1440 minutes

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editions d'autre part

jeudi 25 février 2010

mes petites lâchetés

il errait dans l'allée marchande
sous sa capuche il faisait faim
il narguait la vie
il toisait la mort
mais la vie est hors de portée
mais la mort est hors de prix
un petit geste une rapine
une petite haine une fêlure

il errait dans l'allée marchande
sous sa capuche il faisait peur
peur de la vie
peur de la mort
et j'ai détourné le regard

au pays des petites bassesses
je suis le maître sur mon trône


elle régnait sur le trottoir
sous sa jupe il faisait froid
elle cajolait la vie
elle caressait la mort
mais la vie est en résille
mais la mort est sans gaine
un petit pas une œillade
une petite moue une invite

elle régnait sur le trottoir
sous sa jupe il faisait vide
vidée la vie
vidée la mort
et j'ai baissé les yeux

au pays des petites faiblesses
je porte la plus belle couronne


il campait dans le square
dans sa bouteille il faisait soif
il buvait la vie
il buvait la mort
mais la vie est au fond de la barrique
mais la mort est noyée dans les lies
une petite gorgée une amnésie
une petite lampée une blessure

il campait dans le square
dans sa bouteille il faisait honte
honte de la vie
honte de la mort
et j'ai détourné le regard

au pays des petites veuleries
je m'agrippe à mon sceptre


elle vivait dans le grand parc
dans son caddie il faisait noir
elle poussait la vie
elle poussait la mort
mais la vie moisit sous la pluie
mais la mort roidit sous la neige
une petite bougie une lueur
plus qu'une allumette une rupture

elle vivait dans le grand parc
dans son caddie il ne faisait plus rien
rien pour la vie
rien pour la mort
et j'ai baissé les yeux

au pays des petites lâchetés
je suis le maître en mon royaume

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

25 février 2010

mardi 23 février 2010

des chagrins suffisants

j'aime dans les grands deuils
mesurer les chagrins différents

les voisins les voisines
en chapelets en familles
les cousines les cousins
en pagaille en rangées

une poignée de main
une embrassade
un mot de compassion
une banalité

ceci est mon mort
prenez et mangez
ma douleur est la plus digne

j'aime dans les grands deuils
mesurer les chagrins apparents

les amis les aminches
en cravate en costume
les guinches les ribotes
en chemise en sabots

que faire du goupillon
poser la gerbe de travers
sourire plein de gêne
se moucher bruyamment

ceci est mon mort
prenez et mangez
ma douleur est la plus digne

j'aime dans les grands deuils
mesurer les chagrins suffisants

les chefs les collègues
en délégation obligée
la clique la fanfare
bannière en berne

une chaussure qui grince
un reniflement qui chuinte
un mouchoir qui tombe
un soupir qui tangue

ceci est mon mort
prenez et mangez
ma douleur est la plus digne

j'aime dans les grands deuils
mesurer les chagrins encombrants

les notables les paroissiens
par devoir par habitude
les contemporains l'amicale
un de moins sur la liste

une pensée profonde
un poème de petite-fille
un bouquet de jonquilles
une offrande de messe

ceci est mon mort
prenez et mangez
ma douleur est la plus digne

j'aime dans les grands deuils
mesurer les chagrins conquérants

une fille de rue un ivrogne
bras dessus bras dessous
une nièce un homme de couleur
en amour bouche en cœur

une vraie larme à peine fausse
un bon mot dit trop fort
une prière chuchotée
un silence tenace

ceci est mon mort
prenez et mangez
ma douleur est la plus digne

j'aime dans les grands deuils
mesurer les chagrins tolérants

une autre veuve une autre peine
en robe noire en voilette
une inconnue une étrangère
et son parfum reconnu

une bougie qu'on souffle
un secret dans le linceul
deux femmes qui pleurent
sincères condoléances

ceci est mon mort
prenez et mangez
ma douleur est la plus digne

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

23 février 2010

samedi 20 février 2010

ma déclaration

un merle claironne une petite pluie
une fouine traverse la grande place
mon brin de lavande a perdu sa grâce
ce café chagrin a un goût de suie

les miroirs mentent à l'heure du laitier

un pinson frissonn' dans le noisetier
un chien gris éparpille une poubelle
mon mauvais rêve froisse ta dentelle
ce jus d'orange a un goût de pitié

les miroirs mentent à l'heure du berger

un moineau danse sur un tas de feuilles
un renard piss' dans l'allée du cimetière
ma déclaration est un chant de guerre
ce sirop d'orgeat a un goût de deuil

les miroirs mentent à l'heure du facteur

le merle inquiet lanc' un cri de détresse
la fouine en chass' revient par les jardins
mon brin de lavande est mort en chemin
ce jus de la treille a un goût de messe

