1440 minutes

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editions d'autre part

dimanche 25 septembre 2016

la cavalcade est une furie


je devrais me dire que la cavalcade des juments de l’Oural est une furie inventée par le syndicat d’initiative, fenêtre ouverte sur l’Orient et charbonnade offerte par l’association des maîtres-bouchers

je devrais dire les échanges commerciaux et culturels par un don de couvertures militaires et les poèmes d’alpage recopiés en caractère cyrilliques

je dois me dire que la désalpe sous la pluie est prélude à la déprime des bergers et protocole de prévention contre les vols de fromages

je dois dire le mouchoir brodé de la bergère, gage d’amour envers le fils de l’équarrisseur

je me dis que l’économie du village tient grâce aux mariages arrangés entre la corporation animalière et les arrivants du tourisme, de la mafia, voire de l’exil

je dis la méfiance de la contamination des fourrages et l’interdiction des inséminations artificielles, la désinfection des wagons et la fouille des vétérinaires

je me, pédiluve et laboratoire d’analyses

je, trop longtemps j’ai renoncé au steak haché

mercredi 21 septembre 2016

la tierce grelotante


je devrais me dire que la tierce grelotante est tombée du violoncelle sur le tapis de prières, couche pour le chien endolori et belliqueux, silence du talon-aiguille devant l’Ave Maria

je devrais dire la partition divisée par le souffle des silences, la confusion de l’archet devant le digicode du conservatoire, coma éthylique ou mort imminente de la concierge

je dois me dire que la compotée de fruits d’automne moisit dans le thermos pour la journée de chantier, grève du tunnelier et cascade de roches blanches

je dois dire le sifflement agacé de la marmotte, occupée de transhumance et du carnet d’épargne pour les petits, détournement des eaux et pompage du silence

je me dis que le cheval gris de la Camargue peut bien donner son crin à la musique et son crottin aux roses trémières de la maison amarrée du gardian

je dis les vacances des torrents, les ponts sur les rivières et la retraite du barrage, absence du Rhône et disparition du glacier

je me, dérupe nécessaire et marée dans le baptistère

je, trop longtemps mon âme a chaviré dans le tourbillon

dimanche 18 septembre 2016

la cartouche est promise


je devrais me dire que la cartouche est réservée promise au déserteur des troupeaux endoloris par le fer rouge et les carrefours imbéciles, cautèles fourvoyées, aberration du coordinateur

je devrais dire la cartographie des falaises et des trous, les échappées vers la contrainte et le minimal arc-en-ciel au-dessus de la source

je dois me dire que le détonateur est volontairement égaré dans la poche du secouriste, lui-même abandonné dans la cabine d’essayage des défibrillateurs, envol du papillon azuré

je dois dire la course d’orientation à travers les rosiers et les herbes-à-coutures, sous le contrôle d’une crécerellette aux rémiges trop pâles et d’un épouvantail au chapeau mité

je me dis que la poudre noire est avant tout de la mine de crayon aux idées propagandistes d’un bonheur obligatoire et quantifié, le préposé aux poids et démesures assermenté par la pivoine

je dis le plan du trésor caché dans le buffet de cuisine, entre le bicarbonate de soude et la réserve de chocolat militaire, mémoire de la grand-mère qui a connu la guerre et la faim

je me, territoire occupé et chant résistant

je, trop longtemps j’ai maudit l’ingénieur des frontières

jeudi 15 septembre 2016

la cloche de midi est un rappel


je devrais me dire que la cloche de midi est un rappel de l’innocence des prairies de septembre, papillons goguenards et reines-des-prés veuves et sèches

je devrais dire la capsule de poison oubliée sur la table parmi les denrées et les factures obscènes

je dois me dire que le carillon du soir répète obséquieux les mauvaises heures du mal de dos et du cheval couvert de taons

je dois dire la pomme avariée et la grappe de raisins abandonnée de prières, qu’on a déposées lâchement sur la tombe d’un curé adultère

je me dis que le grelot de minuit est une vrille dans les vertèbres de l’amour pour l’infirme dans sa coquille

