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l’ordonnatrice des
afflictions tient un registre confidentiel
elle classe les secrets de
familles dans des mappes noires
elle trace des généalogies
de tares et de malédictions
elle dit des formules de
protection pour les filles à naître
le chemin de l’araignée
sur le livre de chevet
la corbeille de linge à
repasser en plein soleil
le cataplasme de feuilles
de choux sur la poitrine
une péniche chargée de
sucre voguant dans une artère
on mange des pêches
confites au miel de Provence
on boit du pastis de moine
noyé d’eau bénite
on sème de la camomille
sur un chemin de table
un flûtiau de berger se
souvient du maquis
l’ordonnatrice des
afflictions fait des révérences chaloupées
la conductrice du
triporteur couine dans les rues pavées
elle fait tinter sa
clochette pour surprendre les amoureux
elle fonce sur les chats
trop maigres et les poussettes
elle vend des crécelles et
des guimbardes pour une célébration païenne
barricades de mars,
tréteaux de juin
pervenches sur les
fontaines, bégonias sur les perrons
le Komponist imagine des
cuivres en fleur
les lutrins du kiosque à
musique frétillent la sortie de la messe
on mange du pain d’épeautre
et de la mélasse noire
on boit du jus d’oranges
sanguines
on calfeutre les urnes
avec du suif de bœuf
le basson joue les
latrines, l’orgue est occupé
la conductrice du
triporteur invente une bourrée pour deux
la miroitière des âmes
crache dans ses mains
elle fait disparaitre les
taches d’ombre et de certitude
elle lustre les lampes et
les bonnes volontés
elle recrute le détergent
dans les profonds regards
le pardon, la
double-peine, le remords et la pénitence
on fait carême de l’innocence
et du bleuet
les raclures des rognes,
les bourbes des chagrins
on fait un jeûne de purge
et de mise à niveau
on mange de l’air pur et d’un
peu d’amitié
on boit du jus d’aurore
parfumé d’encre bleue
on attend le premier train
pour l’usine à rêves
les sonnettes de vélos
font fuir les corneilles
la miroitière des âmes est
la reine du bal-musette
la repasseuse de
salopettes tresse des rêves de sauterelles
elle compile des secrets
de poches
elle amidonne des amours
indiscrètes
et fredonne des prénoms
tziganes et roitelets
pollens de noisetiers sur
une vieille neige
une bise froide fait
farandole de feuilles mortes
un gant de femme sur la
boite à lettres
un rongeon de pomme dans
le sac d’école
on mange un cuissot de
dindon aux choux
on boit de la bière rousse
aux épices
on brûle quelques livres
de guerriers ivrognes
la clarinette cascade un
jazz ébouriffé
la repasseuse de
salopettes se tarentelle le cœur
la nourricière des
orphelines fait de la confiture de couvent
elle sert le porridge au
petit déjeuner
elle invente chaque matin
une prière autochtone
elle imagine des pères
pour ses maternités
une fille de maison ravaude
le vieux linge
combinaisons, barboteuses,
drapelles
un concierge muet répare
les lits à barrières
les écailles de peinture
verte sont des îles d’aventures
on mange des maraudes de
framboises
on boit du lait recuit
avec du miel de sapin
on raconte de tristes
histoires à de tristes enfants
un violon sans famille
dégouline le long des vitres du dortoir
la nourricière des
orphelines fait casse-noisette dans un lit trop grand
l’usurpatrice de
patrimoine déplace les bornes
elle séquestre les
topographies séculaires
elle dynamite les pierres
millénaires
et brûle l’arsenal des
garde-frontière
la prairie du voisin sera
perdue pour les chevaux
la forêt de la voisine
sera mangée par les hangars
un oiseau inconnu bouffe
du silicone
il défilera ce soir au
banquet des lutteuses
on mange des steaks de
maïs au gout de poulet
on boit des sodas tsunamis
au CO2 d’archange
on tait le sentiment on
vote de l’absurde
un orgue de mélasse rassure
l’huissier de la bourse
l’usurpatrice de
patrimoine fait valser le teneur de cadastre
la susurreuse de promesses
consulte dans le quartier des banques
elle professe des
histoires de lunes et de mendiants
elle multiplie l’avance
des élans amoureux
elle escamote les
mésaventures sous un poème ouzbek
un bandonéon s’excite sous
les guirlandes
soies parfumées de
patchouli et d’encens
tourterelle abimée, faucon
hémiplégique
le poème devient psaume,
le psaume est une transe
on mange une bouillie de
céréales au curcuma
on boit du lait fermenté à
l’urine du diable
on se prédit des guerres d’églantines
et de genêts
c’est le chant du vinaigre
dans la bouilloire
la susurreuse de promesses
danse pieds nus sur des os calcinés
la pacifiste des échalas
pardonne les échardes
à chaque douzaine elle
remercie un ave maria
elle fait un feu de
raphias pour purifier la récolte
elle crucifie la colère et
le mildiou
un faucon crécerelle fait
saint-esprit dans le ciel de midi
des foulques pestent
contre le gel de l’étang
des étourneaux sont