les miroirs mentent à l'heure du curé

le pinson muet est bouffé de vermines
le chien gris se lèche un méchant remords
mon mauvais rêve te laisse à ton sort
cette petit' bière a un goût de mine

les miroirs mentent à l'heure de l'amant

le moineau est mort dans la gueul' du chat
le renard dans' sur les roues des camions
ma déclaration se pend au violon
cett' liqueur a un goût de mort-aux-rats

les miroirs mentent à l'heure du bourreau

20 février 2010


mardi 16 février 2010

brise-glace

un colvert
solitaire
remonte la vallée
il est l'heure
joli cœur
armons le brise-glace

tu pressens
le printemps
lève le brise-vent
tu ressens
un tourment
baisse le brise-temps


un colvert
solitaire
remonte la vallée
il est temps
pénitent
armons le brise-glace

tu resserres
la frontière
auprès du brise-mer
tu libères
l'écuyère
des mains du brise-fer


un colvert
solitaire
remonte la vallée
c'est le jour
mon amour
armons le brise-glace

je m'enflamme
pour la dame
le cœur en brise-lames
je désarmes
ses alarmes
le cœur en brise-larmes

un colvert
solitaire
remonte la vallée
c'est le jour
mon amour
armons le brise-glace

c'est le jour
mon amour
armons le brise-glace
un colvert
solitaire
remonte la vallée

16 février 2010

jeudi 11 février 2010

la gardienne d'enfants

la gardienne d'enfants
a mis un gros ceinturon
avant de baisser les pantalons
elle aime les enfants
comme une bergère
comme une petite sœur de charité
elle bande les yeux
pour arpenter les reins

après tant de kilomètres de bonté
il est temps de faire la vie d'ange

la gardienne d'enfants
a glissé un loup de velours
avant de pincer les fesses
elle aime les enfants
comme on aime la semoule au sirop
les papillons jaunes et le mille-pattes
elle regarde le ciel
pour savourer les peaux de lait

après tant de kilomètres de bonté
il est temps de faire la vie d'ange

la gardienne d'enfants
a mis un nez rouge
avant le guiliguili des devants et des derrières
elle aime les enfants
comme on aime la fièvre
la peur et les orties
elle ferme les yeux
pour humer le sommeil et l'urine

après tant de kilomètres de bonté
il est temps de faire la vie d'ange

la gardienne d'enfants
joue de la boîte à musique
pour assécher les larmes
elle aime les enfants
comme on gratte une croûte
comme on lèche une goutte de sang
elle grimace des yeux
pour mimer le pardon

après tant de kilomètres de bonté
il est temps de faire la vie d'ange

la gardienne d'enfants
referme le dortoir
avant d'aller au marché
elle aime les enfants
comme on aime les cerises
les pleurotes et les groseilles
si elle a les yeux rouges
c'est à cause des pollens

après tant de kilomètres de bonté
il est temps de faire la vie d'ange

la gardienne d'enfants
dort avec ses peluches
les deux mains sur son ventre
elle aime les enfants
comme un chant de malheur
une blessure infinie
elle se frotte les yeux
ça fait des petites lueurs

après tant de kilomètres de bonté
il est temps de faire la vie d'ange

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

11 février 2010

mercredi 10 février 2010

j'avale des pépites je crache des noyaux

un torchon de cuisine
sur la porte du four
un mot-croisé bâclé
près d'un gros cendrier
une envie de printemps
à portée de fenêtre

j'avale
j'avale des pépites
de cobalt écrasé
et je crache
je crache des noyaux
de cerises éclatées


une boîte en fer blanc
pour l'argent du docteur
une branche de saule
pour chasser les esprits
une notice d'emploi
pour les cachets du soir

j'avale
j'avale des pépites
de platine endormi
et je crache
je crache des noyaux
d'uranium enrichi


une chanson de pavé
derrière la barricade
un slogan de combat
avec le poing levé
les balles en caoutchouc
et la gorge qui brûle

j'avale
j'avale des pépites
d'amiante ventilée
et je crache
je crache des noyaux
de résistance armée


la rivière qui s'engouffre
dans la terre qui s'ouvre
des nuages de feu
l'air saturé de cendres
une sirène d'alarme
plan d'évacuation

j'avale
j'avale des pépites
de soufre époumoné
et je crache
je crache des noyaux
de volcan énervé


un spoutnik oublié
sur l'écran du radar
une langue de feu
dans l'œil du télescope
météore liquide
dans le ragoût d'étoiles

j'avale
j'avale des pépites
d'antimoine griffu
et je crache
je crache des noyaux
de comètes perdues


une montée de tension
sous le porche du sas
un record de vitesse
au milieu des globules
un diagnostic précis
sur le livre d'histoire

j'avale
j'avale des pépites
de carbone comprimé
et je crache
je crache des noyaux
d'atomes survoltés


une secousse électrique
sur le monitoring
des graphiques carmins
sur la grille de calcul
une relation connexe
le diagramme du cœur

j'avale
j'avale des pépites
de plomb écervelé
et je crache
je crache des noyaux
d'encéphale avarié

