1440 minutes

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editions d'autre part

dimanche 28 août 2011

pitié les rides creuses

pitié les rides creuses
pitié la fringale de soi
pitié les minutes perverses
et la lourde tristesse
des fruits trop mûrs
et des soirs qui fatiguent

je sais des maladies
qui prennent à travers champs
qui fauchent les colchiques
et coursent les nuages
je sais des bonheurs brefs
qui lâchent la bride
qui tintent à la cloche frêle
et se mordent la langue


pitié les yeux qui plissent
pitié les soleils fourbes
pitié les sourires assoiffés
et la tendre quiétude
des liqueurs aux amandes
et des soirs qui s’installent

je sais des musiques tièdes
qui roulent le pavé
qui ouvrent les persiennes
et baisent sur les balcons
je sais des joies tranquilles
qui flûtent sur les tuiles
qui lavent les carreaux
et repassent les cœurs


pitié les faux mensonges
pitié l’étoile vraie
pitié l’oiseau de lune
et le chant violoncelle
des heures consumées
et des soirs qui soupirent

je sais des chevaux rebelles
qui frappent du sabot
qui renoncent à l’avoine
et filent dans la nuit
je sais des libertés nues
qui brisent les miroirs
qui jettent le signal
et brûlent les masques


pitié les feux de la forêt
pitié la soupe qui brûle
pitié l’orage abandonné
et la chanson fermentée
des amours de passage
et des soirs qui reculent

je sais des paroles fières
qui trouent la destinée
qui tissent des drapeaux
et percent les tonneaux
je sais la révolte crue
qui casse les prisons
qui repeint la comète
et tricote l’histoire

28 août 2011

vendredi 26 août 2011

les filles de ma rue

les filles de ma rue
cortègent des pilules
et des barbapapas
s’inventent des amours débiles
aux lendemains de vin pétillant
de lèvres blêmes
et de papillons rouges

les filles de ma rue
carabossent des fanfreluches
et des pommes d’api
s’inventent des amours anicroches
aux cours de coloriage
de lèvres peintes
et de papillons rouges

les filles de ma rue
groseillent des faire-part
et des pâtes de fruits
s’inventent des amours valérianes
aux soirées de sodas bleus
de lèvres mortes
et de papillons rouges
rouge sang

26 août 2011

dimanche 21 août 2011

au comptoir des couleurs

au comptoir des couleurs
un quarteron de libellules
une trousse de maquillage
une corbeille de fruits
les plumes du corbeau
les dents du charbonnier
le veston du colvert
l’eau verte de l’étang
ton caractère de miel
et ta peau d’abricot
le nez rouge de l’artiste
de la craie sur les joues
au comptoir des couleurs
j’ai retrouvé mes billes

au jardin de la pluie
des perles vif argent
un arrosoir de lune
un torchon de nuage
les yeux de l’escargot
la sève des laitues
les percus de la vitre
et les pleurs de rideaux
ton sourire de naïade
le goût de ta marée
le ruisseau qui grossit
des larmes du plaisir
au jardin de la pluie
j’ai planté Cupidon

au magasin du rire
des hyènes à la douzaine
des pics en contredanse
un sachet de surprises
la mèche d’un pétard
des casseroles en cuivre
la bombe à fausses moustaches
les chansons à tiroir
ta langue qui chavire
et tes mots en cristal
la métaphore en toc
les rigoles de l’amour
au magasin du rire
j’ai vendu du non-sens

21 août 2011

mercredi 17 août 2011

d'une chaloupe à l'autre

d’une chaloupe à l’autre
il y a un gué pour les mensonges
et un gué pour les risques
une pieuvre, une anguille
un gouffre, une nasse
j’ai cloué sur un pieu
la charte des orphelinats

d’un écureuil à l’autre
il y a une branche pour la sérénité
et une branche pour les pièges
un renard, un serpent
un poison, un usurier
j’ai caché dans les noisettes
le code de pauvreté

d’une corde à l’autre
il y a un nœud pour la vérité
et un nœud pour les doutes
si jamais, par hasard
crois-tu, est-ce possible
j’ai glissé dans la boue
le questionnaire des abandons

d’un cortège à l’autre
il y a un calicot pour les comptes
et un calicot pour les avoines
au levain, à la criée
à l’encan, à la meule
j’ai jeté dans le pétrin
les directives du banal

d’un calendrier à l’autre
il y a une mesure pour le temps
et une mesure pour les alarmes
un fanal, un tambour
une sirène, une cloche
j’ai coincé dans le ressort
la législation du chagrin

