1440 minutes

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editions d'autre part

samedi 28 juin 2014

le vol du hanneton


c’est le vol lourd du hanneton dans l’œil de la grive
c’est le vol pesant du héron sur le canal brumeux
c’est le vol suspendu du faucon crécerelle sur le pré
c’est le vol arrêté du bourdon contre la vitre
 
la sirène de l’ambulance pour l’orchestre de chambre
la cloche grêlée de juin pour la clique des cigales
le sifflet de l’arbitre pour l’arrêt du big-bang
le tibia du chevalier pour séduire la flûtiste
 
et c’est le bois de chênes pour nos sépultures
on taille dans le tuf la porte du caveau
et c’est la corbeille de pivoines pour nos désenchantements
on dépose du crottin d’âne aux pieds de nos citrouilles
 
vol chahuté de nos fautes
vol déchiré de nos rosaires
vol démesuré de nos chimères
vol abandonné de nos rencontres
 
bruit de la scie à ruban après la petite messe
bruit de la machette sur le plot de l’apprenti boucher
bruit de l’averse sur le gravier de l’allée du cimetière
bruit de la motofaucheuse dans la prairie de sainfoin
 
le vol du corbeau veuf parafe de chagrin le ciel de ce dimanche
j’épouserai l’écorcheuse de libellules sur l’étang terroriste

mercredi 25 juin 2014

parasol


c’est le parasol pour les jours de grande peine
c’est le parasol pour les lendemains édulcorés
c’est le parasol qui préserve de la pitié
c’est le parasol des grandes tendresses suaves
 
le coucou se déshabille pour plonger dans les herbes
le papillon suce la sève du cyprès
la renoncule fait de l’autostop sur la route des processionnaires
le coquelicot se meurt sous la méchanceté de l’écolière
 
hiéroglyphe sur la porte à double-battant
message codé sur la batterie des boites à lettres
tatouage sur l’aile de l’archange
cri d’amour enregistré sur la messagerie
 
parasol s’envole
parapluie s’ennuie
paravent survivant
parapet sans toupet
 
on lève une armée contre l’inutile
on proscrit l’indifférence et le non-lieu
on calcule l’angle de fuite et l’abside de la borne
on brûle la recette pour ne pas soudoyer les enfants
 
le parasol nonchalant abrite les chimères
j’épouserai la sentinelle qui surveille le vide

dimanche 22 juin 2014

les veines du bois


c’est dans les veines du bois que s’inscrivent les passions
c’est dans les veines du bois les sacrifices des insectes
c’est dans les veines du bois que s’écoule le sang des menstrues
c’est dans les veines du bois les lignes de la vie
 
la bienvenue du cagnard
les foins séchés recuits
le cadavre du lézard
les cheminées en vacances
 
je serai bienveillant devant toute musique
l’alouette étranglée par la voilette
je serai libéré devant le son clair du tambour
le sabot du cheval frappé contre le bronze
 
bois du confessionnal frotté aux genoux
branches d’épines sur la table du dimanche
bois de résine et de braises barbelées
planche d’appel vers l’envol des âmes
 
on tire à la fronde contre l’agacement de dieu
on met des pièges à collet contre les péchés de chair
on incendie les moissons pour dérouter l’archange
on asperge de ciguë les bubons et les furoncles
 
les veines du bois striées de morsures d’ongles
j’épouserai l’amante du saunier pour le gout de sa peau

jeudi 19 juin 2014

la foudre dans le gouffre


c’est la foudre dans le gouffre où l’on jetait des carcasses
c’est la foudre dans les carrefours des viscères
c’est la foudre sur les muselières des bannissements
c’est la foudre sur le talisman du plexus
 
les arbres secouent leur chevelure sous l’orage
les collines se maquillent au vent du sud
le coquelicot est brisé, le chêne s’envole
la licorne se sacrifie en paratonnerre
 
on mange de libellules sur des peaux de tritons
on mange des larves et des chrysalides
on suce des cubitus de veaux femelles
et l’on boit l’eau limoneuse des vignes
 
foudre dans les jus amoureux
foudre sur les suffocations
foudre dans les mains coupables
foudre sur la hache du bourreau
 