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

10 février 2010

mercredi 3 février 2010

carcasse de rêve

boulevard des certitudes
ou impasse des doutes

j'arpente la ville au point à l'envers
les faubourgs agricoles du centre ville
la gare sur la colline des vignes
l'hôpital-asile à la rue des écoles
la ferme du dancing
et le dortoir près du tarmac
je dessine des printemps sur les trottoirs
et des nids d'oiseaux sur les boulangeries
je mets du pastis au goulot des fontaines
et des mendiantes en minijupe dans les nouvelles galeries

carcasse carcasse
carcasse du rêve
ainsi casse le rêve

grand-rue des habitudes
ou ruelle des interdits

j'arpente la ville au point de croix
les remparts du château au milieu du parking
le stand de tir sur la place de l'église
les toilettes publiques aux jardins de l'évêque
la clinique ophtalmique au quartier des miroirs
et le cimetière pour chats aux tanneries
je dessine des printemps sur l'horloge astronomique
et des nids d'oiseaux sur l'enseigne du luthier
je mets du bleu de méthylène au goulot des fontaines
et des mendiantes en minijupe dans les nouvelles galeries

carcasse carcasse
carcasse du rêve
ainsi casse le rêve

avenue des inquiétudes
ou passage de l'inconnu

j'arpente la ville au point de tige
les ateliers mécaniques le long des promenades
la piscine olympique sous les pistes cyclables
les débits de boisson aux stations d'essence
les laveries publiques chez l'officier d'état civil
et la distillerie derrière la médiathèque
je dessine des printemps sur les cabines téléphoniques
et des nids d'oiseaux chez le restaurant chinois
je mets du sirop de grenade au goulot des fontaines
et des mendiantes en minijupe dans les nouvelles galeries

carcasse carcasse
carcasse du rêve
ainsi casse le rêve

artère des solitudes
ou venelle des embarras

j'arpente la ville au point d'arrière
le quai encombré de tsiganes et de requérants
la rivière souterraine et ses plages de fêtes
la placette italienne et ses fumeurs de joints
la pierre tombale de marbre au parvis de la banque
et le fusil de la morale dans la salle des rotatives
je dessine des printemps sur les jardins d'hiver
et des nids d'oiseaux sur les corbillards
je mets du savon noir au goulot des fontaines
et des mendiantes en minijupe dans les nouvelles galeries

carcasse carcasse
carcasse du rêve
ainsi casse le rêve

carcasse carcasse
carcasse du rêve
ainsi casse le rêve

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol
3 février 2010

mardi 2 février 2010

et ne pas déranger

ouvrez ouvrez
la maison des délices
couvrez couvrez
les jardins des délires

un oiseau repenti
sur le laurier gelé
des soleils de granit
sur la place publique
un bouquet de violettes
sur un banc oublié
un sourire flagellé
au miroir de l'hôtel
un seul verre de liqueur
sur un chagrin du soir
et ne pas déranger
sur la porte du coeur

ouvrez ouvrez
la maison des délices
couvrez couvrez
les jardins des délires

un oiseau inquiété
par un couple de pies
des soleils de cristal
sur les toits de béton
un brin de myosotis
sauvé sur disque dur
un regard en dessous
sur des corsages fiers
un souvenir d'absinthe
au goût de nostalgie
et ne pas déranger
sur le quai du désir

ouvrez ouvrez
la maison des délices
couvrez couvrez
les jardins des délires

un oiseau encagé
sur un balcon plein sud
des soleils ficelés
au vestiaire des vacances
un tapis de tagètes
en guise de drap de bain
un sourire émietté
par la crème antirides
un parfum de jasmin
sur le col du peignoir
et ne pas déranger
au pied du couvre-lit

ouvrez ouvrez
la maison des délices
couvrez couvrez
les jardins des délires

un oiseau pèlerin
sur la carte du tendre
des soleils de carlingue
dans les rues des tropiques
un jet de boutons d'or
sur l'autel des promesses
un regard étamine
sur des pollens de charme
un lacrima christi
cueilli à pleine bouche
et ne pas déranger
sur l'ourlet d'une gaine

ouvrez ouvrez
la maison des délices
couvrez couvrez
les jardins des délires

un oiseau crucifié
par un destin jaloux
des soleils pyromanes
sous des jupes savanes
un cortège de lys
tombés d'un soutien-gorge
un sourire à l'envers
sur la table de nuit
un verre de mort subite
pour ne pas oublier
et ne pas déranger
sur le rideau tiré

ouvrez ouvrez
la maison des délices
couvrez couvrez
les jardins des délires

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

2 février 2010