutes et des testaments

le souffleur dans sa trappe
incendie le décor
déchire les costumes
et fait tomber le rideau
des chutes et des cours d'eau

le metteur en scène salue et sort
il cherche le nom des fleurs
et la rubrique des spectacles
des masques et des pagaies
des chutes et des cours d'eau

le souffleur dans sa trappe
a cassé son poumon d'acier
il ferme le ventilateur
et quitte la scène
des chutes et des apnées

le souffleur dans sa trappe
quitte la scène
récite le nom des fleurs
récite le nom des fleurs
récite le nom des fleurs

30 mai 2010

samedi 29 mai 2010

je cède une part de fin du monde

je cède une part de fin du monde
pour une pluie de chardonnerets

du béton cousu main
pour les soirs républiques
des fenêtres en carton
aux discos du clergé
un salaire wonderbra
pour la caissière du ciel
des billes et des boulons
pour les cités radieuses

je vends un fonds des droits de l'homme
pour une giboulée de sansonnets

un lierre pare-vapeur
sur des indemnités chômage
des robinets de chanvre
pour la tisane du soir
un lit-de-camp de charme
pour des amours brindilles
un calicot en tôle
pour un remords syndicat

j'achète une concession de vent
pour un bouquet d'hirondelles

une piaule container
pour une nymphe kasher
une tonsure de granit
pour l'aumônier en herbe
un portail en satin
pour le travail de nuit
un lit-portefeuille
pour la monnaie plastique

je vends une action sur le rêve
pour une averse de criquets

un cargo carmélite
dans un détroit de messe
un tapis de prière
au pied des grues du port
une passerelle buvard
au cours des fonds marins
un lit de pâquerettes
aux clairières de la bourse

je sacrifie un bout d'éternité
pour un vol d'éphémères

un préau de dioxine
dans un fût de banlieue
un vignoble carbone
pour un cru millésime
une seringue de nacre
sur la robe infirmière
un lit de renoncules
à l'hôtel des finances

je garde le droit à la vie
pour une armée de vers

un wagon d'explosifs
dans la cour de l'école
un treillis barbelé
couvrant le libre-arbitre
le bustier de la juge
aux dentelles de cuivre
un delta sulfureux
sous la gaine du sable

je cède un part de fin du monde
pour un tonnerre d'alouettes

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

29 mai 2010

vendredi 28 mai 2010

qui boit qui boite

la femme qui boit qui boite
empile des briques et des cartons
sur des errances et des pardons
s'invente des couvaisons
et des jeux de Pâques

elle est connue du dispensaire
et des animaleries
dans sa tête une hélicoptère sans chrome
un caméléon noir

sur sa fenêtre une buveuse

l'homme qui ment qui mendie
assemble des valises et des adresses
sur des horaires et des titres de transport
s'invente des campements
et des fées clochettes

il est connu des salles d'attente
et des sandwicheries
dans sa tête un échafaudage sans chrome
un flamand gris

sur sa fenêtre un liseron

la femme qui boit qui boite
découd des cols et des glissières
sur des projets de robe du soir
s'invente des bribes et des chagrins
et des parfums de source

la femme qui boit qui boite
consulte dans un abribus
mange des pilules et des cachous
s'invente des loups des luxures
et des soleils de carême

dans sa tête une belladone

l'homme qui ment qui mendie
défait des guichets des passerelles
sur des raccourcis géographes
s'invente des douanes et des exils
des matins camarguais

l'homme qui ment qui mendie
habite un banc public
mange son crabe et du bois doux
s'invente des météores et des capsules
et des fées de Vénus

dans sa tête une drosera

la femme qui boit qui boite
l'homme qui ment qui mendie

28 mai 2010

lundi 24 mai 2010

j'ai dans le flanc gauche

j'ai dans le flanc gauche
une sacoche en toile de bâche
où sont consignés
tous les documents indispensables
les accouchements les agonies
les invitations les testaments
tous les actes et toutes les minutes
les certificats les justificatifs
les visas et les tickets d'embarquement
tous les carnets de santé et les autorisations