ô le distillat des sacerdoces dans l’officine du diable !
ô les cendres des secrets familiaux dans le tabernacle !
le bouquet de fleurs raconte à demi la langue coupée
la tourterelle turque empêtrée dans la glu
 
la foudre me fait les poches pour fondre mon dernier sou rouge
j’épouserai l’ectoplasme d’une sorcière dans le champ de courges

mercredi 18 juin 2014

sans vergogne la pluie froide


c’est sans vergogne la pluie froide sur le lac en repos
c’est sans vergogne la tricherie sur le poids de la faute
c’est sans vergogne la patte du lapin sur le passage clouté
sans vergogne certainement l’envie de tirer la langue à la béatitude
 
l’animal de compagnie paie les factures de chauffage
l’animal de rendement fait du fitness le dimanche matin
l’animal de labour se plaint des cadences au syndicat
l’animal de concours fait commerce d’amphétamines
 
météo sombre dans le porte-monnaie
domotique avariée dans les mandibules
roue dentée brisée dans le muscle oculaire
vinaigre dans la lubrification de la moelle
 
juron de la flaque contre le ciel
crachat sur les culpabilités
mensonge du sémaphore avant l’accident
haussement d’épaule devant la pitié
 
l’écolier met un orvet dans son sac à dos
la danseuse rêve d’un taille-crayon fidèle
la vieille dame mange des limaces pour mieux ramper
l’écolier emmène une araignée à son cours de tricot
 
sans vergogne la pluie froide sur les mouchoirs agités
j’épouserai la diaconesse aux cuisses de rosaire

jeudi 12 juin 2014

le quartier des fleurs d'Orient


c’est le quartier des fleurs d’Orient vendues pour les peines de cœur
c’est le quartier des femmes voilées pour les fantasmes des simples
c’est le quartier des nourritures épicées et des bâtons de khôl
c’est le quartier des moulins à prières et des ventres parfumés
 
le fauconnier en chasse des lièvres infidèles
le teinturier d’ocre avaleur de poussières
le chamelier boiteux attaché à un pieu d’étoile
la fileuse de coton au corsage de safran
 
on convoque des animaux pour supporter le deuil
on croque des élytres et des antennes en contrepoison
on apprend la langue des couleuvres pour mieux prier
on boit du sang d’oiseau avec du kérosène
 
quartier des robes indiennes patchouli
quartier des soutien-gorge en mues de serpents
quartier des guenilles aux ajours érotiques
quartier des corsets en bois de rose
 
faucon borgne rendu muet par le chagrin
chameau ankylosé par le froid et l’abandon
faucon colérique mis à terre sans oxygène
chameau sur le bas-côté en attente d’une bosse de secours
 
quartier des fleurs orientales jetées dans la soupe du cochon
j’épouserai pour rire la lingère promise au baron sans jardin
 

lundi 9 juin 2014

c'est la stratégie


c’est la stratégie du remonte-pente vers la tendresse
c’est la stratégie du laisser-venir et du laisser-faire
c’est la stratégie du tire-fesses vers le stupre
c’est la stratégie du courant continu vers le désir
 
du jus de fraise sur la poitrine
de la sueur de rinquinquin
des tranches de papillon dans l’eau de mélisse
un clafoutis d’amour dans un jeu de langues
 
le chant de l’alouette au zénith du lit
le vol du machaon rincé de lumière
la soif de la fourmi au frisson du pubis
l’accouplement des libellules sur un roseau discret
 
c’est la stratégie du scoubidou
c’est la stratégie de la séduction du nœud de boucle
c’est la stratégie du phéromone à l’entrée du vertige
c’est la stratégie de l’orchidée qui bande
 
la peau est scarifiée de boutons de lavande
la peau est parfumée d’algue et d’orgeat
la peau est tatouée de kamasoutra
la peau est badigeonnée d’iris et de salive
 
la stratégie des plaisirs dans la marée du soir
j’épouserai la cueilleuse de couteaux et d’oursins

jeudi 5 juin 2014

la chanson du blé


c’est le blé qui lève et pousse la fenêtre imbécile
c’est le blé qui murit sur le décret arbitraire
c’est le blé qui pourrit sous la pluie ingrate
c’est le blé qui germera sur le champ de bataille
 
