1440 minutes

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editions d'autre part

dimanche 30 septembre 2012

c'est un chant d'entre saison

c’est un chant d’entre saison
un soleil se fatigue
un noisetier se déshabille
la rosée s’affirme
la bardane change de résidence
dans le chandail du promeneur
la vendange prend l’hélicoptère
le bus de l’hôpital sent la friandise
 
c’est un chant de respiration
un soleil remonte l’édredon
une noix roule sur le chemin
la rosée s’affirme
la bardane change de camp
dans la queue d’un renard
la chasse prend le parapente
le bus de l’hôpital sent le chrysanthème
 
c’est un chant de compassion
un soleil tourne le dos
une pomme éclate sous le bec de la grive
la rosée s’efface
la bardane retourne à l’école
sur le manteau de l’écolière
la désalpe prend le camion
le bus de l’hôpital sent le désinfectant
 
c’est un chant de contrition
un soleil blanchit goutte-à-goutte
une pivoine se fane
la rosée se fige
la bardane prend le chemin de l’abattoir
dans la laine du mouton
le grand-père prend le corbillard
le bus de l’hôpital sent l’héritage
 
30 septembre 2012

vendredi 28 septembre 2012

l'humain ne vaut

j’ai acheté un six-pack de reconnaissance
j’ai bu cul-sec sans respirer
dans les toilettes du parking
biture express de l’ego
je pars à la conquête du monde
tenez-vous prêts mes camarades
je bombe le grand calicot
hardi ! hardi !
un subtil coma m’a cueilli
au garage des caddies
l’humain ne vaut que l’épaisseur du bitume
 
j’ai acheté un tombereau d’estime
j’ai fourragé d’un coup sans trêve
le bestiaire de mon poème
haie d’honneur devant l’ego
je piétine les renoncules et les nénuphars
tenez-vous prêts mes hérons
j’aborde le coffre des radeaux
hardi ! hardi !
une diarrhée de mots m’a cloué
dans le vacarme des feuillées
la grandeur de l’humain n’est qu’accroupissement
 
j’ai acheté un cubi de vanité
j’ai siphonné d’une traite  sans dégout
dans l’estagnon des fiertés
médaille sans revers pour l’ego
je confisque les trains et les avions
je brûle les gares et charrue les tarmacs
hardi ! hardi !
un caillou dans ma prothèse a brisé
mon envol vers la comète
l’humain ne vaut qu’une erreur d’aiguillage

28 septembre 2012

jeudi 27 septembre 2012

un vent d'enclume

un vent d’enclume
a sauté les cols italiens
pluie à l’envers
le Rhône est brun épais
ça sent la débâcle
je traverse une brume sentinelle
sur les clous de dix-huit heures

à la saint avorton
prends garde à tes ponts
un vent d’enclume
sur le rebord des tempes
 

un vent de caillasse
a dérouté les vernes folles
pluie en petits tas
ça sent les rogations
je traverse un ruisseau catafalque
sur la passerelle de vingt heures

à la saint rigolo
fais gaffe aux trous d’eau
un vent de caillasse
sur les bécarres de la nuque
 

un vent de confetti
a fourvoyé les vaches à l’abreuvoir
pluie dans le bac à glaçons
le mélèze tricote un paratonnerre
ça sent l’engueulade
je traverse l’écrémée du soir
sur le ponton de vingt-deux heures

à la sainte torgnole
évite la bergère en faux-col
un vent de confetti
sur la balançoire des sourcils
 

un vent de sarbacane
a pété la digue des sens
pluie dans le bénitier
rosa canina s’agenouille dans le corsage
ça pue l’amour
je traverse le jardin des culottes
sur l’étendage de minuit

à la saint cupidon
baise sous l’édredon
un vent de sarbacane
sur la frégate des reins
 
27 septembre 2012  

samedi 22 septembre 2012

tu annonces

tu annonces la collision du monde
avec un sombre aéronef
avec un vol de criquets
avec une armée de silures
tu dis les interstices
la vieille table de la loi
et les erreurs de calcul
tu chantes la saison des pluies
et les anniversaires tronqués
 
tu annonces la chute du ciel
sur les déserts de demain
sur les villes en bambous
sur une literie de stupre
tu dis le souffle de l’air
l’inertie des falaises
et l’inquiétude de l’océan
tu chantes l’oraison des macareux
et les fausses fêtes votives
 
tu annonces le creusement des vallées
dans les trous des torrents
dans les querelles des gélinottes
dans les bas-fonds de l’alpage
tu dis les bivouacs dynamités
les grenadiers alpins
et la honte du tunnelier
tu chantes le rosaire des veuves
et le calendrier des messes de septième
 
tu annonces le déclin de la lune
sur les toits des villages
sur les amours des chats
sur la chandelle des pierrots
tu dis le froid qui s’installe
la capote sur la cantine
et le parfum femelle
tu chantes des trivialités de carrefour
et les dates des menstrues

