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editions d'autre part

samedi 27 septembre 2014

paquebot vendange


c’est un paquebot à relouer sur une plage Pacifique
c’est un paquebot qui rouille dans le cœur d’un goéland
c’est un paquebot qui traverse un sexe de baleine
c’est un paquebot à vendre sur une aire d’autoroute
 
un vent de poupe qui chante le frai
un vent de proue qui déroute le saumon
un vent de poupe à faire chanter la sirène
un vent de proue à faire crever la frégate
 
on jette l’ancre dans l’œil d’un cachalot
on mouille sur un banc de poissons-volants
on démâte sous un vent de cercueil
on dérive dans les remous de l’amertume
 
l’écume d’un chagrin
le sel du remember
le baiser du poulpe
le graffiti du corail
 
le paquebot a perdu son port d’attache
l’oubli de l’adresse de maman
la longitude écartelée par les câbles de la loyauté
et le siphon bouché à la porte Atlantide
 
le paquebot vendange sa part de miséricorde
j’épouserai la pècheresse nue sous son ciré orange
 

mercredi 17 septembre 2014

place inondée


c’est une place isolée par la friche et le poussier
c’est une place inédite pour les soldats et les busards
c’est une place enchristée de morgue et de trahison
c’est une place ébahie sous les vivats et le clairon
 
rideau de velours sur les hauts-fourneaux
théâtre guignol pour l’échafaud
bannière enrubannée de vermillon
chaise-percée pour le président du tribunal
 
on clôture les jeux de marelle
on cisaille les courroies du soufflet de forge
on fait fondre le plomb pour les beaux yeux des cadavres
on chancelle sur les maladies infamantes
 
le suicide du lucane
l’essoufflement de la pivoine
l’éblouissement de l’orvet
la soudaine pâleur du rouge-gorge
 
la place est envahie de curieuses et de magistrats
le platane recueille les cupidons bredouilles
le lanceur de couteaux revient sur le lieu du crime
sa manutentionnaire embrasse le palefrenier
 
la place s’inonde d’un soleil coupable
j’épouserai la médecin-légiste et son scalpel renégat

mercredi 3 septembre 2014

cartable déchiré


c’est un cartable de feuilles de frêne et de vermines
c’est un cartable de galets qui ont la mémoire de l’eau
c’est un cartable de dentelles pour les fêtes païennes
c’est un cartable des jours de peine et de grand labeur
 
le chemin se mâche et se remâche
le reposoir est en sueur
la fontaine chante un gloria
la roselière s’incendie de ferveur
 
on décroche les bretelles du désir
on couche sur la mousse une fatigue amoureuse
on parfume les sexes d’un jus de romarin
on abandonne aux nuées l’écorce du plaisir
 
la déchetterie des fleurs
le recyclage des rendez-vous
le compost des anniversaires
et la cheminée pour les essoufflements
 
une litanie d’insultes sur le carnet de leçons
des annotations obscènes sur les planches d’anatomie
une promesse d’Amérique au fond de la poche
et la dissection des mécanismes de l’amour
 
le cartable déchiré pendant le cours de sciences naturelles
j’épouserai l’institutrice avant l’heure des promotions

lundi 1 septembre 2014

syncope aérienne


c’est une syncope délurée aux arguments avariés
c’est une syncope carrée bossue sur le plancher de bal
c’est une syncope tourneboulée par un diagnostic confus
c’est une syncope rancunière dans un talus de ronces
 
des pèlerins chagrinés par une indulgence arbitraire
un vitrail incarnat sur le parvis du purgatoire
des migrantes à la peau de froment
un graffiti sur la porte du droit d’asile
 
on ôte les lacets des chaussures qui courent vite
on fait des bandages de toile de parachute pour les bêtes de somme
on crucifie des drapeaux de conquêtes avec des clous de charpente
on essuie ses pieds avant d’entrer dans l’indigne
 
ô le chant d’un soldat derrière la dune
ô le craquement du scorpion dans la manche de la vareuse
ô le grésillement des mouches sur la charogne
ô le silence de la peur montant de la fosse
 
le chuintement des combattantes
le langage dénaturé par les ordres
le psaume de la sentinelle
la prière avortée du coquelicot
 
la syncope aérienne du criquet devenu boiteux
j’épouserai une soldate éreintée revenue des terreurs