1440 minutes

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editions d'autre part

vendredi 26 décembre 2008

le haut-de-cry a bleui

le haut-de-cry a bleui sous la bise
c’est l’heure où le hameau compte ses feux
tiens Marcel et sa compagne ont déserté
dans le talus des effluves de boucherie
je ferai des pommes confites à la bergamote pour mon quatre heures
le poète citadin fait griller deux poissons ironie de bible
les jours rallongent les manches de la vie

le haut-de-cry a grandi dans le blanc du ciel
c’est l’heure où les chats grattent pour rentrer
tiens le vieux matou s’est effilé l’oreille
dans le fumoir des senteurs de genièvre et de saumure
je ferai de la caillette au génépi pour mon quatre heures
la jeune femme accroche des larmes à ses cactus
les jours rallongent le retour de guerre

le haut-de-cry a grossi dans le zoom de la première étoile
c’est l’heure où la nostalgie embue la fenêtre
tiens le pianiste et son épouse ont relevé la couette sur un accord raccord à leur accord
dans le cellier ça sent le coing et le gingembre
je ferai une brioche aux épices pour mon quatre heures
la femme qui chante tricote un orage sur son île
les jours rallongent la sauce malgache

le haut-de-cry vibre dans la nuit trop froide
c’est l’heure où le feu aimerait faire autre chose que crépiter
tiens une ambulance s’est arrêtée devant chez Marcel et sa compagne
dans le garage traine une odeur de benzine et de tripaille
je vous ferai ma femme une potée de baisers pour mon quatre heures
elle allume un cierge devant mon lac gelé
les jours rallongent le bonheur de cette nuit

sans gêne ni rapière

26 décembre 2008

vendredi 19 décembre 2008

il me fallait

il me fallait allumer un feu dans le poêle.
un journal d’avant-hier annonçant la fin d’une banque mondiale, la mort d’une névropathe, les deux, ou l’inverse.
un bouquet de brindilles et quelques bûches de saule blanc.
une araignée dormait sous l’écorce, elle a flambé comme une herbe, comme une allumette Bengale.

il me fallait mettre en fiole la liqueur de coing.
une passoire, un filtre, les fruits macérés dans l’alcool jetés sous le noisetier.
un couple de bouvreuils a mangé cette pitance surie et sucrée.
le rouge aux joues, il trébuchait d’incompréhension et piaillait des chansons salaces.

il me fallait mettre au séchoir les viandes salées.
une poutre sous la toiture, une ficelle, des crochets de boucherie.
la souris qui guettait mes gestes en rêvant de festin n’a pas vu venir le chat.

il me faudra fendre du bois.
une hache affûtée.
quelques gouttes de sang sur la neige.

… le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

19 décembre 2008

à coup de savates

une telle violence mériterait que les GI’s envahissent et s’installent dans le pays.
le bon soldat de dieu, ci-devant président des USA, fait sa tournée d’adieu de par le vaste monde. il veut sans doute aussi évaluer lui-même dans quel état il le laisse, le monde, avant de partir à la retraite, bonne chasse et bonne pêche.
dans un pays d’infidèles et de barbus, un journaliste, un journaliste, lui a lancé ses savates à la figure.
il est donc à constater que les journalistes sont les vrais terroristes anti-démocratiques, et qu’ils n’hésitent pas à passer à l’acte, au mépris des vieilles règles d’hospitalité.

sans doute, le bon président avait peut-être omis de baiser la terre à sa descente d’avion. le journaliste alors a voulu effacer l’affront en mettant un peu de la terre accrochée à ses semelles sur le visage du président de la terre.

sans doute aussi, le lancer de tarte à la crème est moins apprécié sous ces latitudes lointaines et arides.

sans doute enfin, ce journaliste a voulu rappeler à l’occident l’angoissante et fondamentale question : Saddam Hussein a-t-il été pendu pieds nus ?

dans la ravine de mon pays, les journalistes qui ont échappé au torrent de bave et de boue, devraient s’inspirer de ce courage politique. ils pourraient ôter leurs chaussures en sortant des salles de rédaction du Matin et du NF. ils éviteraient ainsi de propager leurs saletés dans la ville.

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

19 décembre 2008

mucus et plumes

mucus et plumes collées sur la vitre de la chambre, le rouge-gorge sonné a volé oblique vers le cognassier
filet d’huile sur la planche à pain
l’arpenteur a traversé le pré, à la recherche d’une borne oubliée
quel signe quelle écriture

sautillement de merle sur le béton frais
trois filaments de safran sur le bord de l’assiette
la chanteuse remonte le long de la chanterelle
quel signe quelle écriture

pas de chat, coussinets mouillés de neige sale sur la table en sapin
pollen de capucine sur le laqué du piano
le poète bataille sur des pistes olfactives
quel signe quelle écriture

eau de larme, jus de lavande ou goutte d’amour sur la taie d’oreiller
message glissé sur la buée du miroir
l’amante réajuste sa culotte à la lueur de la lune
quel signe quelle écriture

sans gêne ni rapière

19 décembre 2008

samedi 13 décembre 2008

la nuit tombe à genoux

la nuit tombe à genoux dans les ruelles
aux devantures des clignotements guirlandent
papier doré papier d’argent
on mesure l’amour à la jauge d’une carte de crédit
j’achète aujourd’hui, je t’aime demain et je paie le mois prochain

la nuit glisse le long des châteaux
ça sent le vin chaud, la soupe aux légumes et le crottin d’âne
copeaux humides et anges gelés
on mesure le bonheur aux poignées de main
je salue aujourd’hui, j’oublie demain et je cultive ma haine pour le mois prochain

la nuit s’écorche au zinc des comptoirs
l’accordéon joue un air de noël américain
bière tiède et vin aigre
on mesure le vide à hauteur de bocks et de pichets
je bois aujourd’hui, je pisse demain et je pleure le mois prochain

la nuit s’ecchymose le front sur les bouches d’égouts
le caniveau englue le remords et la pitié
âme morte, espoir en papillote
on mesure le malheur au tarif de l’horodateur
je pars aujourd’hui, j’oublie demain et je rentre le mois prochain

la nuit s’explose dans un chemin de traverse
l’ornière, la flaque et le muret de pierre
serments flagellés vices sans fin
on mesure le désamour aux draps qui se morfondent
elle danse aujourd’hui, danse demain et danse le mois prochain

sans gêne ni rapière

13 décembre 2008

vendredi 12 décembre 2008

là où était le pré à génisses

là où était le pré à génisses, des arpents de silence brisé par une trace de cerf

là où était la place à pique-nique, un enclos à moutons autour d’une balle de foin et d’une baignoire d’eau gelée

là où étaient les ruches, une cage pour chiens de chasse

là où était le chemin de caillasse pour aller au torrent, une barrière

priorité à l’avalanche

j’arrive dans un autre monde

un kamikaze s’est explosé au milieu d’un restaurant irakien
la pancarte signalant l’origine de la viande a disparu sous les gravats
sait-on jamais ce que l’on mange

un kamikaze s’est explosé
on prétend qu’il était végétarien, il a choisi la promesse de quelques vierges en paradis

sa femme prépare des boulettes de viande au piment
ses enfants jouent à cloche-pied sur la place de la fontaine

un mollah est fier de lui, il ne précisera jamais qui est « lui »

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

12 décembre 2008

mardi 2 décembre 2008

elle était toute en os

elle était toute en os, en dents, en nez.
elle avait l’élégance d’une garzette isolée. comme une madone, comme un ange blanc, forcément blanc.
ses os étaient d’ardoise effritée. ses dents étaient bijoux d’art brut. son nez guettait le signal.
je la voyais dans son lit, maîtresse de son navire, une loupe, une lampe, un crayon, une carte d’Israël.
je voyais son lit de mort, et elle débordait de vie. versets bibliques, pèlerins du col Théodule, chant du lac.
elle avait la voix des lavandières d’Auvergne, des marinières sardes, des veuves du Liban.

elle savait mille choses de la vie et savait l’oublier. elle mourait à pleines dents en pétillant la vie. elle vivait à plein cœur en oubliant de mourir.

elle m’a dit : « à la grâce ! »

Charlotte Amiguet est morte le 27 octobre 2008.
Il manque un oiseau dans les hauts de Lausanne.

… le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre.

2 décembre 2008