22 septembre 2012

dimanche 16 septembre 2012

et la piécette

je passe mes heures
à me pardonner des minutes d’égarement
un sourire oublié
une larme retenue
une main dans la poche
et la piécette, mon bon monsieur
la piécette
 
je passe mes jours
à me pardonner mes nuits
les yeux sur les démons
les péchés enfouis sous la couette
les tempes qui tambourinent
et la valériane, mon bon monsieur
la valériane
 
je passe mes années
à me pardonner mes printemps
le regard qui bleuit
la rotule qui craque
le poumon qui s’agite
le ventre qui prospère
et le calendrier, mon bon monsieur
le calendrier
 
je passe ma vie
à me pardonner de l’enfance
des chagrins dans le cartable
des bonbonnailles volées
une rage à cran-d ’arrêt
une vengeance dans une boite d’allumettes
et l’indulgence comme un outrage, mon bon monsieur
l’outrage de l’indulgence
 
16 septembre 2012

samedi 15 septembre 2012

le funambule tend son filin

quelque chose qui convoque
le départ des anges
une prairie de cailloux
une mine d’arsenic
une colonie d’asters
le funambule tend son filin
entre la moraine et l’hospice
mâchouille des couennes de lard
en attendant le printemps
 
quelque chose qui invite
au bal des anges débutants
un névé qui goutte
une ardoise qui pète
un ciel démesuré
le funambule tend son filin
entre la luge de secours et le remonte-pente
croque des pets-de-loup
en attendant l’hiver
 
quelque chose qui interroge
l’âme des angelots de la crevasse
un règlement de marmottes
un recueil de nuées
une touffe d’arnica
le funambule tend son filin
entre rien et le ciel
gobe une cervelle d’aigle
en attendant le prochain siècle
 
15 septembre 2012

mardi 11 septembre 2012

je dis le centre du monde

la fiche d’identité du myosotis
sur le cahier d’écriture
une recette de souci
le décompte des libellules
 
je descends dans la nef
et je dis le centre du monde
dans l’œuf de l’araignée
 
 
l’état-civil du pissenlit
sur le carnet du lait
des chips de chagrin
les muscles du crapaud
 
je descends dans la soute
et je dis le centre du monde
dans l’œil de la jument
 
 
l’autopsie de la pivoine
sur du papier musique
un mille-feuilles de mouron
les querelles du moineau

je descends dans les caves
et je dis le centre du monde
dans les griffes du chat
 
 
le passeport de la ciguë
dans le fichier de police
un émincé de soupçon
le salaire des cafards
 
je descends dans l’ossuaire
et je dis le centre du monde
dans l’estomac de la vache
 
11 septembre 2012

lundi 10 septembre 2012

j'ai bien entendu la marmotte

un loup fatigué
italien et autiste
a joué à pigeon-vole
avec des moutons haut-valaisans
a suivi le garçon-boucher
nez noir yeux de miel
nez noir cornes à ressort
 
j’ai bien entendu la marmotte
siffler la mi-temps
 
 
une bergère dégourdie
roumaine et chafouine
a laissé la marque de ses fesses
sur la motte de beurre
a mélangé tous les fromages
yeux noirs peau de miel
yeux noirs seins de granit
 
j’ai bien entendu la marmotte
siffler la mi-temps
 
 
un cochon un peu frileux
polonais et protestant
a joué à chat-perché
avec le chaudron de polenta
s’est soûlé de gnôle
pour se réchauffer
groin rose et queue de miel
groin rose et cul de velours
 
j’ai bien entendu la marmotte
siffler la mi-temps
 
 
un géomètre déboussolé
cosmopolite et volapük
a palpé la queue de la comète
avec son petit rapporteur
a tracé de son équerre
un angle parfait sur une motte de beurre
yeux de braise et pouce miel
yeux de braise mains aux fesses
 
je n’ai plus entendu la marmotte
siffler la fin du match
 
10 septembre 2012

samedi 8 septembre 2012

la montagne a jeté des pavés


la montagne a jeté des pavés
dans la vitrine de la chasse
 
dans une saute de vent
le ricanement des mouflons
sous un névé de l’année
les crottes des marmottes
 
j’entends le ciel qui se fâche
les étoiles qui fuient
et l’arnica inutile
 
 
la montagne a pissé du fiel
dans le torrent des herbage
 
dans un frisson de vernes
un accouplement de cervidés
dans le miroir de l’ardoise
un prénom bienaimé
 
j’entends la prairie qui s’allume
le sérac qui s’effondre
et le plantain essoufflé
 
 
la montagne a lâché des vipères
sur le chemin de l’école
 
sur une branche d’arole
un casse-noix colérique
au chapeau du berger
une fleur d’orchis vanillé
 
j’entends le brouillard qui raconte
le fromage qui fermente
et la gentiane dépoitraillée
 
 
la montagne a pété la moraine
sur la cabane du barragiste
 
sous l’écorce du bois de feu
une rosalie en anorak
au reposoir du maupas
trois brins de boutons d’or
 
j’entends la forêt qui remâche
le crave qui rosaire
et la cardère refermée
 
8 septembre 2012

mercredi 5 septembre 2012

à la quenouille des mots

à la quenouille des mots
j’ai piqué la peur
le feu dans le dortoir
la maladie aveugle et têtue
l’automobile dans le dévaloir
regarde dans le fourneau
la bûche qui se tord
 
à la quenouille des mots
j’ai piqué la fringale
le lard sec en rebibes
le clafoutis de mirabelles
le gras-double double gras
regarde dans le chaudron
la mouche qui se noie
 
à la quenouille des mots
j’ai piqué la colère
l’insulte à bras-le-corps
les crachats dans le ciel
le poison dans les yeux
regarde dans les urnes
les menaces qui se tordent
 
à la quenouille des mots
j’ai piqué la dentelle
le bustier des beaux jours
les paillettes sur l’épaule
la bretelle fugitive
regarde dans le corsage
le désir qui se noie
 
 5 septembre 2012

mardi 4 septembre 2012

c'est un rêve

c’est un rêve de palombe
franchir le col sans bourrasque
éviter les chasseurs
sauter le rideau de la pluie
une chiquenaude sur la carte
 
c’est un rêve de renarde
franchir la rivière grosse
éviter les voitures
croquer une jeune foulque
une chiquenaude sur la rive
 
c’est un rêve de jument
franchir la barrière de métal
éviter les molosses
pleurer de joie dans les avoines
une chiquenaude dans le soir
 
4 septembre 2012

dimanche 2 septembre 2012

j'ai des doutes sur l'eau

j’ai des doutes sur l’eau de cuisson
 
les chagrins pourpres
les oasis noyés
des animaux dans la mémoire
un reste de chant sur un poteau
les ennemis à genoux
les armes dans le fleuve
des chevaux dans un ciel d’avoine
un grelot de sonnailles devant la porte
la prière pour de vrai
le miracle dans la poche
une fiente de colombe dans l’eau bénite
un canon grégorien dans un poitrail de sainte
 
 
j’ai des doutes sur l’eau de vaisselle
 
les pardons délavés
l’alpage sous la neige
des taurières sous la croix
une youtze dans la cave à fromages
les bergers à l’abreuve
le botte-cul dans le feu
des frelons dans la litière
un grincement de fifre dans la grange
la prière pour de vrai
le péché dans le calice
un pas de chevêche au toit de la nef
une toux des grandes orgues dans le gros de l’hiver
 
 
j’ai des doutes sur l’eau de lessive
 
les sentiments tordus
la kermesse sous l’orage
des chiens devant l’hospice
un chant de tuba au café de la douane
la serveuse à l’heure de chambre
vingt fois la même lettre
un choucas à la fenêtre
un harmonica d’ivrogne sur le chemin
la prière pour de vrai
la rémission dans la culotte
une chauve-souris se voile la face
un accordéon dans la trachée de Sainte-Cécile
 
 
j’ai des doutes sur l’eau du bain
 
la peur de la montagne
le toboggan de l’avalanche
des grands tétras en déroute
un sifflement de chamois dans les rochers
le colporteur vend sa vareuse
pour un bouquet de boutons d’or
une hermine étonnée dans sa robe de printemps
une corne de brume pour ramener les cairns
la prière pour de vrai
les indulgences du jouir
une mante religieuse donne sa recette
un requiem pour chant de noces
 
 
j’ai des doutes sur l’eau des fleurs
j’ai des doutes sur l’eau
j’ai des doutes
 
2 septembre 2012

samedi 1 septembre 2012

marcher dans les pas de l'autre

marcher dans les pas de l’autre
traverser la mercerie
fil à repriser l’amitié
faufil de chirurgien
boutons d’accordéon
aiguilles d’horloger
fronces à galets
pince-à-sucres
et saluer l’araignée
 
marcher dans les racines de l’autre
arpenter la quincaillerie
vis sans fin des jours de paie
clé anglaise pour gaucher
écrou de justice
maillet de tonnelier
clous de boite à épices
pince-monseigneur
et saluer l’écrevisse
 
marcher dans la cervelle de l’autre
coucher à l’hospice
soupe aux pierres de lune
grégorien de cave
vin de messe basse
pets de nonettes
matines mâtines
pince-sans-rire
et saluer le crucifié
 
1 septembre 2012