1440 minutes

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editions d'autre part

lundi 30 mars 2009

il suffirait d'un chant

il suffirait d’un chant de berger

le troupeau est inquiet en place de mai
des femmes trépignent
quelques enfants s’agitent et pleurent
des hommes palabrent et décident
un adolescent s’exerce à l’insulte
le troupeau cherche de l’ombre

plus tard quatre secouristes ramènent un corps gorgé d’eau
ils disent qu’ils sont beaucoup

la douleur est tant compacte
qu’elle est une poignée d’argile dans la clepsydre


il suffirait d’un chant de fanfare

les voyageurs sont transis devant le point de contrôle
une valise trouée perd une poupée
un sac de plastique ficelé pour les documents
des dollars pour le passeur
une adresse dans une ville inconnue
les voyageurs apprennent la peur et le dédain

plus tard des soldats les entassent dans des wagons à bestiaux
ils crient et bousculent

la peur est tant épaisse
qu’elle est un pavé dans le sablier


il suffirait d’un chant de tambourin

l’homme tient dans ses bras sa femme et ses enfants
ils ont gagné une place sur un bateau
ils quittent un pays sec pour un pays chaud
la différence n’est qu’espoir et déchirement
ils vivront de rapine et de charité
l’homme tient dans son cœur le souvenir de ses parents

plus tard un douanier appliquera un tampon sur leur poignet
il accepte en riant une dent en or

le chagrin est tant tenace
qu’il est un ressort cassé dans l’horloge


il suffirait d’un chant de contrebasse

la fillette suce son pouce sur sa couche
ses yeux sont vides le fil est rompu
avait-elle un frère une peluche
sa langue est morte les mots sont cassés
dans sa tête une sirène hurle une berceuse
la fillette dessine un soleil sur le carrelage

plus tard une infirmière lui donnera de l’eau sucrée
sa voix fait penser à la prière des orages

le sommeil est tant absent
qu’il est une aiguille tordue sur le cadran


il suffirait d’un chant de coucou

un chant de coucou vraiment


like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

30 mars 2009

jeudi 19 mars 2009

par la fenêtre

prière des matines
est entré par la fenêtre un air vif et bleu
aquatinte sirop de menthe et odeur de verveine
un merle chante

le grain de ta peau
respiration d’encore sommeil

chanson à voix nue
est entré par la fenêtre le premier soleil
aquarelle citron pressé et odeur de maïs
un rouge-queue traverse le tableau

le bleu de ton regard
rires et pas de danse

oratorio en do majeur
est entrée par la fenêtre toute la montagne
granit sculpté cornalin primeur et odeur de terre
un casse-noix rit dans l’arole

le velours de ton ventre
mots et parfums en mélange

sonate pour hautbois
est entrée par la fenêtre la vallée entière
fresque liqueur de prune et odeur de pivoine
un grand corbeau plane sur le vignoble

le fruit de ta bouche
douceurs et morsures

symphonie perpétuelle
la fenêtre s’est ouverte sur le ciel
vitrail jus de mûre et odeur d’épices
un faisan parade dans la clairière

la ligne de ton épaule
abandon et finitude

cantate sereine
un pur moment a débordé par la fenêtre
détrempe blanc d’œuf et odeur d’amour
une sitelle cul par-dessus tête

ta silhouette dans le blanc du ciel
et
mon poème sur la première étoile

sans gêne ni rapière

19 mars 2009

mercredi 18 mars 2009

musiques du printemps

au bout de la rue s’exerce une fanfare
jouer en marchant marcher en soufflant
la mazurka de fête sonne bancale

demain les processions du printemps
le bal populaire et la messe sur le parvis

la jeune fille fait un ourlet à sa jupe

dans la cour répète un tambour
la montée du drapeau et la salve d’honneur
le roulement solennel claudique

demain les avis officiels
et les jugements rendus

la jeune fille poudre rose ses joues

sur la terrasse tousse un accordéon
menuet musette comparsita bègue
le tango a cassé son talon

