1440 minutes

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editions d'autre part

samedi 20 mars 2010

l'écheveau des mémoires

il faut parfois oser
défaire l'écheveau
des mémoires difformes

la tige de rhubarbe rongée sur le chemin de l'école
le coup de canif sur la rambarde
le vol des billes dans la poche d'un blouson
l'odeur des filles dans le couloir interdit

les petits chats noyés pour une paire de patins
le feu de sciure derrière la grange
la tête d'un petit veau sur le billot
le vélo torpédo tombé dans la vigne

le mercurochrome et le bleu de méthylène
la décongestine et la fleur de foin
les flocons d'avoine grillés et la soupe aux légumes
les ris et la cervelle du veau bouchoyé

il faut parfois oser
défaire l'écheveau
des mémoires inertes

le caillou dans la vitre de l'école
le vol du vin de messe à la sacristie
les cigarettes mendiées aux militaires
le goût du sang après une bagarre

le décolleté de la boulangère
le premier baiser volé à la voisine
la séance de cinéma aux semblants de caresses
les histoires de garçons fantasmant sur les filles

les mensonges pour le confessionnal
les stratégies de triche et les punitions collectives
les regards douteux des frères marianistes
la gifle injuste et le poids de la honte

il faut parfois oser
défaire l'écheveau
des mémoires infâmes

le motocycle emprunté sur le chemin de campagne
les photos découpées dans le dico de grand-père
les jurons écrits au crayon sur les livres de messe
la resquille du tramway à la ville voisine

l'argent de la resquille pour acheter Baudelaire
les fioles d'alcool de menthe à l'automate de la gare
le premier tétin frôlé sous les abricotiers
un émoi pour de vrai sur une photo sépia

le premier bal et la première cuite
les taches de cinzano sur le pull-over
le premier slow aux senteurs de laque et de bière
le sourire gêné le lendemain à l'église

il faut parfois oser
défaire l'écheveau
des mémoires imparfaites

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

20 mars 2010

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