tous les documents indispensables
pour être vivant demain
et reconnu


j'ai dans le flanc gauche
une capsule de verre opaque
où sont mis en réserve
tous les plasmas indispensables
les globules les gamètes
les vitamines les dopamines
tous les tanins et toutes les humeurs
les sucres et les acides
les vaccins les anticorps
toutes les saignées et tous les coagulants

tous les plasmas indispensables
pour être vivant demain
et reconnu


j'ai dans le flanc gauche
un gousset en cuir de porc
où sont contenues
toutes les monnaies indispensables
les pistoles les traveller's
les billets à ordre les obligations
toutes les verroteries et tous les bakchichs
les lettres de créance et les pots-de-vin
les lingots et les diamants
toutes les cédules et toutes les hypothèques

toutes les monnaies indispensables
pour être vivant demain
et reconnu


j'ai dans le flanc gauche
une boîte en fer blanc
où sont empilés
tous les moments indispensables
les fiançailles les adultères
les trahisons les serments
toutes les lettres d'amour tous les mots d'adieu
les mariages les voyages
les fidélités les noces d'acier
toutes les nuits d'amour et tous les matins de bonheur

tous les moments indispensables
pour être vivant
et reconnu
et surtout reconnu

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

24 mai 2010

dimanche 23 mai 2010

au fond de l'éprouvette

ce jus au fond de l'éprouvette
c'est de l'angoisse au fond du pot
trois sentiments à la sauvette
un peu de sueur sur la peau
la tisane est sans doute amère
et la vaisselle est ébréchée
il va falloir partir en guerre
mais ton armure est trop rouillée

night in white viscose
la vie nous fait des ecchymoses
night in white nylon
la vie nous fait plus ou moins con

la vie au fond de l'éprouvette
c'est de l'envie qu'on a en trop
un air de flûte une turlurette
ça sent la gigue sous les sabots
vin de messe et jus de groseilles
tous les verres sont dépareillés
le général casse sa bouteille
son chant de guerre est tout rayé

night in white viscose
la vie nous fait des ecchymoses
night in white nylon
la vie nous fait plus ou moins con

l'amour au fond de l'éprouvette
c'est un miracle à pleins tonneaux
un jour de chance à la roulette
le gros lot sur ton numéro
du petit lait goût de liqueur
dans la plus belle porcelaine
la guerre s'arrête de bonne heure
quand on cueille la marjolaine

night in white viscose
la vie nous fait des ecchymoses
night in white nylon
la vie nous fait plus ou moins con

la mort au fond de l'éprouvette
frissonnent les os sous la peau
on volait d'étoiles en comètes
on n'enjambe plus le ruisseau
au compte-goutte du semainier
on se nourrit d'un jus de sonde
on se dit que le compte y est
on n'verra pas la fin du monde

night in white viscose
la vie nous fait des ecchymoses
night in white nylon
la vie nous fait plus ou moins con

night in white viscose
la vie nous fait des ecchymoses
night in white nylon
la vie nous fait plus ou moins con

23 mai 2010

vendredi 21 mai 2010

incendier l'angoisse

devant la mer
devant le mur
devant le fer
devant le dur

rebrancher le courant
et resserrer les tringles
incendier l'angoisse

quand j'ai quitté la ville
j'ai souhaité la gare
quand j'ai détruit la gare
j'ai pénétré la halte
quand j'ai fermé la halte
je me suis dit au revoir


sous le manteau
sous le couvert
sous le corbeau
sous le mystère

désarticuler le temps
éteindre la bastringue
dégoupiller l'angoisse

quand j'ai maudit l'espoir
j'ai tricoté du doute
quand j'ai chassé le doute
j'ai déroulé la carte
quand j'ai brûlé la carte
je me suis salué


face au rideau
face au miroir
face au drapeau
face au comptoir

relever le gant
et retirer l'épingle
fusiller l'angoisse

quand j'ai expulsé dieu
j'ai accueilli l'alcool
quand j'ai renié l'alcool
j'ai accepté l'humain
quand j'ai lâché l'humain
je me suis dit bonjour

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

21 mai 2010