1440 minutes

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editions d'autre part

mardi 29 juillet 2014

loupe à autopsie


 
c’est une loupe pour autopsier les furoncles du cheval
c’est une loupe pour que la patte de la grenouille soit un fémur de bœuf
c’est une loupe pour démanteler la mécanique du chagrin
c’est une loupe pour magnifier le buvard épistolier
 
pianiste au pouce tranché
violoniste édentée
tuba qui s’épile les pistons
tambour qui crève ses cloques
 
on dépiaute la rancœur sur le plot du boucher
on débouche la dame-jeanne pour le deuil des primevères
on colorie la patenôtre avec un crayon de rimmel
on délace le corset de la prêtresse vierge
 
échardes dans les draps de satin
éclats d’ardoises sur la tartine au miel
chiures de mouches dans la soupe d’ortie
grêlons de juillet sur la moisson retardée
 
voyage dans le pourpre
aller-retour sur le perron
sieste dans un bidon de bleu
train de nuit dans la boite à lettres
 
la loupe regarde de travers le propriétaire du miroir
j’épouserai l’horlogère qui a une trotteuse sous sa jupe

dimanche 20 juillet 2014

orage désœuvré


c’est un orage désœuvré à l’ouest des collines
c’est un orage abasourdi par les orgues de la passion
c’est un orage esseulé prisonnier de la moraine
c’est un orage racorni grignoté par la colère
 
éboulis de caillasses et de troncs
cormorans qui se renfrognent
cortège de boues et de ferrailles
volailles qui s’essoufflent
 
on ferme les volets pour ne pas laisser entrer la peur
on souffle les bougies pour endormir les ombres
on accroche les rideaux au vent pour dénuder les fantômes
on attache le bétail au phare du jardin
 
les frênes s’en vont chez le couturier du carnaval
les noisetiers s’agenouillent devant le rosaire électrique
les genévriers se piquent au poison du scorpion
le cyprès fait un doigt d’honneur au paratonnerre amoureux
 
jachère incendiée
avoines violées
noyers résignés
figuiers fusillés
 
l’orage défiguré au démonte-pneu sur le belvédère
j’épouserai la météorologue nue dans la tempête

jeudi 17 juillet 2014

amérique dénaturée


c’est une amérique dénaturée par le ressac du bien
c’est une amérique en déroute dans les âmes désertées
c’est une amérique encapuchonnée dans les champs de coton
c’est une amérique en loques sur le radeau du péché
 
balbuzard grinçant de rouille
pélican mafieux trempé dans le minium
vanneau huppé encagoulé de Ku Klux Klan
sarcelle endormie sur l’étang amnésique
 
on descend des fleuves du nord sur des troncs de conifères
on traverse des lacs gelés sur des chariots à vent
on cherche l’or dans les yeux des renards et le corsage des danseuses
on chahute le troupeau de rennes pour l’arrivée de Jésus
 
la phrase stérile dans le nid des contraintes
le petit mot d’adieu collé au judas de la porte
l’explication malpropre des doigts trempés dans la fange
le bon de sortie définitif de l’hôpital du rire
 
pays des rancunes
terre d’accueil pour les confettis
ville de croquemorts soudainement riches
quartier d’industries de cordes à nœuds
 
amérique violentée par des prédateurs aveugles
j’épouserai la femme du bourreau juste le temps d’une messe

samedi 12 juillet 2014

véhicule essoufflé


c’est un véhicule essoufflé à l’arrêt sur la voie lactée
c’est un véhicule de pain de mie accroché à la meule de pierre
c’est un véhicule façon spoutnik sur la parking de l’hôpital
c’est un véhicule amarré à l’aile du moulin
 
noyau de pêche dans la théière
graines de lin dans la poche revolver
poussières de pollen sur la soucoupe
gravier de basalte dans la mémoire
 
on greffe une alliance sur le mutisme des titans
on relave un sacrement sur la planche de salut
on enterre une colère dans les marais salants
on harponne un lendemain dans la couche d’un géant
 
