1440 minutes

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editions d'autre part

samedi 21 février 2009

suffrages mâle et femelle

la femme brode un nom sur le cartable
trois recommandations, deux conseils, une larme
envoie son enfant sur le chemin de la vie

l’homme apporte des sacs de charbon
décaillasse le préau
et sélectionne le juste régent

la femme ébouriffe une bruyère
trois ave, deux pater, une larme
arrange un peu la tombe de l’aïeule

l’homme trace la nouvelle avenue
désaffecte une allée du cimetière
et embauche le fidèle sacristain

la femme essuie une plainte
trois compresses, deux tisanes, une larme
confie la victime à la vierge marie

l’homme écrit à la plume un code de bonne conduite
scelle un cachot dans une cave de l’école
et confie la justice de paix à son cousin notaire

la femme veut un peu plus de bonheur
trois dimanches, deux printemps, une larme de joie
donne un sou à la quête et deux sous à l’impôt

l’homme agrafe une affiche sur le poteau de téléphone
propagande de vin vieux, promesse de rebibes
et se choisit un quarteron d’amis pour le parlement

la femme craint le curé, obéit au conseil de fabrique
trois soumissions, deux paupières baissées, une larme
glisse dans l’urne un suffrage mâle

l’homme éructe une mise au point à la maison de commune
chuchote une consigne à la table de bistrot
et s’élit un si semblable gouvernement

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

21 février 2009

lundi 16 février 2009

tuberculose et miel

la tuberculose a élu domicile
sur le trottoir des villes
le vieil homme n’a pas quarante ans
tousse, éructe et crache
son père était banquier sur les quais

quelque chose a cassé
l’humanité s’est foulé le genou

on meurt à nouveau de la rougeole
dans les préaux d’école
la religion tue aussi en temps de paix
les dieux comptent les points
et les parents pleurent sur face book

quelque chose a coulé
l’humanité saigne du nez

les boat people envahissent
les plages de nos vacances
la mort vient de la mer
la faim et la marée gonflent les ventres
et c’est toujours la sauce qui fait passer le poisson

quelque chose a pourri
l’humanité se tord la tripe

les poisons ont déserté les apothicaires
ils sont dans l’air ils sont dans l’eau
notre descendance sera bancale et borgne
c’est la rançon du confort
et j’ai filé ma thune au téléthon

quelque chose a fondu
l’humanité affole ses plaquettes

la grive litorne est contente
elle a trouvé un cadavre d’abeille
sur la planche de la ruche
ils sont des milliers
le monde peut bien mourir s’il n’y a plus de miel

quelque chose a frémi
l’humanité est conservée dans une éprouvette

et j’ai allumé quatre cierges
devant mon téléviseur


le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre


16 février 2009

vendredi 13 février 2009

la place du mort


l’idée de son propre cadavre est ignoble

je veux pour mon repos ultime mille conforts et mille messages
un sachet de lavande et des pastilles de réglisse
un téléphone portable avec sonnerie tintamarre
les adresses des amis
les chroniques de vialatte et celles de desproges
et une carte d’état-major de la vallée haute

un souhait de miroir face à sa dépouille

derrière les planches de sapin clair
je serai à l’abri des médisances des reproches et des agressions
le poignard des amitiés
la dague des mièvres
et la cognée des amours
je réciterai des noms de maladie
et m’écouterai en boucle un magnificat athée

une envie de gisant éphèbe

au-delà du trou noir je parlerai un langage mammifère
l’oubli des convenances et le faux-pas mondain
je fesserai l’ange et reniflerai la démone
ma poésie sera bancale et ma rime acrobate
et je ferai grimace à la caméra de vidéosurveillance

un costume de carnaval pour mon sépulcre

la sorcière et l’abbé ont déroulé mon éternité
un temps pour pleurer un temps pour suer
des questions gigognes et un ultimatum reporté
un éclat de rire et un plaisir foudroyé
la voyante et le chamane ont griffonné la sentence
cette mort sera mienne et sans partage

vivant un peu terne mais brillant défunt

amants et amantes se retrouveront à l'auberge de la paix
devant un plat de viande froide
héritiers se désaltéreront au café de l'espérance
avec du vin aigre et de la limonade
quelques amis résistants utiliseront le faire-part
pour un potage aux lettres
r.e.s.q.u.i.a.t. i.n. p.a.c.e.
resquiat in pace sera trop salé sans doute

ô l’art d’accommoder les restes


écrit dans la cour de la ferme-asile à sion
après la visite de l’exposition
un cercueil pour la vie
de marie-antoinette gorret

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

13 février 2009

mardi 3 février 2009

la guerre de Davos

la guerre de Davos est finie

des centaines d’hommes armés et casqués ont quadrillé la vallée et la ville internationale
les barbelés ont clôturé les hôtels de luxe
les avions de chasse ont filé le train aux rumeurs terroristes
un conseiller fédéral a dormi dans son bunker

la guerre de Davos n’a pas eu lieu

le silo du Landi de Landquart est toujours debout
la poubelle pleine de zwanzig minuten n’a pas explosé
une conseillère fédérale a négocié avec le fils d’un dictateur

la guerre de Davos est une guerre propre

seul un ministre turc a quitté le champ de bataille
l’argenterie est déjà rangée dans son écrin
le conseil fédéral a repris deux fois du bradwurst

la guerre de Davos délocalise ses morts

ils se sont partagé le monde et ses richesses
ils ont cartographié la famine, le choléra et la mitraille
ils ont anéanti des peuples et des cultures
le journaliste JFF n’a pas parlé de peine de mort

la guerre de Davos est un Monopoly
un cache-cache
un valet noir
ou un Joker perché

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman


3 février 2009