demain les chansons à boire
et la plainte des amours difficiles

la jeune fille met des brillants à ses paupières

dans le parc pleure une guitare
flamenco endormi et jouets interdits
django s’est pété un ongle

demain un concerto sous un balcon
un bouquet de notes una cancion

la jeune fille caresse la pointe de son sein

lalala
lalala

sans gêne ni rapière

18 mars 2009

lundi 16 mars 2009

couvre-feu

il y eut une lueur derrière le roc
il y eut un cri de ralliement

une femme est remontée dans le dévaloir
dans sa besace une tomme du village des érables
un baril de vin cornalin et une pomme reinette
dans ses mains une pépite de pigment bleu et un couteau de peintre

un ouvrier constate qu’il manque trois pavés devant l’hôtel de ville

il y eut un signal de torche derrière les écuries
il y eut une imitation de cri de chouette

un homme a longé la berme de l’autoroute
dans son sac de sport une bible une fronde et un harmonica
dans ses mains une bombe de peinture et un chablon de soldat

un infirmier constate qu’il manque trois fioles d’éther dans sa pharmacie

il y eut un éclair derrière la gare
il y eut un cri de terreur

la fille est sortie de la camionnette
dans son sac à main un peu de monnaie une adresse de toubib
et un sachet de poudre pour le nez
dans sa main une absence de ligne de cœur et une cicatrice

un agent constate qu’il manque un réverbère dans l’impasse

il y eut un feu de détresse devant le supermarché
il y eut un chant de douleur

le sniper s’est glissé au rayon boucherie
dans son cabas un roman de gare un cahier de mots fléchés
et des crayons de couleur
dans ses mains le chapelet de sa maman

un juge constate qu’il n’y a plus de case prison à son monopoly

il y eut un incendie à la station d’essence
il y eut une explosion

le garçon a éteint son téléviseur
dans son cartable un somnifère un poing américain
et un gros manuel d’ennui
dans ses mains une bille et trois boulons


le président constate un vandalisme agaçant
sur la banderole lumineuse
le h de ville heureuse a été décloué
il pendouille misérablement et ressemble à un p


like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman


16 mars 2009

dimanche 8 mars 2009

c'est un poème

c’est un poème à lire debout
la lumière du soleil en pleine face
les mots dansent devant les yeux mi-clos
il est question de lagopèdes et de névés brûlants
l’écorce de l’arolle a craqué de gel et de vent
ô la première ivresse d’air vif et de chant de guitare

c’est un poème à lire debout
au milieu de la prairie de fauche
les mots vrillent dans un parfum d’humus
il est question de chardonnerets et de pollens de noisetiers
la boue se mélange au fumier et le fumier à l’argile
ô l’appel de l’eau de source et de chant de fontaine

c’est un poème à déclamer en marchant
sur le sentier des crêtes
les mots déroulent la corde de sécurité
il est question de gélinottes et de paravalanches
la glace a tanné le cadavre d’un veau
ô le vertige du vide et de chant de vent

c’est un poème à fredonner au fond du fleuve
du limon dans la gorge
les mots bullent devant les truites
il est question de cincles et de tourbillons
l’eau chasse l’air et le poumon se fait éponge
ô la sensation de plénitude et de chant funèbre

c’est un poème à écrire
sur le sable de la grève
sur la boue du torrent
sur la plaque de neige
sur le granit de l’âme humaine

sans gêne ni rapière


8 mars 2009

samedi 7 mars 2009

caillasse et marigot

un grain de sable dans la pensée
un petit caillou dans la chaussure
une pierre dans la vésicule
un galet pointu sous le genou
un pavé sur le cœur
une brouette de gravier sur les épaules
une tonne de gravats dans l’âme

le bonheur torchis
et le désespoir béton

l’humanité caillasse

une vapeur voilant le sentiment
un brouillard escamotant la vie
une goutte traçant le destin
une cruche désaltérant l’angoisse
un tonneau noyant le doute
un lac portant les radeaux d’indifférence
un océan accueillant la tempête

le bonheur liquide
et le désespoir banquise

l’humanité marigot

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

7 mars 2009