je dis l’ovulation dans le ventre de madame vampire dans les dortoirs chérubins

je me, fourmillement et délivrance

je, trop longtemps j’ai bu à la bouteille le verjus de la fantôme

dimanche 11 septembre 2016

la guêpe du béton est architecte


je devrais me dire que la guêpe du béton est un exemple de volonté architecte colonialiste, abnégation devant l’exclusion, certitude de la couleuvre et gesticulation de l’infirme

je devrais dire la démence du thermomètre et l’angoisse de la pinède devant l’incendie, la sieste du capricorne et le chant de la résine

je dois me dire que les insectes sont une formule mathématique différée de l’ennui et de la neuroscience, démangeaison du cortex et surchauffe du cervelet

je dois dire la sérénité du pivert devant la marquèterie de la chambre à coucher, le vin de noix sur la coiffeuse et la désillusion de la princesse

je me dis que l’algorythme des ailes d’un papillon éphémère est une insulte à l’éolienne, que la démultiplication de la roue dentée n’y pourra rien, vacarme du télégraphe et vaine endurance du don quichotte

je dis le désintérêt du dé à coudre devant la purge du barrage, la partition de l’inutile et le solo du triangle

je me, termite de musée et corridor effondré


je, trop longtemps j’ai jeûné devant la sauterelle

lundi 5 septembre 2016

la mule est trop grasse


je devrais me dire que la mule trop grasse ne fait pas de bonnes saucisses, que l’artichaut de montagne donne une liqueur aigre, et que la parole du charlatan est frelon et chardon

je devrais dire la culpabilité des enfants quand le vin de messe a pourri dans les gourdes de la promenade d’école

je dois me dire que le bélier sans corne est si malheureux dans son troupeau qu’il l’emmène sur la voie ferrée, trahison du berger et papier froissé dans la clochette

je dois dire le purgatoire des adolescentes dans les boutons de fièvre et les démangeaisons des mamelons

je me dis que la gélinotte gratte la pamoison dans les traces des bouquetins en rut et le névé de juillet, mélancolie de l’alpiniste et sourire de l’orchis

je dis le paradis des jeunes mariés dans le désordre du trousseau et l’ordonnance de la batterie de cuisine

je me, économie et consignation

je, trop longtemps j’ai dérangé le pierrier

dimanche 28 août 2016

les avoines sont parties prenantes


je devrais me dire que les avoines sont parties prenantes de la musique, quand le vent fait le tempo, quand la crécerelle chasse, bourdonnement du lucane et torpeur de la veuve

je devrais dire la symphonietta du retour d’âge, la harpe du désir, les vibrations des ovaires et la tension de la corde de l’arc

je dois me dire que les seigle est un chœur d’hommes païen et de service public chantant devant les portes de la ville, blatèrement de la chamelle et gloussement du berger amoureux

je dois dire le chant du muezzin devant le supermarché, parmi les emballages, les cendriers, les mendiants, le distributeur de préservatif défoncé par l’urgence

je me dis que le sainfoin est l’allié du percussionniste, sous la bise, sous la fourche, dans le char à foin des amoureuses, étonnement du criquet et essoufflement de l’adultère

je dis les grandes orgues du pardon et le carillon des espérances, le frottement des peaux et l’incendie de la croix des missions

je me, accotement du stupre et  fossé de pénitence

je, trop longtemps j’ai baisé des anges

dimanche 21 août 2016

le gratte-cul est un regret


je devrais me dire que le gratte-cul est le miroir du regret, de la facétie du regret, une imagerie de la mort qui se balance dans le vent, contrition du souffleur et mise en garde du rouge-gorge

je devrais dire le raidissement des épines, la rigueur des procurations et l’anéantissement des pétales, rosée recuite et vent mauvais

je dois me dire que l’argousier puise l’énergie dans la chanson des graviers, et la motivation dans le sel du limon, succès du sourcier et encouragement du héron

je dois dire l’effondrement de la digue sous le rabot du glacier et de l’épouvante, crainte du feu et soumission à la ravine