détournés par un vent de foehn
un rouge-gorge publie un
décret d’annexion
on mange du saucisson de
cerf avec du pain aux noix
on boit du goron de
Bovernier à même le goulot
on parle des resquilles à
l’impôt et à la régie des alcools
on fait fifres et tambours
devant la guérite
la pacifiste des échalas
fait chauffer ses sabots
la confectionneuse de
boîtes à lettres calcule l’épaisseur des sentiments
elle rit des cartons du cœur
et pleure des demandes en mariage
elle tournevisse des
pactes et des ruptures
elle satine un casier pour
les rituels des ébats
fanfreluches en soldes,
verroteries de réclames
vous avez gagné, madame,
une alcôve sur la lune
chemises en promotion,
chaussures trois pour deux
vous avez gagné, monsieur,
une voiture de fonction
on mange des surgelés
berbères au comptoir du paraître
on boit du vin de canneberges
dans des bols en érable
on fait un feu de factures
et de pronostics électoraux
on joue de la caisse
claire sur un ventre de saumon
la confectionneuse de
boîtes à lettres fait sarabande avec le facteur borgne
la dresseuse de lucanes
cultive ses phéromones
elle brûle du bois de
frêne et de ronces
elle porte des gants de
soie blanche
et récite des poèmes chlorophylles
alexandrins hélicoptères
litanies en bouquets de
louanges
complaintes xylophages
chemins de croix de
pacotille
on mange des baies de
sureau dans la clairière
on boit du jus de tuf sous
les fougères
on se moque du loup caché
dans la forêt
on taille des sifflets
avec des tiges de noisetiers
la dresseuse de lucanes fait rondin-picotin avec un bûcheron
l’étiqueteuse des rêves raille
les vieux cauchemars
elle cajole l’apaisement
et l’élan du désir
elle sème des tagètes et
des capucines sur l’édredon
elle convoque des soleils
vifs pour le café du matin
le thermomètre fait
ronchonner le chat
le merle est une pelote de
plumes
la partition est pleine de
soupirs venus du vent du nord
il n’y a qu’un maigre
fifre dans le cristal du froid
on mange des bortsch trop
salés dans des bols transsibériens
on boit du jus de samovar
près du confessionnal
des amours esquimaudes
descendent de Béring
c’est un nouveau dimanche
pour conjurer l’ennui
l'étiqueteuse des rêves ne connait des mazurkas que la tendinite
la crocheteuse de serrures
entre dans la vie sans effraction
elle aborde les géraniums
et les perruches
elle donne la piécette
pour la statue du colonel
son amant l’épousera un
jour de reddition
guirlandes fluorescentes
dans les platanes
sangria tiède dans des
bidons de plastic
la tombola pour la
récollection des veuves
des sucres d’orge à l’orange
pour les enfants méritants
un discours de kermesse
dans la chair à saucisse
des puzzles de suffrages
pour les jours militants
des bons points, des
menaces dans la hotte municipale
un saxophone dégouline de
promesses au goulot de la fontaine
la crocheteuse de serrures
fait valser le vigile
la désaccordeuse d’illusions
se pavane à la grand-messe
elle se moque de l’orgue
et des castrats
elle jongle devant l’encensoir
avec les péchés du monde
elle fait des farandoles
sur le chemin des oliviers
véroniques cueillies pour
tacher le drap de lit
fientes d’oies sur le
perron de l’église
le coq du clocher a
déchiré sa caroncule cardinale
un archange a pissé dans
le bénitier
on jeûne d’un confiteor à
l’aigre-doux
on boit de l’eau bénite en
perfusion
on arrange dans un vase un
bouquet d’indulgences
des guitares électriques
font vibrer les vitraux de l’abside
la désaccordeuse d’illusions
se menuette sur un ave maria
la lisseuse de galets
porte des bas-résilles dans ses cuissardes
elle remonte la rivière
sous l’arche des saules
elle arpente les grèves
avec les chevaliers gambettes
elle se griffe aux
argousiers et aux pies grièches
territoire de bravade pour
les adolescents
jeux de fronde et de
cache-cache
premiers baisers sous la
cascade
Grand-Chef s’est mordu la
langue jusqu’au sang
on mange des poignées de
raisins secs et de vieilles bonbonnailles
on boit de la citronnade
avec l’eau des têtards
des goulées d’air qui
vacillent sous le cagnard
le trouble bat le tambour
dans le bas du ventre
la lisseuse de galets
manipule la transe
l’orpailleuse de boutons d’or
traverse des prairies en chaussons de rosée
elle dérange l’alouette,
elle effraie l’orvet
dans l’échancrure de son
chemisier se seins battent la chamade
elle séduira le blaireau
et le garde-champêtre
un refrain canaille sur le
granit de la fontaine
un romanichel joue sur une
guitare où manquent deux cordes
il tape du pied dans une
flaque
il y a dans les hanches un
désir de flamenco
on boit du vin blond aux
nattes de paille
on suçote des os de
cailles, on croque des piments
la chemise est tachée de
tomate et de safran
une recrue crie « olé »
dans un soubresaut de vinasse
l’orpailleuse de boutons d’or
ferait bien danser l’officier d’état civil