17 août 2011

lundi 15 août 2011

c'est la peur pour sa peau

les ongles en demi-deuil
fichés dans le dédain
une colère enfouie
dans un pot de mensonges
une insulte tombée
sur une table sale
le sang qui cogne aux tempes
et le froid sur l’échine
le sang qui cogne aux tempes
et le froid sur l’échine

c’est un bon sentiment
qui nourrit bien sa haine
c’est la peur pour sa peau
et la déréliction

un gros essaim de guêpes
au fond de la cervelle
une plainte inutile
étalée sur le lit
un semainier d’orties
dans le confiturier
des aiguilles dans les tripes
et les nuits sans sommeil
des aiguilles dans les tripes
et les nuits sans sommeil

c’est un bon sentiment
qui nourrit bien sa haine
c’est la peur pour sa peau
et la déréliction

la phrase ruminée
pendue dedans la gorge
l’obscénité d’un cri
qui s’est mordu la langue
un fait-divers inscrit
dans la poumonnerie
le verdict attendu
au guichet des urgences
le verdict attendu
au guichet des urgences

c’est un bon sentiment
qui nourrit bien sa haine
c’est la peur pour sa peau
et la déréliction

un coup de poing dans les dents
d’un nuage de grêle
le rejet des viscères
de l’étoile amicale
un caillot plein de fiel
dans la machinerie
le parfum de la mort
aux narines du diable
le parfum de la mort
aux narines du diable

c’est un bon sentiment
qui nourrit bien sa haine
c’est la peur pour sa peau
et la déréliction

c’est un bon sentiment
qui nourrit bien sa haine
c’est la peur pour sa peau
et la déréliction

15 août 2011

c'est un chant confetti

c’est un chant confetti
qui décore le pavé
un cheval de manège
qui bombarde les cœurs
une coupe de fruits rouges
dans une chambre de nonne
un rythme un peu guimauve
aux fêtes de la vierge

c’est un chant carabine
sur le chemin de ronde
un cheval à bascule
impasse de l’avenir
une voile de crêpe
au crucifix du diacre
un rythme un peu faucille
aux dimanches du peuple

c’est un chant carabosse
qui fait danser les vieux
un cheval de tiercé
sur l’assiette du jour
une fiole de chartreuse
au chevet de l’évêque
un rythme un peu ganache
sur le chemin de croix

c’est un chant de confesse
qui fait rougir les filles
un cheval de bataille
dans les prairies du lit
un bouquet de plaisirs
planté devant le cierge
un rythme un peu salace
au cul de la servante

15 août 2011

dimanche 14 août 2011

je suis un cadeau de bienvenue

je suis un cadeau de bienvenue
je dis les mots qu’il faut
ou je tais ma hargne
je suis de perles multicolores
en faux plastic des îles
j’ai le sourire des jours de congé
et des plaisirs en solde
je suis un gars de pacotille
je fume des calumets et des lianes
je bois des tisanes rares et des jus de serpents
je suis un bon fils

je suis un cadeau d’étrennes
je soulage les douleurs
ou ravive les plaies
je suis de frivolités et de friandises
j’ai le sourire des jours de fête
et des agapes à tiroir
je suis un gars de guirlandes
je fume des bâtons d’encens et du bois doux
je suce des os de bécasses et des jus de légumes
je suis un bon fils

je suis un cadeau de confiance
je parle en bouquets de roses
ou je tais les mensonges
je suis de fidélité rare et de bon commerce
j’ai le sourire des jours de foire
et des sentiments au rabais
je suis un gars de vente exceptionnelle
je fume des myosotis à la douzaine
je mange des fèves d’agrément des noisettes d’argent
je suis un bon fils

je suis un cadeau d’adieu
je siffle un requiem au goulot
ou je recrache les péchés
je suis de messe basse et de corbillard bleu
j’ai le sourire des jours de deuil
et des derniers repas
je suis un gars de gras testament
je fume des clous de cercueil et des pissenlits
je laisse une corbeille de figues et du vin de muscat
je fus un bon fils

14 août 2011

un carré de ciel

un carré de ciel
est tombé dans la maison
un vent décontenancé
une virgule d’orage
des nuages verticaux
et une comète à mon chevet

je bois des fanfreluches
et de sang de sureau
je décompte les rêves
et les chagrins des dimanches
j’écris des étincelles
sur un journal ancien


un carré de jardin
est tombé sur la colline
un vent de semailles
une pluie bienvenue
des merles à l’abordage
et une étoile dans l’arrosoir

je bois du carnaval
et une pressée de sauge
je décompte les repos
et le désespoir des prières
j’écris des chants d’orties
sur le salut du monde


un carré de fanfare
est tombé sur la ville
un vent au pas de l’oie
une brassée d’œillets
des plumes de pigeons
et l’anneau de Saturne à la fille d’honneur

je bois des dzim boum boum
et des tonneaux de bière
je décompte les pavés
et la folie des coquelicots
j’écris des libellules
sur un carnet de fête


un carré d’épilobes
est tombé sur le talus
un vent à bout de souffle
une pierre qui tombe
une fiente de chocard
et une météorite sur le glacier

je bois des brouillards vifs
et du jus de gentiane
je décompte les cairns
et l’abattement des cordées de secours
j’écris des avalanches
sur la cloche de la chapelle