je me dis que le chardon est le dernier rempart contre la bourrasque, la griffe et l’abandon, le jardin du bohémien et la méditation de la mule

je dis le dernier lopin de maraiche avant le péage, l’abnégation de l’asperge sauvage et la sieste du faisan

je me, veillée d’armes et simagrées

je, trop longtemps j’ai cueilli des ombellifères

mardi 9 août 2016

les chiens errants dans la montagne


je devrais me dire que les chiens errants dans la montagne chassent le reproche et la revendication, témoignage du pèlerin blême et accusation de la vouivre sainte

je devrais dire la piste de sang de la biche en chaleurs, de l’ânesse en travail, de la cousette vierge

je dois me dire que le coyote aux os rafistolés ne court que dans mon âme, entre l’angélus désobligé et la veillée d’étoiles mortes

je dois dire le sabayon de larmes, d’œuf de poule faisane et de mirabelles, la soupe à la tomate verte et au nez rouge

je me dis que l’animal griffu qui guide ma conscience est un grand malin et un petit singe à la fois, fruit de la coutume et du désœuvrement

je dis les accoutrements disponibles pour les stratégies de fuite et de simulacre, chant du coucou et cri de la falaise

je me, filouterie et férocité

je, trop longtemps j’ai coupé les colliers

jeudi 4 août 2016

la caravane malheureuse


je devrais me dire que la caravane est malheureuse dans la plaine désertique, la halte n’est pas sûre, et sans eau, mauvais conseil du chamelier, mauvaise piste du fennec

je devrais dire les nuages pourpres, l’absence d’air, la théière cassée, feuille de menthe et fleur d’hibiscus

je dois me dire que la roulotte est inquiète dans l’éboulis du torrent, la nuit sera bancale, et sans soupe, gesticulation du berger, rassemblement de vipères

je dois dire les framboisiers sauvages de l’ubac parmi les chardons et les églantiers, sifflement de marmotte et fuite du lagopède

je me dis que la nuit à la belle étoile est vide de fantômes, et sans tisane, le génie de la forêt et les farfadets sonnent les heures sur les sonnailles, chant du parapentiste et celui du coq de gélinotte

je dis le grésil sur le toit de l’écurie d’alpage, la motte de beurre dans le bassin, et le petit lait pour le pâtre et le cochon

je me, essoufflement et myrtilles

je, trop longtemps j’ai compté les avalanches

mardi 2 août 2016

les deux balsanes de l'allant gauche


je devrais me dire que les deux balsanes à l’allant gauche de mon cheval font part de mon dédain pour les folles choses et les belles gens, jugement du taciturne et grogne de la blatte

je devrais dire le crottin qui sent le houblon fermenté et la poire surie, la herse qui se lamente des pierres du champ

je dois me dire que le toupet tressé fait plus Vaterland que cosaques du Don, que l’aventure est au bout du carré de sainfoin, promesse du ravi et rigolade du bousier

je dois dire le pain, le sel et la carotte pour soudoyer l’animal revêche et conquérant

je me dis que le sabot mal ferré est une arme redoutable contre les bonimenteurs calamiteux, menace du justicier et sentence du sphinx

je dis la graisse de marmotte pour apaiser la tendinite et le pétrole contre les taons

je me, galop du silence et coup de lune

je, trop longtemps j’ai bavé devant l’écuyère

lundi 1 août 2016

la renoncule qui ne s'assagit


je devrais me dire que renoncule ne s’assagit pas sous l’averse, erreur du jardinier et sauve-qui-peut de la couleuvre à collier

je devrais dire l’abnégation de la souche, rancœur du capricorne, senteur de l’humus et du sulfate de cuivre

je dois me dire que la pivoine est dépressive sous l’orage, désaveu de l’amoureuse et confusion de Pinocchio

je dois dire la faillite de la futaie, le rire de la foudre, l'odeur de la corne brûlée et du soufre

je me dis que la gaillarde est trop fière sous la rosée, orgueil de l’aquarelliste et ricanement du rouge-queue

je dis le renoncement de la racine le vendredi saint, désarroi du marguillier et silence du coq de saint Pierre

