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editions d'autre part

dimanche 25 mars 2012

l'éternité s'invente

l’éternité s’invente au premier chant d’oiseau
ce matin de printemps est unique et universel
depuis la fonte du glacier
depuis l’avancée de la vigne sur les vernes
depuis la victoire de la maraiche
il fait encore nuit dans la chambre
et c’est toujours la même dispute
de deux merles dans le noisetier
il fait déjà jour dans le ciel
et le vieux couple de corbeaux
change de vallée

l’éternité se nourrit de la première dent-de-lion
ce matin de printemps comme je n’en ai jamais vu
depuis les croisades
depuis les avalanches
depuis la naissance de la justice
et la dissémination des pollens
il fait encore froid sur les pleurs
du nouveau-né chez les voisins
il fait déjà chaud
et les chats prennent le soleil sur le toit de tôle

l’éternité se tisse à la première lessive
des nuisettes et des draps de lit
ce matin de printemps à comparaître
combien de vingt-cinq mars encore
il me reste à témoigner
vertiges et soustractions
insouciance et reddition
il fait encore gris blanc
la cloche annonce la petite messe
il fait déjà gris bleu
ma main part à la recherche de ton ventre
 
l’éternité se déshabille et perd son sens
je t’aime je ne meurs plus
 
25 mars 2012


lundi 19 mars 2012

parfaitement ému

j’avais dans la trachée
des nuages incandescents
de Bengale et de Bhopal
à peine descendu
de l’arbre des plaisirs
sans corde
sans échelle
sans échelle de corde
à peine vautré
dans une boue tiède
et parfumée de romarin
très beaucoup parfaitement ému

j’avais dans la glotte
des pépites de glace à la menthe
avec du jus de piment et de muscade
à peine dépoitraillé
sur des nattes de paille
le chant du coq
le souffle chaud du vent
la crête du coq
à peine dégluti
dans le ventre de la forge
et parfumée de limaille
rien qu’un seul peu superbement ému

j’avais dans les ganglions
des gratte-culs et des pétards
avec la salive des vipères et des vésicules
à peine analphabète
des poèmes d’amour et de suspicion
sans queue ni rime
sans tête ni onomatopée
sans queue ni oreille
à peine décervelé
dans la tripaille de l’amoureuse
et parfumé de promesses d’iris
pas presque trop irrémédiablement ému

19 mars 2012


dimanche 18 mars 2012

qu'on invente des chemises

qu’on invente des chemises
pour les bonheurs indécis
et des pieds-de-biche
pour extirper la peur

les trottoirs luisent sous une pluie neuve
ça sent l’amour au lavatoring
ça sent la sueur de princesse
et le haricot de mouton chez le renégat
la ville tricote des romances printanières
au bal de l’assistance publique


qu’on invente des casquettes
pour les mariages arrangés
et des pioches d’acier
pour creuser les remords

toute l’étendue d’un trombone
sur le carrousel de l’hôtel de ville
ça sent la barba papa dans les culottes
ça sent le déodorant de femme à barbe
et le tripoux du boxeur maltais
la paroisse escamote les confesses
au passage du mystère glorieux


qu’on invente des paletots
pour les scrutins dominicaux
et des cisailles
pour découdre les secrets
 
les réverbères vont se coucher
à l’entrepôt des fêtes foraines
ça sent la farine grillée dans la cour d’école
ça sent la grenadine chez l’amoureuse
et le hachis Parmentier chez l’équarrisseur
l’atelier mécanique soustraite du plasma
à la foire du trône

qu’on invente des chapeaux
pour les irrévérences
et des arquebuses
pour les spectacles du vivant

18 mars 2012


jeudi 15 mars 2012

je vocalise

je vocalise un vieux psaume
de l’an deux mille
quand les poules faisaient peur
la mort dans les plumes
et l’enfer dans leur œil inquiet
je tamtame des serments apatrides
échoués sur le perron des nations
quand la religion menace
la chaise percée du pouvoir
et le train fantôme du contrôle

je vocalise le chant des pissenlits
du premier matin sans gel
quand le merle retrouve le ver de terre
une promesse d’iris
et le mouron sous la cendre
je bâton de pluie les roseaux
pour donner de la consistance au vent
quand le droit et la norme font des petits
la créativité des nuages noirs
et l’art abstrait de l’habitude

je vocalise la portée des libellules
quand le premier papillon se vautre
sur un pare-brise ensoleillé
la cloche muette
et christ en croix sous la voilette
je danse du sabre la sauterelle
dans le disney des mandibules
quand le médiocre gonfle ses joues
la colique du mulet
et l'art sacré du patrimoine

je vocalise tant que ça peut
et l’harmonie prend congé

15 mars 2012


dimanche 11 mars 2012

ça pète ça suinte

ça pète ça suinte
les bourgeons présomptueux
et le sureau qui s’exaspère
le crapaud langoureux
et le bitume qui s’ensoleille
il manque une loupiote
au corridor de l’assistance

qui dépiaute le pauvre
et qui répand de la morale


ça pète ça craque
un brasier dans la plaine
et des cailloux dans le torrent
le pivert sur le pilier public
et le tourniquet de la banque
il manque un phare
à la jetée des misères

qui désosse le pauvre
et qui dispense miséricorde


ça pète ça grince
les portes de l’habitude
et le sommeil qui recule
les dents de la jument
et le bilan de la semaine
il manque une lampe-témoin
sur l’écran de la justice

qui équarrit le pauvre
et qui répand de la morale


ça pète ça bouscule
les petits matins dans les dortoirs
les grands soirs au thé dansant
la chienne au bout de la chaine
et les sommations sur la table
il manque un projecteur
à l’impasse de fin du monde

qui dépèce le pauvre
et qui dispense le mépris

11 mars 2011

dimanche 4 mars 2012

j'invite à la fournée

j’invite à la fournée des bâtards
tous les soleils catapultes
les lits défaits
et les poupées chiffon des dimanches soir
tous les rendez-vous des comètes
les astronomes distraits de fin du monde

une robe de voie lactée
et des seins de porcelaine


j’invite à la rescousse des libellules
tous les étangs en décrue
les torrents défaits
et les nids coton des processionnaires
tous les défilés des communiantes
les fanfarons à rebours dans le tempo

une culotte d’églantines
et des fesses de renoncule


j’invite au colloque des grenouilles
tous les castrats des fabliaux
les castagnettes défaites
et les gourdes d’eau miraculeuse
tous les experts de bonnes manières
les gnafrons fiers de leurs biceps

un marcel à froufrous
et l’estomac en carton-pâte


j’invite à la première pluie de printemps
tous les papiers buvards bleus et roses
les becs de plume défaits
et les ratures liées en botte
tous les cageots d’herbes à senteurs
les marchandes de chagrin maigre

une voilette de carmélite
et une bouche de damnation

4 mars 2012