1440 minutes

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editions d'autre part

samedi 28 mai 2016

lorsque je descends 7

lorsque je descends

les filins de l’outrage, couperets mensongers. Embuscades de fiel et d’immondices, ratonnades et complots, plages mémoires des envahissements, scrofules de l’âme, conscience purulente, je suis la haine et m’en délecte, pansements empoisonnés, plasma pourri, débâcle d’urée, bile noire

les lianes tressées de mauve vers l’examen de minuit, où les hyènes et les dingos pissent dans le fleuve, où l’antilope joue aux dés la panique et les olympiades de saut, où l’esturgeon dégaze une laitance Tchernobyl, où les miroirs condescendants sont jetés dans les gouffres inquisiteurs, où les chauves-souris bavent de l’incrédule

la corde de rappel des mémoires olfactives, marée qui sent un peu la moule cacochyme, l’huitre phtisique, le crabe pétomane, chemin des lisiers des cochons laineux et de purin charollais, fermentation des ruts de boucs, caleçons d’ivrogne, menstrues de nonne, œillet de poète qui sent la rime pourrie

lorsque je descends

          je participe à l’archéologie de la honte
          j’assiste à la germination du mépris
          j’assiste le conscrit au bizutage de l’alpe
          je marie le désespoir de la cerise à la girouette

lorsque je descends

le sentier du désert, où sèchent les fourrures de fennecs, les djellabas bleues et les mues des vipères à corne, où se réarment les papillons carnivores, où le typhus rampe après l’orage salé, où les outres se racontent des histoires de vins de miel et de chèvres sacrifiées

l’escalier de cave vers les conserves et les saumures, la choucroute et l’endive, le vin de la mariée et le fromage de l’enterrement, la piquette, le vinaigre, la madéré, le fusil militaire et le sac à pain, la confiture de couvent, le sucre candi et le costume du Père Noël

la trappe des travaux inconfortables, l’épandage des fumiers, le débroussaillage des ronces, le ravaudage des fûtaines, le décrottage de la marmaille le samedi dans le baquet de fer, la fabrication des saucisses, la confection des reposoirs de la Fête-Dieu, les chapelets des veillées funèbres, les répétitions de théâtre pour la mi-août dans les mayens

lorsque je descends

          je participe à la perpétuation des rites
          j’assiste à la révocation du dogme
          j’assiste la garde-malade lors du pèlerinage

          je marie l’alléluia à la fanfare de midi

mardi 24 mai 2016

lorsque je descends 6

lorsque je descends

la rue pavée d’étoiles et de dégueulis de parulines, où glissent les hôtesses de la bonne aventure, où se mirent les fauvettes de mai, où s’allongent parfois des ventres luxuriants, où les fouines jouent à la marchande avec des tuyaux de caoutchouc, où l’ivrogne pisse sa bière pour faire fleurir le réverbère

la dérupe des comètes refroidies de promesses malheureuses, quand la ravine charrie les chagrins et les écorchures, quand le géranium prend le car postal, quand le feu d’artifice sent la merde et le chou, quand la république fait sous elle, exténuée et no future

vers la place de demi-lune, relavée de frais par une voirie colorée et primesautière, décorée de lampions patriotiques désuets et trompeurs, article un, tout partira en fumée, dérobée au passage des tramways sauvages et mal peignés, claquemurée de panneaux de chantier annonçant l’ouverture prochaine d’un mouroir à côté du fleuriste

lorsque je descends

        je participe au petit-déjeûner des bêtes de boucherie
       j’assiste à l’équarrissage du service public
       j’assiste l’avocate-stagiaire à la rédaction d’une plaidoirie inaccessible
       je marie la tendresse au pied-de-grue

lorsque je descends

vers la sagesse apprivoisée de caresses et de bons mots, où le myosotis pardonne le coquelicot, où la feuille du calendrier sert de boutefeu à la folie, où le partage d’un fruit ou d’un baiser s’accroche au protocole, où la pharmacologie des insectes s’arroge le droit divin, où le dicton devient réclame

dans le trou du souffleur, patience des borborygmes et des onomatopées, dortoir des assassinats de cœur et de vengeances de cul, bouillon de culture des blancs, des noirs et des trous, cache à biffetons, réserve pour la gnôle, lupanar du taumaturge

dans le caniveau des infamies et des abandons, quand les landaus dégorgent leur trop-plein de pissats, quand les bidons de lait sèchent le ventre à l’air, quand les mamelles retrouvent la liberté et la joie des caresses, quand la culotte revient du bal trempée de sueur et de désir, quand le préservatif se demande s’il a bien fait

lorsque je descends

      je participe à l’émancipation des sauterelles
      j’assiste à l’autocritique des entomologistes            bolchéviques
      j’assiste la conférencière des atomes crochus
      je marie la quenouille au fil d’Ariane

dimanche 15 mai 2016

lorsque je descends 5

lorsque je descends

la marée de l’angélus, quand les embruns prennent le goût des sexes libérés, quand la prière des lactations fait jaillir la laitance des oursins, quand les algues font Nijinski dans les vagues, quand la vase joue à la vase pour détruire les châteaux

le ressac des pauvres, celui de la quête silencieuse, du croûton de pain frotté de sueur, de la friture à l’huile avariée, celui qui lave les pieds usés de trop de marches, celui qui dilue les menstrues libératrices, celui qui dissout les préservatifs usagés

les siphons entre les rochers noirs, repaire de poulpes, laverie des poissons translucides, dortoir de forbans et corsaires, lupanar des sirènes, confessionnal des tridents de Neptune, boite à lettres pour le courrier des femmes de marins, abreuvoir des veuves

lorsque je descends

je participe à l’évacuation des orques
j’assiste à l’accostement des dépucelages
j’assiste le chalutier dans sa tempête
je marie le poisson blanc au quartier de lune

lorsque je descends

la bosse des baleines à bosse, toboggan des absoutes, dérive vers les disparitions mesurées, trottoir des dislocations douloureuses, trouée vers le grand trou, réception des chutes libres des anges

la route interdite par le sextant, la mauvaise nuit de la vigie, la boussole soûle qui pleure, l’étoile qui danse fuyant la lune, la longitude dénudée par un trop-plein d’amour, le crochet du capitaine et la dent en or de la flibuste

dans la soute de la salle des machines, où ça claque, ça tire, ça grince, ça étincelle, où la pression des huiles surchauffées siffle la Symphonie du Nouveau Monde, où les machinistes s’accrochent aux poulies pour ne pas sombrer, où les manivelles et les leviers dansent avec la mort, où le repos est banni définitivement

lorsque je descends

je participe à la manœuvres des remorqueurs
j’assiste à l’échouage des tankers
j’assiste la moussaillonne dans son bain
je marie le chapelet de moules à la robe cardinale