14 août 2011

dimanche 7 août 2011

la sentinelle s'enfume

la sentinelle s’enfume à petits rêves
les pieds noyés dans l’imbécile
elle compte les chiens pisseux
et les enfants blonds
qui pleurent des désirs de glaces
elle attend l’automne
et ses amours rondes et chaudes
des femmes de passage
et celles qui reviennent

il faut bien manger sa paie
et mettre le feu à la chandelle


la sentinelle plisse le cœur
déforme et fait disparaître les silhouettes
transforme la rue en bowling
elle compte les graffitis salaces
et les chats trop maigres
elle attend les vendanges
et ses amours rondes et juteuses
des femmes en sarraus
et celles qui repartent

il faut bien boire sa paie
et faire fondre la chandelle


la sentinelle tutoie les fantômes
sur le mur de l’église
elle compte les attentats
dans une boîte à chaussures
et les hommes en liquette sous le mûrier
elle attend l’angélus et l’orage du soir
et ses amours rondes et mouillées
des femmes aux cuisines
et celles qui restent

il faut bien coucher sa paie
et moucher la chandelle


la sentinelle dépose le fusil
danse pieds nus dans la poussière
elle compte les temps de la valses
et les pétales des marguerites
elle attend le dimanche
et ses amours rondes et furtives
des femmes en voilette
et celles qui ne prient

il faut bien tuer sa paie
et bénir la chandelle

7 août 2011

un soleil appuyé

un soleil appuyé sur le dos du lézard
la palabre des chardons dans le matin
le pinceau camarguais du peintre du dimanche
le chant du romarin sur des lèvres blanches
l’effort de la machine à coudre pour zigzaguer l’amour
j’aime à te regarder
quand tu descends du songe

un soleil à genoux aux marches de l’église
la faux transfigurée d’un bouquet de mensonges
l’ordinateur en panne au calcul des sourires
le chant de l’alouette au chevet des moissons
la peine de la machine à coudre pour repriser l’armure
j’aime à te regarder
quand tu regagnes la rive

un soleil qui se vautre sur la dalle des terrasses
le nougat pour le café les glaçons pour la mauresque
le menu par camion le rosé par bonbonne
le chant de l’heure de chambre de sa serveuse asiate
le vain de la machine à coudre pour coudre un abandon
j’aime à te regarder
quand tu danses le quotidien

1 août 2011

ce n'est pas encore le repos

ce n’est pas encore le repos
du mouvement
des sautes de vent dans les chênes
un train de marchandises
un têtu moteur de pompe
et des fourmis désordonnées
s’affairent sur le cahier

ce n’est pas encore le calme
un geste
un ondoiement dans les vignes
un tracteur fatigué de labour
une rumeur d’autoroute
et des fourmis confuses
carrefourent sur le cahier

ce n’est pas encore la paix
un remugle
des roses trémières abimées
une faux dans le sainfoin
un fléchissement du chant des cigales
et des fourmis oublieuses
laissent des mots sur le cahier

29 juillet 2011

l'instant précis

quelque chose vibre dans l’air
un bruit un rythme
un reflet une senteur
c’est un moment précis et clair
l’instant précis
où cela peut commencer

et cela tombe du ciel
comme une averse de juillet
cela bouillonne comme un torrent
cela crépite et cela raconte

quelque chose est tombé
comme une figue blette
un voile un chant
un vacarme une dalle
c’est un moment sourd et lent
l’instant précis
où cela s’installe

et cela rampe
comme une vague du matin
cela envahit comme l’herbe
cela conquiert et cela convoque

je peux jeter mes mots dans la bataille

27 juillet 2011

derrière les barreaux de la fenêtre

derrière les barreaux de la fenêtre
le bleu des collines
un quarteron d’hirondelles en chasse
une guêpe colère dans la vigne vierge
la fin du jour frémit après la pluie
une femme lit dans le jardin du figuier
elle sait que je la vois

derrière les barreaux de la fenêtre
la ligne de crête mauve
un pic ricane dans les peupliers
un chien de chasse jappe dans les jachères
la fin du jour s’ébroue après la pluie
un femme lit dans le jardin
elle sait que je la regarde

derrière les barreaux de la fenêtre
un demi-mètre carré de ciel pourpre
un couple de corbeaux traverse la plaine
un frelon surveille un hortensia
le jour vacille
une femme lit
sait-elle que je l’aime

27 juillet 2011