1440 minutes

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editions d'autre part

samedi 31 octobre 2009

sur les trottoirs

sur les trottoirs des défaites
des silhouettes dessinées à la craie
est-ce un massacre
est-ce un décor
petite marelle
petite musique de clarinette
avenue du paradis
l'urgentiste est pantois
l'inspecteur est perplexe
les blessés ont fui
les cadavres ont disparu
quelqu'un a pourtant tracé ces contours
qu'est devenu l'unijambiste

sur les trottoirs des migrations
des valises des remorques et des chaises à porteurs
est-ce un exode
est-ce un décor
une barrière de police
un roulement de tambour
impasse de l'espérance
le vigile est confus
le commissaire est confit
les passeurs ont fui
les arrivants ont disparu
quelqu'un a pourtant brûlé des passeports
qu'est devenu l'unijambiste

sur les trottoirs des misères
des cabas des caddies et des cadets roussel
est-ce un marché
est-ce un décor
une caisse enregistreuse
une musique d'ambiance
boulevard des vitrines
la caissière a les nerfs
le policier a le bourdon
les mendiants ont fui
les loubards ont disparu
quelqu'un a pourtant sonné l'alarme
qu'est devenu l'unijambiste

sur les trottoirs des guerres civiles
des barricades des incendies et des carmagnoles
est-ce une bataille
est-ce un décor
un jet de grenade
une sonnerie de clairon
promenade des brancards
le snipper est soulard
le commandant est junkie
les civils ont fui
les secours ont disparu
quelqu'un a pourtant donné l'assaut
qu'est devenu l'unijambiste

sur les trottoirs des insurrections
des chansons des fourches et des spartacus
est-ce une épopée
est-ce un décor
des bâtons de dynamite
le chant des cerises
escalier des tortures
l'ingénieur est docile
le juge est soumis
le droit a fui
le drapeau a disparu
quelqu'un a pourtant parlé démocratie
qu'est devenu l'unijambiste

sur les trottoirs des sépultures
une bruyère un mémorial un apatride
est-ce un abandon
est-ce un décor
de l'eau bénite et de l'encens
un requiem tragique
quai des hommages
le servant de messe est hagard
l'évêque est ailleurs
la compassion a fui
le pardon a disparu
quelqu'un a pourtant délivré promesse
qu'est devenu l'unijambiste

quelqu'un a pourtant donné un ex-voto
qu'est devenu l'unijambiste
quelqu'un a pourtant muré la porte de l'église
qu'est devenu l'unijambiste

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

31 octobre 2009

mercredi 28 octobre 2009

de deuil d'air et d'eau

un rapace vole haut dans le ciel
tout est rouge et fauve
tout est roux et feu

la chasse ah la chasse
un mouvement un reflet
la faim ah la faim
un mouvement une ombre

un campagnol visite le talus
tout est rouge et sucre
tout est roux et miel

cueillir ah cueillir
une graine une baie
ronger ah ronger
une tige une racine

chacun prend sa lumière et sa chaleur
chacun donne son ventre et son cou
chacun pose son arme et son casque
chacun vit le danger et la quiétude

un homme s'est mis à chanter
devant la petite chapelle
une chanson grecque

de deuil
d'air et d'eau

tout est azur et vif
tout est cobalt et froid

chacun prend son envol
chacun donne sa folie
chacun dépose sa douleur
chacun vit de deuil

de deuil
d'air tout est azur
d'eau tout est cobalt

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

28 octobre 2009

dimanche 18 octobre 2009

octobre m'a mis en joue

octobre
m'a mis en joue
de beige et marron

du givre
sur la prairie
meurt la capucine

lumière
à ras les rocs
ombres et menaces

octobre
m'a fusillé
d'ocre et de carmin

l'air a pris
de l'épaisseur
drames et mystères

les vignes
rendent leur jus
d'ivresse de folie

octobre
m'a mis en joue
grenade et bordeaux

fumée bleue
sur la forêt
pins incendiés

un renard
gobe les œufs
bat la poule en neige

octobre
m'a fusillé
en mauve et violet

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

18 octobre 2009

samedi 17 octobre 2009

comment renouer la vie

qu'est-ce qui se passe
après le dernier applaudissement
quand le chanteur rejoint sa loge
et que la salle est allumée

on a goûté au sublime
on est touché à l'intime
comment réapparaître
et comment renouer la vie

les mots redeviennent des mots
ou des borborygmes

qu'est-ce qui se passe
après la dernière image sur l'écran
quand sur le générique passent des ombres
et que la salle est allumée

on a goûté au sublime
on est touché à l'intime
comment rejoindre la surface
et comment renouer la vie

on se met à beugler devant la caverne

qu'est-ce qui se passe
après le dernier accord
quand les musiciens quittent la scène
que les instruments se taisent de la musique d'avant
et que la salle est allumée

on a goûté au sublime
on est touché à l'intime
comment reprendre souffle
et comment renouer la vie

on se brise les écailles sur les cailloux de la berge

qu'est-ce qui se passe
quand le peintre pose son couteau
et se détourne du tableau
quand la palette s'endort de térébenthine

il a goûté au sublime
il a touché à l'intime
comment renaître
et comment renouer la vie

on parle le lézard sur les trottoirs de la ville

et puis ne pas renaître
devant ce si grand tableau
quel tintamarre
sur le chemin des remparts

quand le dernier neurone
éclate de rouge
et disparait de noir
qu'est-ce qui se passe

quand la dernière connexion
surchauffe d'argent
et crame d'anthracite
qu'est-ce qui se passe

ô cette ultime fureur de peindre
cette immense présence de ciel
et cette coulure vermillon sur les rochers

qu'est-ce qui se passe

et quelle odeur de souffre et d'ammoniaque

comment renouer la vie
comment

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

écrit devant le Concert de Nicolas de Staël
Antibes 15 octobre 2009

vendredi 9 octobre 2009

alors t'aimer

le vent qui pousse le mauvais temps
barbouille sa gueule au brou de noix
je frémis sous la chemise
et rumine de méchante bruine

le feu dans la grange et du caillou dans le poumon
j'étouffe une illusion
et jette au ciel un faisceau de grimaces

le sombre prend pouvoir

alors aimer
aimer à l'arrache-clou
alors t'aimer
t'aimer à la tenaille

le soir qui s'avance
maquille sa gueule à la suie
je tremble sous le chandail
et macère de mauvaise sueur

la grêle dans les avoines et une brûlure dans les reins
j'étrangle un souhait
et jette au ciel des pétards de vigne

l'angoisse prend pouvoir

alors aimer
aimer au fer à décaper
alors t'aimer
t'aimer à la soude

la nuit qui est là
mâchure sa gueule à l'asphalte
je frissonne sous le paletot
et distille une humeur vive

la pourriture dans le fromage et de l'urée dans le sang
je noie une espérance
et jette au ciel une écuelle de larmes

l'effroi prend pouvoir

alors aimer
aimer à la varlope
alors t'aimer
t'aimer à la gouge

et te lustrer à la toile émeri

sans gêne ni rapière

9 octobre 2009

lundi 5 octobre 2009

waldhôtel

la vallée file vers le sud
cul-de-sac
qui s'arrête devant une muraille de rocs et de glaces

dans les belles années du tourisme alpin
ils avaient construit un hôtel
de luxe et de sérénité
électricité et eau à tous les étages
la calèche amenait
des familles anglaises qui cherchaient
du roc nouveau et de l'herbier rare
d'énamourées allemandes qui réclamaient
du poitrail rupestre et du mollet paysan
des cantatrices italiennes qui soignaient
leur voix de tisanes et d'oxygène

quelques pas dans la neige
du feu dans l'âtre
un bol de lait chaud au miel et aux herbes
une randonnée dans les nuages
du fromage fondu sur du pain
une friction d'alcool de gentiane
une sieste sur la terrasse sud
le rire des casse-noix
et du pain de poires séchées

les touristes riches ont conquis de nouveaux territoires
les paysans sont descendus à la ville
travaillent dans la chimie et l'énergie
les anglaises cultivent l'orchidée dans de châteaux d'asie
les allemandes frottent leur peau à des poitrails basanés
les italiennes chantent au piano-bar des casinos

le waldhôtel a perdu son charme et son confort
il n'y a qu'un wc par étage
la douche est commune et le lavabo de caserne
l'eau tiède geint dans le radiateur
le plancher grince et la fenêtre ferme mal
l'épilobe et la ronce ont envahi le jardin


la vallée file vers le sud
cul-de-sac
qui s'arrête devant une muraille de rocs et de glaces


le waldhôtel a fermé
sombré dans l'oubli


SHQH TAR
SIH MEHMET KISNEHT
KNRTDERLI
MARASLILAR
AKSIL SPERLII

l'administration en a fait un foyer de requérants d'asile

quelque part dans un fichier central
une liste exhaustive de noms et prénoms
âges approximatifs et nationalités identifiées

destins sri-lankais, kurdes ou kosovars
météores nigérians, somalis ou afghans

le pays a encore verrouillé ses frontières
la quête de l'asile
cul-de-sac
qui s'arrête devant une muraille de rocs et de glaces

le waldhôtel n'est plus un foyer
un bûcheron batave et sa femme en ont fait une pension de montagne
havre pittoresque où flottent encore les fantômes
des anglaises, allemandes ou italiennes

humer ces parfums de femmes
rêver du grain de leur peau
valser sur leurs chansons


SHQH TAR
SIH MEHMET KISNEHT
KNRTDERLI
MARASLILAR
AKSIL SPERLII

quelque part sur un fichier central
destins sri-lankais, kurdes ou kosovars
météores nigérians, somalis ou afghans

gravés à la hâte sur la porte de la chambre 301
quelques mots dans un alphabet nouveau et malhabile
la trace de destins de météores


SHQH TAR
SIH MEHMET KISNEHT
KNRTDERLI
MARASLILAR
AKSIL SPERLII

quelque part dans le fichier de l'homme
nous dira-t-on ce qu'ils sont devenus

la vallée file vers le sud
cul-de-sac
qui s'arrête devant une muraille de rocs et de glaces

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre


4 octobre 2009