je me, litanie et fanfare

je, trop longtemps j’ai balbutié la forêt

dimanche 31 juillet 2016

la récolte sujette à caution


je devrais me dire que la récolte est sujette à caution, humeur de l’employée cap-verdienne et norme qualitative d’approximation

je devrais dire l’espièglerie des nuages, la frivolité des courses de l’ombre, l’obstination du basalte et de la vanesse

je dois me dire que la cueillette répond à la coutume, frayeur de la jeune pubère sur l’échelle et gesticulation des grands-pères

je dois dire la fuite de la brume, la bruine qui longe les bosquets, la luisance de l’ardoise et du machaon

je me dis que le chapardage est un réflexe mammifère, agilité des mères traquées et grogne du propriétaire

je dis la sueur de l’accomplissement du forfait, la lame de la coulpe sur la carotide, la fuite du sable et de la zygène

je me, dérupe et coup de sang

je, trop longtemps je me suis vautré dans la rapine

mercredi 27 juillet 2016

la chanson qui tourne court


je devrais me dire que la chanson a tourné court, qu’elle s’est cachée dans les vernes, traquant les adultères et les strangulations

je devrais dire la source tarie entre deux pierres de tuf, au désespoir de la fauvette et du martagon

je dois me dire que le chant relève d’une mécanique protocolaire spontanée, qu’il attend le déclic du piston et la fermeture de la pince

je dois dire la danse de la pluie un soir d’été, dansée par le héron et le millepertuis

je me dis que le poème est un petit voyou des vendredis maigres, qu’il ne dérobe que des lieux communs usés jusqu’au trognon

je dis la transpiration servant à torcher les mots obscènes et faconds véhiculant les grandes peurs du roitelet et de la renoncule

je me, turlupinade et garde-feu

je, trop longtemps je me suis tu de bonne heure

samedi 28 mai 2016

lorsque je descends 7

lorsque je descends

les filins de l’outrage, couperets mensongers. Embuscades de fiel et d’immondices, ratonnades et complots, plages mémoires des envahissements, scrofules de l’âme, conscience purulente, je suis la haine et m’en délecte, pansements empoisonnés, plasma pourri, débâcle d’urée, bile noire

les lianes tressées de mauve vers l’examen de minuit, où les hyènes et les dingos pissent dans le fleuve, où l’antilope joue aux dés la panique et les olympiades de saut, où l’esturgeon dégaze une laitance Tchernobyl, où les miroirs condescendants sont jetés dans les gouffres inquisiteurs, où les chauves-souris bavent de l’incrédule

la corde de rappel des mémoires olfactives, marée qui sent un peu la moule cacochyme, l’huitre phtisique, le crabe pétomane, chemin des lisiers des cochons laineux et de purin charollais, fermentation des ruts de boucs, caleçons d’ivrogne, menstrues de nonne, œillet de poète qui sent la rime pourrie

lorsque je descends

          je participe à l’archéologie de la honte
          j’assiste à la germination du mépris
          j’assiste le conscrit au bizutage de l’alpe
          je marie le désespoir de la cerise à la girouette

lorsque je descends

le sentier du désert, où sèchent les fourrures de fennecs, les djellabas bleues et les mues des vipères à corne, où se réarment les papillons carnivores, où le typhus rampe après l’orage salé, où les outres se racontent des histoires de vins de miel et de chèvres sacrifiées

l’escalier de cave vers les conserves et les saumures, la choucroute et l’endive, le vin de la mariée et le fromage de l’enterrement, la piquette, le vinaigre, la madéré, le fusil militaire et le sac à pain, la confiture de couvent, le sucre candi et le costume du Père Noël

la trappe des travaux inconfortables, l’épandage des fumiers, le débroussaillage des ronces, le ravaudage des fûtaines, le décrottage de la marmaille le samedi dans le baquet de fer, la fabrication des saucisses, la confection des reposoirs de la Fête-Dieu, les chapelets des veillées funèbres, les répétitions de théâtre pour la mi-août dans les mayens