danse négociée à la foudre
caresse effrontée sur la croupe
ballade arrachée au code civil
geste de paix sur la piste d’envol
 
locomotion au rythme du sang dans l’aorte
avancée dans les replis de la robe
regard soudoyé par les courbes et les creux
aspiration vers l’apnée du vertige
 
véhicule fumant de machineries et de désirs
j’épouserai la spationaute sur l’orbite de Vénus

jeudi 10 juillet 2014

jour sans culottes


c’est un jour sans culottes, sans effroi ni pensée sauvage
c’est un jour sans culottes dans les bas-fonds de la maraiche
c’est un jour sans culottes dans la moiteur des fenaisons
c’est un jour sans culottes, sans œillères ni regret avorté
 
houppelande des salutations païennes
charivari des révérences effrontées
menuet des trahisons dogmatiques
chasuble des célébrations parjures
 
on descend dans la fosse haranguer les mauvais morts
on arrose de pissat de chèvre les tombes renégates
on tricote des litanies d’injures salutaires
on baise sur la bouche le diagnostic inutile
 
un coucou congédié par défaut d’adresse
un oignon de tulipe rouge haché menu dans le bortsch
un mille-pattes condamné par la tétraplégie
un jus de coquelicot sur les lèvres de la défunte
 
jour sans culottes pour la reddition des innocentes
jour sans culottes devant la bannière blanche
jours sans culottes pour un vent de liberté
jour mis à nu devant l’arbre à palabres
 
le jour sans culottes face à l’essorage des amours
j’épouserai la mère manioc à la poitrine desséchée

vendredi 4 juillet 2014

l'heure agenouillée


c’est une heure en déréliction agenouillée dans la bourbe
c’est une heure tuméfiée sur le ring des promesses
c’est une heure consignée dans le casier des deuils noirs
c’est une heure aux chaînes de plomb sur le marché aux esclaves
 
liste des commissions pour accueillir l’été
liste des partitions confisquées au rossignol
liste des affaires à emporter au paradis
carnet d’adresses des saintetés trahies
 
porridge à la confiture d’abricot
rillettes de la truie veuve
quinoa aux fraises et au champagne
tomates farcies aux salicornes et aux oursins
 
on cueille sur la grève les amours échouées ainsi que les exils
on creuse une fosse pour les béquilles ainsi que pour le crochet du capitaine
on inscrit sur le lapiaz le chant du souvenir ainsi que celui du voyage
on met dans la culotte des femmes un os de seiche ainsi qu’un coquillage
 
heure à l’arrêt devant le miroir
heure délaissée en rupture de la ville
heure escamotée dans le gousset du juge
heure vendue à l’encan contre une poignée d’indulgences
 
l’heure du rendez-vous manqué avec la prière et la contrition
j’épouserai la renégate qui a souillé le tabernacle

mercredi 2 juillet 2014

la pilule dans la main


c’est une pilule pour maigrir dans le semainier d’un jour de jeûne
c’est une pilule abortive pour le bal du mardi gras
c’est une pilule contre les spasmes pour la jument tétraplégique
c’est une pilule qui endort les enfants dans le lit de l’ogresse
 
abricot meurtri par la pluie et le vent
cerise vérolée gobée par la grive
groseilles égrappées dans le corsage de l’amante
mirabelle ensanglantée dans la corbeille d’honneur
 
on fusille la cervelle condamnée d’un excès de sucre
on essore le poumon dans la centrifugeuse de juin
on dévisse le tendon dans l’escalier du lundi
on éviscère le sentiment dans la bassine des trahisons
 
ah ! la pilule qui guérit de l’hébétude
et celle, colorée, du premier matin de vacances
pilule qui fait arriver les trains à l’heure
pilule vermifuge dans l’eau du pédiluve
 
béquille pour le cervelet
prothèse pour l’adultère
bandage pour la canne blanche
cataplasme pour l’âme
 
la pilule dans la main du moribond ne ressuscite que le cafard
j’épouserai l’infirmière qui repose dans les glaïeuls