1440 minutes

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editions d'autre part

mardi 31 janvier 2012

ils disent

ils disent que le soir va vieillir  

des enfants tissent des couvertures
en poils de fakirs
leurs sœurs inventent des insectes
aux mandibules pur sucre
les rues tricotent des bancs publics
sur le bitume glabre
je joue au jeu distrait des candélabres
qui se trompent et se cognent


ils disent que le soir va refroidir

des chiens rongent
des squelettes de fantômes
leurs petits tètent au drugstore
des sodas alchimistes
les rues brodent des prénoms
aux boites à lettres posthumes
je joue au jeu de dames
qui se cherchent et se lèchent


ils disent que le soir va s’inquiéter

des policiers rôdent
dans les coulisses du théâtre
leurs femmes cousent des galons
aux paletots des vampires
les rues ravaudent des jarretelles
aux persiennes des chambres
je joue au jeu du magasin
qui vend des rhumes au soleil


ils disent que la nuit va crever

des renards marquent le territoire
dans le jardin public
leurs corbeaux menacent
de crever les yeux de la fromagère
les rues faufilent des cartes de crédit
aux loubards de la banque
je joue au jeu du pendu
qui gigote dans le confessionnal

31 janvier 2012

mardi 24 janvier 2012

pour les sourires

j’avais dans mes bagages
un concerto pour oreillard
une querelle de tulipes
un ticket pour enterrement
une tenaille pour les pardons
des épices pour les sourires
et des chagrins lyophilisés

j’avais dans un fond de poche
un chant de guerre polonais
une bouderie d’œillets blancs
la bonne clef de la salle d’op
le bistouri des jours heureux
de la guimauve pour les sourires
et des serments empaquetés

j’avais au creux de la main
un refrain de fin du monde
une dispute de pivoines
un passe-droit pour la morgue
un chasse-clou pour les remords
du sucre glace pour les sourires
et des colères reprisées

j’avais peut-être dans la tête
un rythme de Neandertal
une fâcherie de myosotis
le digicode du baptême
le tournevis des jours sans fin
du perlimpinpin pour les sourires
et des bonheurs envenimés

24 janvier 2012

mardi 17 janvier 2012

le poème vibre

on appareille sur des busards
pour arpenter les marécages
on compte les couleuvres et les râles
ici la solitude est bannie
il y a tant d’insectes
que mille Japon et la banlieue de Bogota
tant de vies et de morts à la fois
le poème vibre de tant d’élytres et d’abdomens
la chanson du cloaque

on quitte la terre sur des émerillons de feu
pour incendier les forêts
on compte les pives et les roitelets
ici l’insouciance est mise à ban
il y a autant de mousse
que la laine de cent mille moutons d’Islande et d’Ariège
tant de cris et tant de crottes
le poème fermente dans les gésiers et les ventres
la chanson du pylore

on funambule sur des palombes castillanes
pour mesurer les arènes
on compte les orangers et les faucons
ici la vie est en sursis
il y a autant de sable
que cent Sahara et la plage de Sète
tant de coquillages et tant de couteaux
le poème gonfle de marée et de miasmes
la chanson des viscères

17 janvier 2012


mardi 10 janvier 2012

ici le fleuve charrie

ici le fleuve charrie
ici le fleuve n’est pas un ami
on ne descend pas vers lui
comme on descend en ville
comme on va vers la fête
comme on cherche des rencontres

c’est le territoire des blaireaux
des chiens borgnes et des harets
nulle femme nul coquelicot
les saules écorchent les mensonges du vent


ici le fleuve ronchonne
ici le fleuve use ses vilenies
on le craint on le chante
on le pique on l’agace

c’est la banlieue des renégats
des ventriloques et des manchots
nulle femme nulle pervenche
les peupliers étouffent les promesses du vent


ici le fleuve digère
ici le fleuve dissout les âmes
la vraie vie est tenue à distance
des barbelés des gravières
des passerelles abandonnées et d’anciens moulins

c’est le corridor des amours mortes
des sentiments cadenas
des valises éventrées
nulle femme nulle jonquille

ici on fait le mort
ici on joue la fin
seul un landau sur la berge

les argousiers ébouriffent ce qu’il reste de vent

10 janvier 2012

samedi 7 janvier 2012

écrire une chanson

devant la boîte à lettres
plantée là une évidence
ce sera un jour qui donnera l’ordre
écrire une chanson
sur l’abstinence
sur la désolation des corneilles
sur la généalogie bancale
sur le gel des vignes

je convoquerai le tambour et le tuba
je ferai danser la femme enceinte
les mots arriveront par sarbacane
et par la fiente des migrateurs


face au pare-choc de la voiture
sur le masque effrayé du piéton
une sommation
écrire une chanson
devant le danger
sur la fulgurance
sur les chapons de décembre
sur la surpopulation
sur l’accouplement des renards

j’inviterai le violoncelle et le triangle
je ferai danser la factrice veuve
les mots viendront en recommandé
par avis de saisie
sur ordre de police


au beau milieu du pré
sous l’ombre d’une ciguë
un devoir une promesse
écrire une chanson
par la racine
sur la grivèlerie du coucou
sur la miséricorde
sur l’abus de l’usurier

je marierai le hautbois et la harpe
je ferai danser la chasseuse de papillons
les mots surgiront des trous de taupes
les yeux ouverts et muets
comme un soleil sous la banquise

7 janvier 2012

jeudi 5 janvier 2012

je lis et déchiffre

c’est une hargne
c’est un vent bûcheron
le chat boude et le merle se renfrogne
un camion a perdu son chargement de légendes
l’espoir est ébouriffé
et la bardane s’accroche à mon chandail
je lis et je déchiffre la passion des rideaux

c’est marche ou crève
c’est un vent Caterpillar
le chien se plaint et la perruche est désaccordée
un car postal hisse la grand-voile
l’envie est sur le marchepied
et la cardère annonce un temps de guerre
je lis et déchiffre la démarcation et les meurtres

c’est une exécution
c’est un vent escopette
le cheval tape du pied et la bergeronnette prie
un train omnibus file jusqu’à l’océan
le désir est à la resquille
je lis et déchiffre sur les lèvres les gémissements du plaisir

5 janvier 2012

lundi 2 janvier 2012

il fait bon

chemin de ronde
un faucon pèlerin guette une tourterelle
il dînera de sang chaud et de graisse jaune
dans une grande chambre froide
une servante lave le cul de sa maîtresse
elle cuira de la soupe aux fèves
c’est Sainte Servitude
et il fait bon se taire

chemin des gardes de nuit
un loup-garou guette une jeune fille
il dînera d’interdit et de luxure
dans une garçonnière borgne
une servante lave le cul d’un jeune puceau
elle cuira des haricots au lard
c’est Saint Cochon Pendu
et il fait bon grogner

montée des arquebusiers
un chat-huant guette une souris folle
il dînera de moustaches et de bas résille
dans sa chambre de bonne
une servante lave le cul de son amant
elle cuira des pets-de-nonnes
c’est Saint Colin Maillard
et il fait bon baiser

2 janvier 2012