chanson idiote, rengaine fade
sonatine pour cloches
rengaine sirop, chanson vide
romance de l’été
 
la boulangère est sans souci qui embrasse le meunier
le vent amoureux baise les ailes du moulin
le ver des farines souille le pain de seigle
la meunière est sans vergogne qui couche avec le moissonneur
 
blé qui fermente dans la panetière du roi
blé qui gonfle dans l’armoire à levain
blé qui jouit sous la pierre
blé qui renonce aux enfantements
 
la partition paysanne sur le fumier
la pastorale pendue à la grange
l’accord mineur sous la herse
la polyphonie dans le râtelier
 
la chanson du blé dans un gramophone trisomique
j’épouserai la campagnole dans le cortège des moissons

mardi 3 juin 2014

le bruit de la hache


c’est le bruit de la hache contre le montant de la porte
c’est la lame effilée de la hache fichée dans la souche
c’est la hache haut levée au-dessus du billot
c’est le manche de la hache tendue comme un rempart
 
la symphonie de la forêt sur l’orphéon
les tambours maladroits devant le tribunal
la trompette qui siphonne l’oxygène
le glockenspiel du diable sur la nappe du dimanche
 
l’enfant benêt et ses agates
l’enfant rebelle et sa joue giflée
l’enfant malhonnête aux doigts crochus
l’enfant tordu replié sous le silence
 
la cognée danse dans les vernes
la cognée débite le ciel
la cognée rampe parmi les racines
la cognée défie la carotide
 
la musique enfante les maléfices
la musique terrorise les simples
la musique enterre le docile
la musique étouffe le non-dit
 
le bruit de la hache sur l’horloge périmée
j’épouserai la bûcheronne mise à nu dans les ronces

lundi 2 juin 2014

le ciel pèse une tonne


le ciel pèse une tonne sur les épaules du soir
le ciel est un container de fuel et de solvants
le ciel est un dictionnaire de malfaçons ouvert dans la galerie marchande
le ciel est un sachet de guimauves pour les belles demoiselles
 
on nage à contre-courant dans les remous du lendemain
on cultive la ciguë dans les plates-bandes de la morale
on cuisine, hé oui !, on cuisine des ragouts de vilenies
on dresse la table des reproches pour le grand jubilé
 
la poule picore dans la boite à bijoux
elle pond un œuf en bois pour le vendredi saint
elle se lave le croupion avec un jus de réglisse
elle pond une grenade dégoupillée
 
ciel pelé par les galets roulés de la rivière
ciel martelé d’aluminium et de cuivre
ciel rincé de morve et de crachats
ciel décrucifié mis en terre un jour de reddition

coq aux couilles recuites
coq cul par-dessus tête au clocheton
coq coqueluche et tuberculose
coq coquin d’anecdotes de baise
 
le ciel a triché sur la tare
j’épouserai celle qui voudra ma plume et mon bec

dimanche 1 juin 2014

sans importance


c’est sans importance que l’anémone frissonne dans le petit matin
c’est sans importance que le passeur soit étranglé à mains nues sur une plage tenue secrète
c’est sans importance que le vin soit frelaté au bal des étudiants
c’est sans importance également que l’amertume soit recuite dans le cassoton de l’âme
 
le nageur disparu dans un trou de rivière
le cycliste exsangue sur la route du sel
le pèlerin culbuté dans les ronces laïques
le poète fatigué couché dans le pierrier
 
un gypaète oublié dans une confiture de moelle
un agneau repenti dans la mâchoire du tocsin
un grand paon de nuit crucifié au poteau télégraphique
un lièvre miserere dans un chagrin de grenaille
 
sans importance l’angélus à midi
sans importance l’insuffisance rénale
sans importance les kyries de basse-cour
sans importance aucune la prothèse rouillée
 
le nageur mort, échoué sur la grève
le cycliste dans les barbelés, le poumon atrophié
le pèlerin suicidé, pendu dans l’ossuaire
le poète rendu muet, garroté à sa rime
 
sans importance vraiment
j’épouserai la bergère écartelés sur le chemin du reposoir