lorsque je descends

          je participe à la perpétuation des rites
          j’assiste à la révocation du dogme
          j’assiste la garde-malade lors du pèlerinage

          je marie l’alléluia à la fanfare de midi

mardi 24 mai 2016

lorsque je descends 6

lorsque je descends

la rue pavée d’étoiles et de dégueulis de parulines, où glissent les hôtesses de la bonne aventure, où se mirent les fauvettes de mai, où s’allongent parfois des ventres luxuriants, où les fouines jouent à la marchande avec des tuyaux de caoutchouc, où l’ivrogne pisse sa bière pour faire fleurir le réverbère

la dérupe des comètes refroidies de promesses malheureuses, quand la ravine charrie les chagrins et les écorchures, quand le géranium prend le car postal, quand le feu d’artifice sent la merde et le chou, quand la république fait sous elle, exténuée et no future

vers la place de demi-lune, relavée de frais par une voirie colorée et primesautière, décorée de lampions patriotiques désuets et trompeurs, article un, tout partira en fumée, dérobée au passage des tramways sauvages et mal peignés, claquemurée de panneaux de chantier annonçant l’ouverture prochaine d’un mouroir à côté du fleuriste

lorsque je descends

        je participe au petit-déjeûner des bêtes de boucherie
       j’assiste à l’équarrissage du service public
       j’assiste l’avocate-stagiaire à la rédaction d’une plaidoirie inaccessible
       je marie la tendresse au pied-de-grue

lorsque je descends

vers la sagesse apprivoisée de caresses et de bons mots, où le myosotis pardonne le coquelicot, où la feuille du calendrier sert de boutefeu à la folie, où le partage d’un fruit ou d’un baiser s’accroche au protocole, où la pharmacologie des insectes s’arroge le droit divin, où le dicton devient réclame

dans le trou du souffleur, patience des borborygmes et des onomatopées, dortoir des assassinats de cœur et de vengeances de cul, bouillon de culture des blancs, des noirs et des trous, cache à biffetons, réserve pour la gnôle, lupanar du taumaturge

dans le caniveau des infamies et des abandons, quand les landaus dégorgent leur trop-plein de pissats, quand les bidons de lait sèchent le ventre à l’air, quand les mamelles retrouvent la liberté et la joie des caresses, quand la culotte revient du bal trempée de sueur et de désir, quand le préservatif se demande s’il a bien fait

lorsque je descends

      je participe à l’émancipation des sauterelles
      j’assiste à l’autocritique des entomologistes            bolchéviques
      j’assiste la conférencière des atomes crochus
      je marie la quenouille au fil d’Ariane

dimanche 15 mai 2016

lorsque je descends 5

lorsque je descends

la marée de l’angélus, quand les embruns prennent le goût des sexes libérés, quand la prière des lactations fait jaillir la laitance des oursins, quand les algues font Nijinski dans les vagues, quand la vase joue à la vase pour détruire les châteaux

le ressac des pauvres, celui de la quête silencieuse, du croûton de pain frotté de sueur, de la friture à l’huile avariée, celui qui lave les pieds usés de trop de marches, celui qui dilue les menstrues libératrices, celui qui dissout les préservatifs usagés

les siphons entre les rochers noirs, repaire de poulpes, laverie des poissons translucides, dortoir de forbans et corsaires, lupanar des sirènes, confessionnal des tridents de Neptune, boite à lettres pour le courrier des femmes de marins, abreuvoir des veuves

lorsque je descends

je participe à l’évacuation des orques
j’assiste à l’accostement des dépucelages
j’assiste le chalutier dans sa tempête
je marie le poisson blanc au quartier de lune

lorsque je descends

la bosse des baleines à bosse, toboggan des absoutes, dérive vers les disparitions mesurées, trottoir des dislocations douloureuses, trouée vers le grand trou, réception des chutes libres des anges

la route interdite par le sextant, la mauvaise nuit de la vigie, la boussole soûle qui pleure, l’étoile qui danse fuyant la lune, la longitude dénudée par un trop-plein d’amour, le crochet du capitaine et la dent en or de la flibuste

dans la soute de la salle des machines, où ça claque, ça tire, ça grince, ça étincelle, où la pression des huiles surchauffées siffle la Symphonie du Nouveau Monde, où les machinistes s’accrochent aux poulies pour ne pas sombrer, où les manivelles et les leviers dansent avec la mort, où le repos est banni définitivement

lorsque je descends

je participe à la manœuvres des remorqueurs
j’assiste à l’échouage des tankers
j’assiste la moussaillonne dans son bain
je marie le chapelet de moules à la robe cardinale


dimanche 24 avril 2016

lorsque je descends 4

lorsque je descends

le saut-de-loup, où se fomentent les vengeances mièvres, où se calcule l’impôt sur le sang et la buanderie, où se reposent les recels des punitions indigestes, où germent les indocilités et les manœuvres obsessionnelles

la grotte de la vouivre, soufflerie des rancœurs recuites, ventilateur des pets de volcan, chaudron des soupes maléfices, escalier de la peur, charivari des démones et diablats, ossuaire des martyres anonymes

le gouffre des sacrifices citadins, égout du dimanche soir, eaux usées des grosses semaines, dépotoir des chagrins, dortoir des douleurs parturientes, compost des fœtus et des placentas oubliés, fosse commune des décrets inutiles

lorsque je descends

          je participe à la révolution des vieilles horloges
          j’assiste au décrochement des minutes repères
          j’assiste le rhabilleur de la méthode
          je marie le désagrément au prurit

lorsque je descends

le chenal des abominations, où crèvent les animaux féconds et dociles, où pourrissent les promesses vendues à vil prix, où tourbillonnent les béatitudes et les louanges, où s’ensablent les amours turlupines, où se noie le doute scaphandrier

le goulet des désirs conscrits, méat où perle le plaisir, bourgeon gluant de sirop de rose, tige qui se croit tout permis, distillerie des spasmes de langueur, pamoison, frétillement, bourdon de fièvre, carillon d’orgasme

la dérupe des amitiés grotesques, trahison des « qu’est-ce que je t’ai dit », appui cassé des bâtons immortels, à la vie à la mort, au sang, à l’urine, lit de camp à sangles douteuses, tabouret de tortures, je renie ton âme, je tire le filin de la trappe, linceul dans la voile, garrot, poulie et palan

lorsque je descends

          je participe au réconfort des bannis
          j’assiste à la fermeture des portes
          j’assiste l’avocat des contritions
          je marie le fantasme à la geôlière

mardi 19 avril 2016

lorsque je descends 3

lorsque je descends

la corde raide du mépris, où les porcs épics s’érigent en remparts, où les sarbacanes projettent des crachats, où le plomb fondu coule dans les gosiers, où les fleurs de la passion lèvent le camp, où les menteries s’installent

la mue des vipères noires, glissade sur un tapis d’aiguilles, viandes à poison, cloaque de sang séché, écailles de la colère rentrée, attachement aux épines, desquamation des coudes et des genoux

les pattes de l’araignée le faucheux, filin tordu, acéré aux encoignures, file de marionnette funambule, fil de pêche interdite et corde de pendu analgésique, ressort sans muscle, morale sans envie, neurasthénie et pet-de-loup

le fil à ravauder les déchirures de l’âme, mélancolie béante sur un soleil absent, où sont brodées les fleurs anthracites des amours déchues, où les voltiges des chauves-souris dessinent des apocalypses, où est attachée la cathéter de l’urée et du scorbut

lorsque je descends

          je participe au renoncement du monde
          j’assiste au suicide de la renoncule
          j’assiste l’avalanche à naufrages
          je marie l’inculte au préconstruit

lorsque je descends

le labyrinthe du savoir, entre les équations du désir et la multiplication des bornes à compostage, parmi les assertions hideuses et les jurons multicolores, sous les trahisons, les promesses, le long des truismes moralo-perfect

le dictionnaire des hasards et des étoiles filantes, où s’accrochent les fées buboniques et contagieuses, où flotte le chandail médusé des mauvais jours, où balance l’alphabet vengeur des langues gutturales, où vagit l’enfant de la sécheresse

les méandres de la fiduciaire des âmes cicatrisées et des contritions interlopes, tapis-vert des marchandages assoiffés, paillasson pour les crottes du droit des pauvres, trémie pour la menue monnaie, caillebotis à dollars, dortoir à roubles, pince à sucres

l’écorce des anthologies forcenées monomaniaques, célébration du tout-venant, dissection du rien du tout, abécédaire des psaumes énamourés et des heures creuses, incunable mis à l’index et au doigt d’honneur, tapuscrit dyslexique et bible aphasique, vingt mille poèmes sous le ronéotype

lorsque je descends

          je participe à l’incendie de la bibliothèque
          j’assiste à la rescousse des mains jointes
          j’assiste la formule du nouveau roman
          je marie la constitution à l’iconoclaste

mercredi 6 avril 2016

lorsque je descends 2

lorsque je descends

le canal fluvial navigable de l’œsophage, parmi les crues des bourbes et des lies, dans la mangrove des orchidées et des lianes, au beau milieu du marigot des putréfactions, des pontes des mouches vertes

les poulies du pylore, agrippé aux filins des balustres, rincé des sucs perforants et chauds, démembré par les ressacs du diaphragme, cramé par les ulcères et les œdèmes, cramé puis noyé, noyé dans des jus d’astringence

dans les écluses de la veine cave supérieure, scaphandre balloté par les humeurs sombres, les idées de massacres et de conquêtes, nageur assommé par les radeaux en déroute, les humiliations compactées en pierres de taille, baigneur attardé dans les rétrécissements graisseux et grumeleux

lorsque je descends

          je participe à la destruction
          j’assiste au dépoitraillage
          j’assiste les amibes et les septicémies
          je marie la morve à la germination

lorsque je descends

vers la rébellion des tendons, effilochés d’efforts vains et répétés, disloqués de sautes de vent et des ressauts de la cognée, vers le dépiautage des nerfs usés, abusés, médusés, corridor des douleurs, paillasse des résignations

sous le démantèlement des cartilages, pistons ruinés de rouilles et d’acide, calcification des outrages, durcissement de l’âme et de l’affect, fragilisation des mortaises et des queues-d’ aigles, mutation du squelette vers l’armure et le bionique

dans la stratégie des ongles, couteaux multiples, pinces et palans, la coordination des lacérations purulentes, les écartèlements des plaies, les distorsions des organes annexes et sentinelles, la mise à plat de diagrammes de survie

lorsque je descends

          je participe aux transplants nécessaires
          j’assiste aux prolongations acharnées
          j’assiste l’anesthésiste et le vampire
          je marie le plasma et l’eucharistie 

vendredi 1 avril 2016

lorsque je descends

lorsque je descends

dans le trou du souffleur, où les rimes coupent à cœur le masque de l’ennui, où le faux-pas tranche le lard du cosmétique, où le rire gras décapite le parler local

agrippé à la corde du puits, vers les moisissures véridiques de l’inconfort, vers le frétillement des scolopendres scrofuleux, vers les chaînes ADN des crapauds multicolores, vers les enregistrements des vindictes populaires, vers la fermentation de l’ego

dans la fosse où se vautrent les barbares amputés, où geignent les proscrites des places publiques, où gesticulent les monstres éborgnés et ventrus de nos abominations, où dorment les animaux repus qui ont faussé compagnie

dans le siphon du diable, écorcheur de pivoines, écornifleur des âmes humaines en reddition, rhabilleur de poules pondeuses et de canes de Barbarie, relaveur de paletots d’archanges frelatés

lorsque je descends
        j’allonge le pas vers l’inconstance
        je perds la sensation du tout à l’avenant
        je gagne du terrain sur le vide
        je me joue des culbutes imbéciles

lorsque je descends
         
dans les rapines iconoclastes, où se mirent les fées bâtardes, où se calculent les héritages tirés au sort, où s’empilent les formulaires polycopiés de l’amour, où se délitent les sommeils du juste

dans les cavernes des justifications, attentistes des maldonnes et des falsifications, expertes en faux-fuyants et lâchetés, réceptacles rémissions placebo, fourre-tout des trahisons sublimes

dans la salle des machines des ersatz affolés, où grincent les cordages des optimistes, où crochent les mécanismes de l’oubli, où s’encodent les directives et les guides, où s’argumentent les segments des vanités

lorsque je descends
        je respire l’organisme non filtré
        je perds le lien aventurier
        je gagne la confiance du dé à coudre
        je me joue de mes frontières fissurées


samedi 5 mars 2016

je repasse la chemise


la musique éberluée dans le couloir d’avalanche
le violoncelle qui rebrousse chemin devant le rocher du diable
la peur devant le fusil, la crainte devant dieu
le poème imprégné de la sueur du repris de justice

je repasse la chemise qui a traversé les outrages

le tamtam sur la tempe pour rythmer la terreur
le piano de la fugue dévalant la dérupe
la niverole qui pleure sa descendance gelée
l’ombre chinoise sur le mur du barrage masquant la faille

je repasse les futaines du contrebandier des fleurs

le cliquetis des ongles sur la table en formica
le tuba qui sépare les nuages des tempêtes
la chapelle cambriolée pour sa réserve d’eau bénite
l’oratorio du gel qui fait chanter les pierres

je repasse le bustier de la bergère désorientée

le sifflement de la trachée en recherche d’oxygène
le cor anglais affrontant les vents de Sibérie
la plaidoirie du casse-noix, la sentence de l’hermine
la condamnation du gypaète dans une bouteille de génépi

je repasse la cravate oubliée dans le confessionnal

je chiffonne le mouchoir qui se croit innocent

jeudi 11 février 2016

je fais la culbute


le sanglier sur le marchepied de la tempête de neige
le candélabre explosé par le musique de carnaval
les pétards sous les jupes, la bière dégoulinant dans le cou
l’ennui qui fait sa mue les nuits de nouvelle lune

je fais la culbute dans le square aux canards de Barbarie

le sanglier qui fait la gueule devant le baby-foot
la lampe-torche sous le toit du clocher
le mocassin déchiré, la sueur brouillant le maquillage
la facture du remords payée en mensualités

je fais la culbute dans l’escalier fiduciaire

le sanglier affairé à la surchauffe de la distillerie
la lumière d’un cierge de Pâques pour ambrer les liqueurs
le whisky à la paille pour ne pas se démasquer
l’intérêt usurier pour l’emprunt d’une danse lascive

je fais la culbute dans la prairie des péchés mortels

le sanglier qui s’invite à la noce de la maraîchère
le projecteur braqué sur la jarretière abandonnée
le vin pétillant pour calmer l’angoisse dans la poitrine
le contrat d’assurance-vie pour caler la commode à langer

je fais la culbute chez l’archiviste des malheurs

je donne un billet de loterie à la fille du croquemort

dimanche 31 janvier 2016

je documente les annales


la caravane de bois arrêtée par la ravine
la tripaille du chamois livrée aux charognards
le guide des randonnées trahi par l’avalanche
le merle des roches qui joue son cairn à la loterie

je documente les annales d’une bourgeoisie alpine

le thé du bûcheron arrosé d’alcool de patates
le bâton de dynamite pour exploser les chagrins
la litanie des saints mineurs pour les vendredis maigres
le pain de seigle trempé dans la soupe aux choux

je documente l’iconographie des reposoirs de la vallée

le journal des morts et les coutumes successorales
le fromage pour le curé, la vigne pour les contemporains
le banc d’église réservé aux jeunes veuves
la colère de dieu pour les chenapans d’en face

je documente le registre des sentences exemplaires

le plan-horaire qui n’indique jamais les heures d’arrivée
la girouette qui ne tourne plus et montre le nord
l’hirondelle qui a perdu l’usage de ses valises
la lune de janvier qui fredonne sa toussaint

je documente le calendrier du potager avec des dates moisies

je jette la clé de la bibliothèque dans le coffre à farine