1440 minutes

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editions d'autre part

mercredi 30 novembre 2011

et la fatigue vient

et la fatigue vient sur un crochet de lune
et l’armistice des reins
et le soliloque des neurones
l’abribus au chevet de la fuite
l’horaire de l’araignée
le chagrin composté

l’illusion sans arme
et le désarroi sans bagage


et la fatigue tombe sur le dernier névé
et la bannière des poitrines
et l’ordonnance du cortex
la misère des lundis
le carrefour chauve-souris
l’avance sur l’ivresse

le diagnostic sans foi
et le paradis sans loi


et la fatigue glisse sur la brume du soir
et la médaille sur l’épaule
et l’imprimatur cervelet
le bal costumé de l’ironie
le cache-cache capricorne
le tronc de Sainte Surprise

l’amitié sans tambour
la déception sans trompette


et la fatigue vole avec le satellite
et la volonté à genoux
et le mensonge reptilien
le portail des rencontres
le repos du cheval
l’illusion funambule

l’identité sans feu
l’itinéraire sans lieu

30 novembre 2011

lundi 28 novembre 2011

dire la vie

débusquer les mots de la fatigue
torturer leurs paupières
ne montrer que la beauté

dire la vie
bousculer les joies et les frayeurs
montagnes russes
cascades de glaces
et feux de forêts

dire la vie
les oignons des jonquilles
le tonneau de choucroute
les liqueurs qui poissent
et les baisers vainqueurs

dire la vie
les dents de lait les uppercuts
les culottes courtes et les orties
la morve au nez la merde au cul
et l’angoisse des touche-pipi


dépasser l’espace permis
délacer les châtiments
ne montrer que la montagne

dire la vie
le poids d’un enfant devant la mappemonde
le nuage qui se souvient du tropique
un insecte bouffi qui suce le platane
l’alphabet de la soupe
et la division des soleils

dire la vie
la prairie chewing-gum l’Histoire Carambar
la demande en mariage à la récré
cent fois le verbe aimer au futur antérieur
le vaccin contre la bêtise
la permission de minuit
et le pardon des fous

dire la vie
la leçon de piano derrière les écuries
les macaronis du chalet avant les confessions
le décès d’un ami la veille des vacances
les fleurs de la promesse brûlée au désherbant
le feu de la passion dans un moteur deux temps
et les cordes violoncelles d’où pendent les musiques
 

déranger les remords
et saluer la morte saison
et ne montrer que le ciel

dire la vie
et ne rien taire surtout
dire la vie
et ne rien taire non plus

28 novembre 2011

dimanche 27 novembre 2011

je te laisse au soleil

je te laisse au soleil
sous les décombres du froid
un vent de fausse neige
et le gel qui monte de l’étang

je te laisse au soleil
aux senteurs de novembre
celle des feuilles acides
et celle des fruits fermentés

je te laisse au soleil
sous le ciel métallique
le vol lourd d’une buse
et les vignes en sommeil

il pleut des certitudes
à la gazette des morts
le cheval du manège
mâche un ennui d’avoine
il pleut une vieille habitude
sous le poirier du dimanche
le cheval du manège
rote une envie de meurtre


je te donne l’incendie
des bannières imbéciles
les lettres de l’huissier
et le bouquet d’immortelles
 
je te donne l’incendie
des farandoles trisomiques
la langueur des siestes
et la musique du vin pétillant

je te donne l’incendie
des souvenirs malsains
les amas de factures
et les devis des prothésistes

il tonne des violons
sur la place publique
le coq de mon hameau
s’inscrit au guignol’s band
il tonne des promesses
sur le saule vaincu
le coq de mon hameau
décompose ses gammes


je charrue ton jardin
sous le contrôle de l’étoile
l’horloge du laitier
et la vanité des réclames
 
je charrue ton jardin
pour le plaisir du merle
l’avance sur le semainier
et le vacarme des semences
 
je charrue ton jardin
au profond de l’amour
la chansons des rideaux
et la soutane des corneilles
 
il gèle un collier de source
dans les draps de Norvège
la frégate fuit le nord
sur la piste des céréaliers
il gèle des libellules
dans les chaumes de givre
la frégate fuit le nord
sur la portée des chants marins
 
27 novembre 2011





dimanche 20 novembre 2011

avant que le coq

avant que le coq ne chante souiller les murs de la caserne
éparpiller les gerbes
saluer le pavé
remplir le semainier de graines d’espérance
écrire un hymne neuf
réchauffer le café violoncelle
et ronger les peaux de l’habitude

je descends les ruelles
menant au bord du fleuve
il y a bal sur les quais
c’est la fête à Sainte Tempête
la bière est une fausse blonde
c’est le fantasme de la rousse


avant que le coq n’insémine ses poules
apprivoiser les salles d’attente
délier les glycines
embrasser le pavé
remplir le goutte-à-goutte d’une potion de rire
réanimer un ancien chant
émulsionner un sorbet trompette
et ronger les ongles du remords

je descends les ruelles
menant au pré de foire
il y a marché des viandes et des épices
c’est la fête à Sainte Pucelle
le vin de messe est rouge sang
c’est le fantasme des vierges folles


avant que la poule ne ponde
briser les barreaux de la maternelle
semer du myosotis
défoncer le pavé
multiplier les ordonnances d’herbes du bon dieu
exciter le poème
braiser les pistons du tuba
et ronger les os des certitudes

je descends les ruelles
menant au café démocrate
il y a les brandons citoyens
c’est la fête à Saint Suffrage
le jus des urnes est eau-de-feu
c’est le fantasme des légitimes


avant que le coq ne meure
bouffer la poule au pot au sortir des dancings
sucer les pissenlits
tomber sur le pavé
distiller l’absinthe et la gentiane
exécuter l’horrible sonate
tanner la peau du tambourin
et ronger la queue du diable

je descends les ruelles
menant à la place publique
il y a braderie des cœurs
c’est la fête à Sainte Rencontre
le courant continu fait court-jus
c’est le fantasme des nuits de noces

20 novembre 2011

vendredi 18 novembre 2011

qui tombera

qui tombera de l’éboulis
dans quelques songes
dans l’air vif taillé au hachoir
dans le champ de vision de l’aigle

qui tombera
désarmé de l’habitude et du maintien
qui tombera un jour de chasse
entre limaille et eau-de-vie


qui tombera de l’arole
dans une saute de vent
dans l’angle mort des épouvantes
dans le raillement du casse-noix

qui tombera
disloqué d’effroi et d’hébétude
qui tombera un jour de honte
entre homme noir et bannissement


qui tombera du clocher
dans un psaume de rogations
dans la bénédiction solaire
dans l’œil impavide de la chevêche

qui tombera
déshabillé dans le rosaire et le péché
qui tombera un jour de célébration
entre l’hostie et l’indulgence


qui tombera de la chaise
dans le fracas des bouteilles
dans le salaire essoufflé et conspué
dans la boîte à lettres du coucou

qui tombera
destitué du rire et de tendresse
qui tombera un jour de ripaille
entre saucisse et solitude


qui tombera de l’estime
dans un silence de morgue
dans l’anonymat des semaines
dans la plainte sombre du corbeau

qui tombera
déshumanisé d’ennui et d’errements
qui tombera un jour de longue nuit
entre le froid et l’oubli

18 novembre 2011


jeudi 17 novembre 2011

ici l'on nomme

ici l’on nomme le sourire et l’inquiétude
des fleurs qui se fanent
le cendrier copain
l’almanach des jours de paie
le cortège des saintes en robe du soir

on tutoie le vide
on convoque la peur et les anges


il l’on nomme la joie et la blessure
des fleurs grignotent le soleil
l’orchestre des pinsons
le carnet du lait
les poussines en pâture dans le jardin des salades

on tutoie les nuages
on convoque la chance et les anges


ici l’on nomme la patrie et la frontière
des fleurs offertes à la sentinelle
la fève de la galette
le livret de famille
l’arbre généalogique taillé de biseau

on tutoie l’étrange
on convoque les annales et les anges


ici l’on nomme la perte et la déraison
des fleurs qui se racontent
l’amitié du cheval
la chronique des récoltes
le registre des mariages incorrects
 
on tutoie la passion
on convoque les amants et les anges


ici l’on nomme le calcul et l’abandon
des fleurs qui trahissent
le caillou dans la poche
le manuel des pansements
le protocole des chirurgies réparatrices

on tutoie le miracle
on convoque les miroirs et les anges


ici l’on nomme la découverte et l’oraison
des fleurs qui s’inventent
la lettre décachetée
la liste des cousines
l’inventaire des insectes sur la mappemonde

on vousoie l’habitude
on convoque le doute et les anges

17 novembre 2011


dimanche 13 novembre 2011

on fait quelques pas

cela remonte de la fumassière et de la salle d’accouchement
cela vient de la charcuterie
et de la potagère
cela franchit le portail du cimetière
et la devanture de la fleuriste

on fait quelques pas dans les fumées
on guette l’ombre
en tricotant sa foi


cela s’insinue sous les draps
et dans le courrier du cœur
cela suite du mur de l’usine
et des salles à boire
cela se dilue dans les secrets familiaux
et les carnets scolaires

on fait quelques pas dans les braises
on guette la chaleur
en consumant sa foi


cela pousse sous les ventrières
et derrière les persiennes
cela glisse le long des robes
et dans le jardin de l’évêché
cela jaillit du soupirail crevé
et de la fontaine aux pigeons

on fait quelques pas dans les cendres
on guette l’oubli
en repassant sa foi


cela dégouline sur les jalousies
et les ravaudages d’amoureux
cela s’accroche au paletot des dimanches
et au confessionnal
cela chute sur les toits de la ville
et les chagrins du soir

on fait quelques pas sur la glace
on guette son propre abandon
en brisant sa foi

13 novembre 2011

samedi 12 novembre 2011

c'est aujourd'hui samedi

souvent le poème s’invite à la même table
à des heures indistinctes
à des jours différents

je vois le même monde
le poirier centenaire
le cerisier ébouriffé
le talus des vignes
la colline chauve

et la montagne magique
qui parfois accueille
la lune sur son épaule

c’est aujourd’hui samedi
c’est aujourd’hui
un samedi domestique
un samedi de débarras et d’embarras

sous le soleil de novembre
on sort bébé ou le grand-père
on fait courir le chien
on s’agace des pies
on peste des processionnaires

c’est un samedi de soupe aux légumes
de fromage d’alpage
et de vin nouveau

le poème sait tout cela
me le dit
me le redit

et je passe des heures
à contempler le monde

une cloche sonne la fin d’un paroissien
le monde va son chemin

je suis un poète sans papier
sans patrie
et sans frontière

12 novembre 2011

vendredi 11 novembre 2011

j'ai attaché

j’ai attaché un sentiment
au piquet de ce matin
comme la chèvre de la fable

la flèche du faucon sur les vignes
la valse des feuilles dans le cerisier
la voisine nettoie son potager
le chat griffe un mauvais rêve

une prière devant le verre vide
la liturgie des tonneaux


j’ai attaché une émotion
au poteau de ce matin
comme le cheval chez le maréchal

la querelle des mésanges dans le saule
l’ombre tremblée des peupliers
la voisine taille ses rosiers
le chat attrape un fantôme

une respiration devant le piano
la chorégraphie des portées


j’ai attaché une photographie
au muret de ce matin
comme le condamné devant le peloton

le piaulement de la buse
la solitude du noyer dans le pré
la voisine harponne le facteur
le chat surveille la plume à Pierrot

un morceau de vie devant le miroir
la trajectoire des rencontres


j’ai attaché un mémorial
à la fenêtre de ce matin
comme une invite au visiteur

le troisième chant du coq
le renfrognement de la ronce
la voisine danse la capucine
le chat signe son courrier

un serment de vide et de vanité
la célébration des questions

11 novembre 2011


mercredi 9 novembre 2011

le boxeur de la pleine lune


le boxeur de la pleine lune
mange des souris en chocolat
transpire une vieille colère mal rasée
il met le monde en boîte
en petites boîtes noires
pour remonter la trajectoire

le boxeur de la pleine lune
suce une orange de Noël
s’entraine sur une tendresse
il met le monde en pot
en petits pots de yaourts
pour collectionner les protège-dents

le boxeur sous la pleine lune
croque des coques de noix
s’épuise sur une rancœur de pierre
il met le monde à sa coupe
en petites coupes de fraises au sucre
pour contrôler les neurones

le boxeur sous la pleine lune
boit du petit lait sucré
terrasse les pigeons de la fontaine
il met le monde à sac
en petits sacs de plasma frais
pour célébrer le bourre-pif

le boxeur à la pleine lune
mange son pain noir en fonte
supplie le maître du gong
il balaie le monde en tas
en petits tas sous le tabouret
pour démazouter la plage du ring

le boxeur à la pleine lune
suce ses dents de loup
s’allonge sur un tapis de rêve
il jette le monde au ciel
en petits ciels douillets et blonds
pour décompter les nouvelles étoiles

9 novembre 2011


dimanche 6 novembre 2011

c'est un bout du savoir

le noisetier
nu
ne reçoit rien de l’inquiétude
il donne
de sa bonhommie
aux merles et aux mésanges

la grande mauve a cassé sa superbe
mesure ses respirations
et plonge vers l’humus

c’est un bout du savoir
qui ouvre et qui désarme


le torrent
s’assagit
repose ses colères et ses galets
il donne
de son chant
aux cincles et aux grèbes

l’églantier défait son chignon
mesure ses pulsions
et griffe ses rêves

c’est un bout du savoir
qui éclate et qui tache


le cornouiller
refleurit
mais refleurit à peine
il donne
de sa jovialité
au rouge-gorge et à l’alouette

le cerisier lance ses flammèches aux nuages
mesure sa passion
et défait sa robe

c’est un bout du savoir
qui caresse et qui invite


le pommier
sommeille
dans le pré du voisin
il donne
de ses pommes suries
aux geais et aux pies

la pâquerette oubliée frissonne dans le pré
mesure ses jours volés
et baise la rosée

c’est un bout de savoir
qui jouit et qui libère


6 novembre 2011


samedi 5 novembre 2011

ce vent fait barrage

maintenant un vent
sombre et teigneux
martèle aux tempes
renfrogne et mâche

à défaut de pluie
c’est une mine de charbon
qui s’abat sur le pays

la vigne s’éprend d’une danse mortuaire
la grive est soûle d’ennui et de vermine
la ville se bougonne et s’anthracite


ce vent fait barrage à la pluie
aux deuils et aux agapes
lève une armée de feuilles
de chants glaciaires et mercenaires

Ötzi m’emmène au bal
un tuba serpent une caisse une trompe
un harmonica toundra
un triangle épineux

le lac est pris d’angoisse
dans la pourriture des joncs et des nénuphars
le merle fiente de l’argousier et du gratte-cul
et je sais le renard qui ronfle
sous un ressaut de tuf


ce vent démonte le meccano
des sentiments et des révoltes
la balayeuse de la voirie
emporte le tout et la notice

c’est un vent de samedi
qui déchante et déroute
chauds les marrons et vin nouveau

une corneille sur le clocher
un ciel de chocards et de dettes


c’est un vent qui dégoûte
et qui ravine la cervelle
c’est un vent abortif
et qui corrode la ventraille

c’est un vent qui dessoude la raison
c’est un vent qui dissout le rêve

c’est un vent

5 novembre 2011

jeudi 3 novembre 2011

je perds trop de temps

je perds trop de temps alors que devant moi
dans le silence et l’exil
se bataille la naissance des arbres
se querelle le repas des pics et des pies

je perds trop de temps
le ciel de ce matin est cramoisi orange
les mélèzes sur l’alpe ont allumé leurs néons

j’attrape les mots sur un échafaudage
dans la fosse du garagiste
sur l’échelle du peintre
j’avoue voler les mots aux géographes
aux bouchers aux séminaristes
j’attrape des mots comme un virus
comme une rumeur comme un mot d’ordre


je perds trop de temps
alors que devant moi
dans la terreur et le froid
s’absente le dernier papillon
s’assomme l’oiseau contre la vitre
son vol évadé dans une cervelle éteinte

je mange trop de temps
j’avale du temps
l’écureuil de mon jardin s’enivre de noisettes
le ciel de ce matin est une insulte aux peintres
les étourneaux pillards fientent un millésime
 
j’attrape des mots dans la sacoche du facteur
sur l’antenne de la télévision
sur l’étendage de la gitane
j’ai volé bien sûr les phrases aux sourds-muets
aux aphasiques
aux absents et aux interdits
j’attrape des mots comme un maladie honteuse
comme une tuberculose comme une lèpre


je perds trop de temps
alors que devant moi
dans le morne et le repos
s’énerve un rouge-gorge dérangé
s’escrime une sitelle à retourner le monde
 
je bouffe trop de temps
je recrache du temps
le ciel de ce matin est une corde à nœuds
est une descente en rappel
les bouquetins jouent à faire dévaler des pierres
 
j’attrape les mots le long des pistes de renards
comme des œufs au nid
comme les vendanges à la rapine
je volerai sans doute les mots de la rue
des chambres de bonnes
des laveries et des marchés aux primeurs
j’attrape des mots au cardiogramme affolé
à l’ingénieur du son
à la tour de contrôle
 

j’attrape des mots au poirier centenaire
au fanal sur le sentier
au cheval du poète

3 novembre 2011


mercredi 2 novembre 2011

dans la moto sacoche

désormais la route est à l’ombre file plein nord sous les ormeaux
à l’assaut des cervidés
plus loin des femmes blondes
aux seins de sucre glace
des fioles d’eau de coing
dans la moto sacoche

désormais la route est noire
file plein nord dans les bouleaux
à l’assaut des tempêtes
des coulées de boues
plus loin des femmes offertes
aux cuisses de cuivre chaud
des sacs de noix
dans la moto sacoche

désormais la route est dans l’ombre
file plein nord dans les prairies sombres
à l’assaut des débâcles
des congères et des tracas
plus loin des femmes lascives
aux fesses de graisse et de bijoux
des cruches de lait fermenté
dans la moto sacoche

désormais la route est barrée
la cassé le nord vers la banquise
à l’assaut des aurores boréales
des traces d’ours
et des plaintes des phoques
plus loin des femmes sensuelles et sales
aux ventres de grésil et de geyser
des verroteries turquoise
dans la moto sacoche

désormais la halte grise et salée
jusqu’au printemps prochain
la recette de la folie
dans la moto sacoche

2 novembre 2011