1440 minutes

1440 minutes
editions d'autre part

jeudi 3 novembre 2011

je perds trop de temps

je perds trop de temps alors que devant moi
dans le silence et l’exil
se bataille la naissance des arbres
se querelle le repas des pics et des pies

je perds trop de temps
le ciel de ce matin est cramoisi orange
les mélèzes sur l’alpe ont allumé leurs néons

j’attrape les mots sur un échafaudage
dans la fosse du garagiste
sur l’échelle du peintre
j’avoue voler les mots aux géographes
aux bouchers aux séminaristes
j’attrape des mots comme un virus
comme une rumeur comme un mot d’ordre


je perds trop de temps
alors que devant moi
dans la terreur et le froid
s’absente le dernier papillon
s’assomme l’oiseau contre la vitre
son vol évadé dans une cervelle éteinte

je mange trop de temps
j’avale du temps
l’écureuil de mon jardin s’enivre de noisettes
le ciel de ce matin est une insulte aux peintres
les étourneaux pillards fientent un millésime
 
j’attrape des mots dans la sacoche du facteur
sur l’antenne de la télévision
sur l’étendage de la gitane
j’ai volé bien sûr les phrases aux sourds-muets
aux aphasiques
aux absents et aux interdits
j’attrape des mots comme un maladie honteuse
comme une tuberculose comme une lèpre


je perds trop de temps
alors que devant moi
dans le morne et le repos
s’énerve un rouge-gorge dérangé
s’escrime une sitelle à retourner le monde
 
je bouffe trop de temps
je recrache du temps
le ciel de ce matin est une corde à nœuds
est une descente en rappel
les bouquetins jouent à faire dévaler des pierres
 
j’attrape les mots le long des pistes de renards
comme des œufs au nid
comme les vendanges à la rapine
je volerai sans doute les mots de la rue
des chambres de bonnes
des laveries et des marchés aux primeurs
j’attrape des mots au cardiogramme affolé
à l’ingénieur du son
à la tour de contrôle
 

j’attrape des mots au poirier centenaire
au fanal sur le sentier
au cheval du poète

3 novembre 2011


Aucun commentaire: