1440 minutes

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editions d'autre part

mercredi 28 avril 2010

l'ambulance s'est tirée

l'ambulance s'est tirée
sur des chemins de tendresse
elle franchit
affranchie
des thromboses de péage
et des aphasies de lune

des infirmiers jouent au docteur
sur des alèses aseptisées
dehors le préposé aux fleurs
justifie des plates-bandes des massifs
et des pinèdes en copeaux

l'ambulance en grille une
sur la piste aux étoiles
elle franchit
affranchie
des corridors de bronches
et des sutures de volcans

des infirmières jouent au magasin
avec des neuroleptiques et des pansements
dehors le préposé aux jets d'eau
accuse des fontaines des rigoles
et des goutte-à-goutte de sirop

l'ambulance est en salle d'attente
sur le tarmac du sommeil
elle franchit
affranchie
des barricades d'acétone
et des cheminées d'éther

des anesthésistes jouent à cache-cache
derrière les rayons ixes
dehors le préposé aux bicyclettes
déborde son rayon sa sacoche
et ses dérailleurs de conscience

l'ambulance se vidange
sur des grilles de mot-mystère
elle franchit
affranchie
des routes de sucs gastriques
et des fausse-route de vent

des nettoyeuses jouent à colin-maillard
avec des scalpels et des sacs de plasma
dehors le préposé aux papiers
conserve des ordonnances des tickets de bus
et des brouillons d'avis de décès

l'ambulance est en panne
sur le cran d'arrêt d'urgence
elle franchit
affranchie
des scanners de prothèses
et des perfusions météores

des aumôniers jouent au fantôme
dans l'antichambre des vases à fleurs
dehors le préposé à rien
fume des mégots de vide des moments d'absence
et des casse-pipe crématoires

l'ambulance s'est tirée
avec la chirurgienne et le comptable
elle franchit
affranchie
des anévrismes hilares
des chutes et des rechutes
des chutes et des rechutes
des chutes et des silences

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

28 avril 2010

dimanche 25 avril 2010

une abeille soûle

une abeille soûle de pissenlit
rote sur le bord de la fontaine
je t'aime je t'aime
une abeille soûle de pissenlit
rote sur la margelle du puits
je t'aime je t'aime

écrire sous un poirier en fleurs
et se méfier du temps qui passe
le malheur est un escargot
il a le poids de sa maison
on le voudrait dans le lointain
il est assis dans nos pantoufles
il se repaît des habitudes
et vous fait des dimanches gris
il se suffit à son plaisir
et ne redoute que la tendresse
il couche dans les heures perdues
il est présent à chaque instant

une abeille soûle de pissenlit
rote sur le bord de la fontaine
je t'aime je t'aime
une abeille soûle de pissenlit
rote sur la margelle du puits
je t'aime je t'aime

écrire sous un poirier en fleurs
et se méfier du temps passé
le bonheur est un escargot
il a le poids de sa maison
on le voudrait plus aérien
il est d'humeur plus terre-à-terre
il prend son pied dans les salades
et ne craint pas jamais les nuages
il se suffit à son plaisir
et n'a que faire des promesses
il se moque des heures perdues
il n'est présent que dans l'instant

une abeille soûle de pissenlit
rote sur le bord de la fontaine
je t'aime je t'aime
une abeille soûle de pissenlit
rote sur la margelle du puits
je t'aime je t'aime

sans gêne ni rapière

25 avril 2010

elle a promis

la poussière est enfin retombée
la fin du monde est reportée
les bus ont repris leur ronde
l'épicière lave son trottoir
la radio joue une marche militaire

une adolescente soldate
fredonne devant un brasero
en joue! feu!
on joue au feu
au feu! on joue
le feu aux joues

son lieutenant a de beaux yeux
et des mains si douces
il aime l'odeur du sang
elle aime le goût de sa peau
s'il gagne cette guerre
elle a promis de l'épouser

songe en couleurs
ou rêve en noir et blanc
on pleurera bien quelques larmes
sur la mort d'un cheval
ou celle d'un enfant
songe en couleurs
ou rêve en noir et noir


la pluie a enfin cessé de tomber
la fin du monde est reportée
on peut retraverser le pont
l'épicière vend de l'eau en bouteilles
la radio joue une danse tropicale

une adolescente soldate
chante la révolution
en joue! feu!
on joue au feu
au feu! on joue
le feu aux joues

son capitaine a des yeux d'acier
et des muscles de pierre
il aime l'odeur de la mitraille
elle aime la chaleur de son ventre
s'il réussit son carnage
elle lui a promis un enfant

songe en couleurs
ou rêve en noir et blanc
on pleurera bien quelques larmes
sur la mort d'une mule
ou celle d'une vieille femme
songe en couleurs
ou rêve en noir et noir


le vent est enfin tombé
la fin du monde est reportée
le bimoteur est en bout de piste
l'épicière vend du pain frais et des journaux
la radio diffuse un communiqué

l'adolescente secouriste
apprend une rengaine locale
en joue! feu!
on joue au feu
au feu! on joue
le feu aux joues

son boss a les yeux rougis
et la peau qui transpire
il aime l'odeur du dispensaire
elle aime les veines de son cou
s'il franchit ce désastre
elle a promis de partager sa couche

songe en couleurs
ou rêve en noir et blanc
on pleurera bien quelques larmes
sur la mort d'un onagre
ou celle d'une soldate adolescente
songe en couleurs
ou rêve en noir et noir

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman
25 avril 2010

samedi 24 avril 2010

dans le fleuve

ce soir je vais marcher
le long du fleuve

la ville est si bavarde
la vie est si blafarde
mon cinéma est muet
soda tiède et popcorn
la bobine est cassée
et j'ai tué la licorne
la ville est si bavarde
ma vie est si blafarde

ce soir je vais m'asseoir
au bord du fleuve

la ville est si hautaine
la vie est si lointaine
la terrasse est fermée
les amis sont partis
le silence est armé
l'amour est en charpie
la ville est si hautaine
ma vie est si lointaine

ce soir je vais nager
dans l'eau du fleuve

la ville est si pocharde
la vie est si clocharde
la chope est renversée
le fût de bière est vide
la fille s'est envolée
j'ai une nouvelle ride
la ville est si pocharde
ma vie est si clocharde

ce soir je vais m'jeter
dans l'eau du fleuve

la ville est sibérienne
la vie est tell'ment chienne
l'amour est emballé
dans son carton d'lessive
il est bien ficelé
au mât de la dérive
la ville est sibérienne
ma vie est tell'ment chienne

ce soir je vais m'jeter
dans l'eau du fleuve

24 avril 2010

vendredi 23 avril 2010

à la prochaine migration

à la prochaine migration
il n'y a plus de correspondance

un satellite fusillé
a quitté son orbite
il s'est agenouillé
sur un village tchétchène
les composteuses du métro
ont verrouillé les tourniquets

quel est ton nom
et quel est ton pays
compris pas
travail où

à la prochaine migration
il n'y a plus de correspondance

un avion détourné
a escamoté sa ligne
il s'est agenouillé
sur une montagne afghane
le chef de gare
a interdit l'accès aux quais

quel est ton nom
et quel est ton pays
compris pas
manger où

à la prochaine migration
il n'y a plus de correspondance

un container à double fond
a changé de camion
il s'est agenouillé
sur un désert mexicain
la police privée
a bloqué la gare routière

quel est ton nom
et quel est ton pays
compris pas
dormir où

à la prochaine migration
il n'y a plus de correspondance

un rafiot de pêche
s'est trompé de sardines
il s'est agenouillé
sur les côtes italiennes
les gars de la marine
ont torpillé le port

quel est ton nom
et quel est ton pays
compris pas
partir où

à la prochaine migration
il n'y a plus de correspondance

le berger sur le col
a changé ses moutons
il s'est agenouillé
devant la chapelle alpine
le garde-frontière
a fermé le vallon

quel est ton nom
et quel est ton pays
compris pas
mourir où

à la dernière migration
il n'y a jamais de correspondance

quel est ton nom
et quel est ton pays
compris pas
mourir où

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

23 avril 2010

mercredi 21 avril 2010

la gazette n'en dira rien

la gazette n'en dira rien
le chroniqueur parlera du temps
et la conteuse remâchera son fabliau

les caméras de la place de la gare
traquent des détrousseurs de vie
des brutes et des loubards
et des malfrats de douze ans

les caméras de la place de la gare
enregistrent la cohue
les grappes
et les solitudes

les caméras de la place de la gare
savent les rencontres
les destins
et les errances

la gazette n'en dira rien
le chroniqueur parlera du temps
et la conteuse remâchera son fabliau

le policier derrière son écran de contrôle
tresse des rencontres
des destins
et des errances

le policier derrière son écran de contrôle
observe et note
des dates et des gestes
des habits et des regards

le policier derrière son écran de contrôle
est un chasseur d'histoires
un prédateur des cœurs
un kidnappeur d'idylles

son cerveau est vrillé
son attention est harponnée
son écran l'a englouti

jour après jour il a repéré une femme
il l'a épiée, regardée, examinée
il connaît tous ses manteaux
ses chaussures et sacs à main
il sait tous ses rhumes et coups de soleil
il a noté la poitrine fière ou fatiguée
la longueur des robes
et l'ourlet des jupons
il a frémi à l'accroche
des hanches et des fesses
il a blêmi sous la tension des regards
il a rougi devant les sourires

jour après jour
il l'a épiée, regardée, examinée
il l'a réinventée
il a réécrit sa vie
il l'a faite sienne de toute éternité

la gazette n'en dira rien
le chroniqueur parlera du temps
et la conteuse remâchera son fabliau

un policier a quitté son poste de travail
derrière l'écran de contrôle
il a emporté des enregistrements
des caméras de la place de la gare

une femme manque sur les images
des caméras de la place de la gare

la concierge du commissariat
a déchiré deux avis de disparition

la gazette n'en saura rien
le chroniqueur parlera du temps
et la conteuse remâchera son fabliau

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

21 avril 2010

mardi 13 avril 2010

costume de scène

dans son costume de scène
le travesti
est un vautour malingre
au bas de son cou trop long
un boa de plumes fauves
des hanches à l'à-peu-près
et des bottes de docker

quinine et tabac blond
des interdits payés en liasse
zippo zapping
zippo zapping
quinine et tabac blond
des interdits payés en liasse

dans son costume de scène
le travesti
est un lièvre phtisique
son boléro aux manches trop longues
cachent des veines en charpie
ses boutons de manchette
sont un mauvais herpès

pur malt et cigarillo
des interdits pris dans la nasse
travelo travelling
travelo travelling
pur malt et cigarillo
des interdits pris dans la nasse

dans son costume de scène
le travesti
est un girafon rachitique
en haut de ses jambes trop longues
un ceinturon en fer-blanc
comme une boîte aux lettres
pliée sur du courrier déchu

picon et tabac gris
des interdits fourgués en masse
loupo looping
loupo looping
picon et tabac gris
des interdits fourgués en masse

dans son costume de scène
le travesti
est un hippocampe hémiplégique
sous des faux-cils trop longs
des yeux globuleux sans vie
le lacrymal toxique
de haine et de dégoût

saké et cocaïne
des interdits passés à la casse
travelo travelling
travelo travelling
saké et cocaïne
des interdits passés à la casse

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

13 avril 2010

dimanche 11 avril 2010

bouquet

la bise tombe
le froid hésite
dernier givre
une œillade
un pas vers un carré de soleil
l'épaule se dénude
dentelle de perse
perse perse
perce-neige

le talus se réveille
la terre frémit
premier temps
un sourire
un pied sur une pierre froide
la nuque se délie
robette en prime
prime prime
primevère

la colline fait le gros dos
la brise dessèche
derniers flocons
une invite
des bras qui s'ouvrent
corsage de satin
un doux geste de mime
mime mime
mimosa

le pin craque
montée de sève
premier criquet
un entrechat
un seul tour de valse
la robe à même la peau
comme un soleil de pâques
pâques pâques
pâquerette

la rue est un lézard
la chaleur monte du bitume
dernier dégel
une caresse
un repli sous les arbres
un baiser dans le cou
je serai ton amant
amant amant
amandier

le soleil cogne à ta porte
un merle crie à l'incendie
première sueur
les bouches se mélangent
les cœurs en apnée
on ne fait plus un pas
un pas un pas
impatiens

les persiennes font rempart
les mains à l'aventure
dernière gêne
la chanson des tissus
le murmure des peaux
carré blanc sur ces vers
vers vers
verveine

un brûlot de caresses
le désir crépite
première lave
une mêlée
l'oxygène s'absente
le plaisir embrase les peaux
nos peaux qui font la paire
paire paire
pervenche

sans gêne ni rapière

11 avril 2010

jeudi 8 avril 2010

le mendiant tire sa révérence

ça sent la sueur de l'ennui
sur la place des fêtes

la ville est en retard
sur l'horaire des sourires
l'avenue des impôts
mène à l'hôtel de police
le square de l'égalité
verdit derrière les grilles
le mendiant gratte ses croûtes
devant la pharmacie

ça sent la corrida
à l'administration centrale

la ville est en avance
pour le bal des caméras
l'impasse de l'aide sociale
est un bassin de décantation
le giratoire de l'avenir
est fermé pour travaux
le mendiant met son écuelle
devant l'horodateur

ça sent l'huile de friture
devant le palais du tribunal

la ville est en retard
pour l'ascenseur social
le boulevard de l'indifférence
est bordée de noyers
le pré de la justice
est un jardin d'orties
le mendiant a cassé son aiguille
dessous la grande horloge

ça sent le détergent
dans les arrêtés urgents

la ville est en avance
sur les bonnes statistiques
le chemin de croissance
est un tout-à-l'égout
le parc des banco mats
a fermé le carrousel
le mendiant tire sa révérence
sur le cheval à bascule

ça sent la résignation
sous le couvert des abribus

ça sent la résignation
dans la cour de l'école
ça sent la résignation
au bureau de l'emploi
ça sent la résignation
dans les cabines d'essayage
ça sent la résignation
dans les couloirs de la folie

ça sent la résignation
sous le couvert des abribus

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

8 avril 2010

dimanche 4 avril 2010

la terre fermente

derrière la haie moribonde
un couple de rouge-gorge
chasse l'intrus et le froid
la terre fermente
un chant ancien remonte le ruisseau
appelle à la danse

derrière l'inquiétude
une envie d'abandon

derrière le rideau de frênes
un quarteron de pies
se dispute un bout de pré et le noyer
la terre fermente
un roulement de tambour remonte le vallon
appelle aux travaux

derrière la peine
une envie d'abandon

derrière la colline de vignes
une patrouille de freux
déchire le ciel et le silence
la terre fermente
un air de fanfare remonte les remparts
appelle à la fête

derrière le scrupule
une envie d'abandon

derrière la forêt bleu sombre
un clan d'épeiches
quadrille le territoire et l'après-midi
la terre fermente
des rires remontent le sentier
appellent à la libation

derrière le trouble
une envie d'abandon

derrière le potager
une paire de rouge-queue
jalouse le cognassier et le carré de trèfle
la terre fermente
un carillon remonte le village
appelle au recueillement

derrière l'alarme
une envie d'abandon

derrière la vitre
une robe noire sur son cintre
observe le monde et les débordements
la terre fermente
un chant nouveau envahit la chambre
appelle à l'accouplement

derrière la tension
une envie d'abandon
derrière la tension
un désir d'abandon

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman