1440 minutes

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editions d'autre part

lundi 31 octobre 2011

on parle de pécheurs

on parle de pécheurs et d’humiliation
la peine du jour
le pain sombre
le salut vient de la montagne
les rocs qui se délitent
la source qui gicle
et la chorégraphie des tricholomes

on parle de pèlerins et de résignation
une bonne action
les saintes huiles
le salut vient du torrent
le broutard sous les vernes
l’arole qui prie
et la rapille des chocards

on parle des colporteurs et de rémission
le recul de la honte
le pain partagé
le salut vient du couloir
le glacier qui craque
la lampe du bivouac
et le gypaète qui veille

on parle des exilés et de béatitude
le rosaire inutile
le gigot de l’agneau
le salut vient de la ligne de crête
l’étoile qui salue
la falaise qui monte la garde
et le repos de la gélinotte

on parle des morts et d’abandon
le culte de l’héritage
le fromage sironné
le salut vient du ventre de la servante
une voilette qui efface
une larme qui sale l’émotion
et la plainte de l’épervier

31 octobre 2011


les bruits de la vie

les bruits de la vie dans un marteau-piqueur
les bruits de l’habitude
dans une turbine inquiète
les bruits de l’Amérique
dans un nuage acide
les bruits de fin de mois
dans le carnet du lait
les bruits de la pénombre
bien au fond de la poche

et le poème comme une clameur d’étoile


les bruits de la naissance
dans un vieux caméscope
les bruits de l’allégresse
dans une tirelire
les bruits des longitudes
dans le nez de l’avion
les bruits des cinq-à-sept
dans l’hôtel des luzernes
les bruits des sépultures
dans une voilure de rêve

et le poème comme une danse païenne


tous les bruits du travail
dans une buse de paie
les bruits de l’ivresse
sur le zinc du comptoir
les bruits des matelots
à cheval sur les quais
les bruits des vendredis
dans les transports publics
les bruits du pain rassis
trempé dans le potage

et le poème comme une promesse de bal


les silences vendus
aux perrons des mairies
les silences donnés
au vent de la Camargue
les silences qu’on prend
aux naseaux du cheval
et tous ceux qu’on installe
les soirs de demi-brume
et le silence enfin
devant le catafalque

et le poème comme une euthanasie mauve

31 octobre 2011


vendredi 28 octobre 2011

sous le néon

sous le néon vert du souterrain
c’est un trafic de baisers
d’alcools et de cartouches
les résidents du béton et des braseros
ont des peines d’argent
ont des peines de cœur
ils s’inventent une famille
de rats et de rhésus
des amitiés de poudre
de plaies
de larmes

sous le néon vert du souterrain
c’est un don d’organe en direct
un doigt un œil une dent
un rein un foie une cervelle
l’humanité sent la rouille et l’éther
des peines de cœur et d’argent
ils se marient les nuits de pluie
un estagnon de pétrole
mêlé de vin de messe

sous le néon vert du souterrain
c’est une résiliation d’attaches
d’empreintes et de contrôles
pas de patronyme
rien qu’un surnom et une odeur
le chien vient de l’Asie
le perroquet d’Afrique
et l’enfant de la ville d’à côté
plus de souci d’argent
plus de souci de cœur
ils fument et toussent
ils boivent et crachent

leur vie est une châtaigne
qui a gardé sa bogue
ils rateront la fin du monde
parce qu’ils ne savent pas
qu’ils sont vivants
qu’ils sont vivants

sous le néon vert du souterrain
sous le néon du souterrain
sous le néon
sous le nez

28 octobre 2011

jeudi 27 octobre 2011

au bout de la ficelle

au bout de la ficelle une araignée pendue
il est midi
ni chagrin ni espoir
alors quoi
une tarentule strangule
un faucheux en gerbe
une épeire à genoux

je pose la question sur le bord de la fenêtre
me répondent la pie et l’écureuil
une fiente d’angoisse
une coquille de piété
et la soupière à refroidir


au bout du fil de pêche
une girafe en plastique
à mi-hauteur
ni chambre d’enfant
ni steppe de vent
alors quoi
un guerrier à mobylette
un éclaireur à pénombre
un espion à scrutin

je pose la question dans la boîte à lettres
me répondent la réclame et le recommandé
un concours de gagnants
la treizième gratuite
et l’avion sans retour


au bout de la corde de remorquage
un cheval ankylose
un trou de tourbe
ni sentier dérobé
ni place publique
alors quoi
une timonière d’étoile
une œillère à miroir
un sabot de bois
je pose la question dans le sac d’avoine
me répondent la teigne et le ver blanc
un couvain parasite
un muscardin ivre
et le plan de valériane


au bout du filin magnétique
une funambule négative
ni cirque mis à terre
ni éléphant diabétique
alors quoi
un régime excès de vitesse
un auguste trop cuit
une trompette à l’envers

je pose la question dans la sciure
me répondent le gymnaste et le hornuss
une prière en soirée
la lutte doryphore
et le morceau d’ensemble


au bout du fil d’Ariane
les retrouvailles solitaires
un salut un adieu
ni départ insolite
ni arrivée convenue
alors quoi

je pose la question dans la question
me répondent un vol de canards et la pluie du matin

26 octobre 2011


samedi 22 octobre 2011

pays chanté

pays des ponts jetés sur les torrents
bientôt soulevés déchiquetés et mangés par la ravine
pays des chiens de chasse aboyant dans les vernes
et des braconniers trinquant le vin des glaciers
pays des désespérés qui vont au Rhône
comme leurs veuves iront à la messe
pays des confesses
et des urnes jetées dans les précipices
pays de chœurs d’hommes de sociétés d’hommes
et de servants de messe
pays des régents catholiques
et des évêques germanophones
pays des sommelières piémontaises
et des bergers du Val d’Aoste
pays des vignes arrimées aux rocs
et des alpages voguant plein ciel
pays du gypaète
et de la gélinotte

je chante la rèze
et la bénédiction des fromages
je chante le pain de seigle
et les rogations de février
je chante la reine de l’alpage
et les testaments tirés du chapeau
je chante les fêtes patronales
et les bagarres des bals populaires
je chante les crimes passionnels
et les vignes maudites et la guerre du fluor


pays des hôtels des glaciers
et des fanfares partisanes
pays des porte-drapeaux fiers et benêts
et des rapts de bétail
pays des maquignons d’eau de neige et de vent
et des gardes du pape
pays de musique d’avalanches et de contrebande
pays fanfaron et rustre
pays fier-à-bras et rebelle
pays de retables de chapelles
et de reposoirs à rhododendrons
pays des cimetières sobres
et de partage du pain de Pâques

je chante le veau femelle
et le mariage consanguin
je chante la forêt privée
et la source commune
je chante la croix des missions
et la vinasse des conscrits
je chante un yodle bédouin
et une berceuse cosaque
je chante les amours adultères
les vignes interdites
et la deuxième guerre des pylônes

je chante les amours interdites
et les vignes adultères
et la deuxième guerre des pylônes

22 octobre 2011


vendredi 21 octobre 2011

et j'écris l'horizon

le silence conquis après les castagnettes
le poumon qui chavire
après le flamenco

j’orbite et je succombe devant ta robe rouge
je plonge et je renonce à la pluie du matin
je dessine une pêche
et j’écris l’horizon


le silence en charpie
après le projecteur
le poumon qui s’effrite
après le charleston

j’horloge et je retarde devant tes escarpins
je grince et je desserre l’écrou de la journée
j’esquisse une figue
et j’écris la luxure


le silence en quinconce
après les arpenteurs
le poumon qui s’évade
après un tour de valse

je tisane et je frissonne devant tes dentelles
je fomente et je projette un vol de nuit
j’escamote une grenade
et j’écris la tornade

21 octobre 2011

mercredi 19 octobre 2011

elle s'avance et elle dit

elle s’avance et elle dit j’ai conquis l’imbécile et le rageant
j’ai mangé le hibou et la bourrache
je passerai la nuit sous les remparts
à vendre de la lèpre
et des renonciations

elle s’avance et elle chuchote
j’ai soudoyé l’enfant et la doctrine
j’ai mangé la nèfle et le rutabaga
je passerai la nuit sur le ponton
à vendre de l’urgence
et de l’extrême-onction

elle s’avance et elle vocifère
j’ai maudit les aïeux et la glissade
j’ai mangé le chardon et la ronce
je passerai la nuit devant la grotte
à vendre de la braise
et des talismans

elle s’avance et elle psalmodie
j’ai annexé la sainteté et le lucre
j’ai mangé la lune et les bas-quartiers
je passerai la nuit sous le satellite
à vendre de l’éternité
et de la douce bonté

elle s’avance et elle chante
j’ai dansé la transe et le derviche
j’ai mangé le scorpion et la rue
je passerai la nuit sous les lampions
à vendre de l’illusion
et des amours fortuites

19 octobre 2011


lundi 17 octobre 2011

posé mon cul

maintenant c’est l’heure de la conquête
la plus abrupte et la plus iconoclaste
ce trottoir ce bout de trottoir est à moi
il sait tout de ma vie
de ma joie et de mes écorchures
c’est ici que j’ai soutenu le plus beau regard
le plus trouble et le plus vorace
c’est ici que j’ai soudoyé le plus tonitruant poème
le plus arythmé et le plus défolié
c’est ici que j’ai posé mon cul
sur un destin rigolard et sans fard

maintenant c’est l’heure de l’enlèvement
le plus inavouable et le plus iconoclaste
ce trottoir est mien
jusqu’au bout du caniveau
jusqu’au perron de granit
il sait mes balafres
mes achats et mes aumônes
c’est ici que j’ai caressé les plus beaux corps
les plus comédiens et les plus argileux
c’est ici que j’ai mangé les fruits les plus goûteux
les plus colorés et les plus asiates
c’est ici que j’ai posé mon cul
sur des rapports infâmes et vénaux

maintenant c’est l’heure de la rupture
la plus déraisonnable et la plus iconoclaste
ce trottoir mon trottoir
celui de mon permis de séjour
de ma généalogie
il est de mes démesures
de mes excès et de mes libertés
c’est ici c’est bien ici
que j’ai bu la liqueur la plus effroyable
la plus sauvage et la plus ambrée
c’est bien ici que j’ai épousé la plus femme
la plus pour le moins et pour le tout
c’est ici que j’ai posé mon cul
sur les promesses souriantes et inutiles

maintenant c’est l’heure de la rançon
la moins gratuite et la plus iconoclaste
ce trottoir mien et tout à moi
est celui où je peux m’affaler sans supplice
il sait mes articulations
mes raideurs et mes refus
c’est précisément ici et jamais ailleurs
que j’ai donné mon salive la plus salée
la plus vive et la plus vraie
que j’ai lâché certains de mes liquides
les plus précieux et les plus privés
c’est ici que j’ai posé mon cul
sur les années trop nécessaires et comptables

maintenant c’est l’heure de la balance
la plus torve et la plus iconoclaste
ce trottoir quel trottoir quel est son propriétaire
celui que j’arpente et que je déserte
il sait mes fantômes
mes irruptions et mes fuites
ce devait être ici justement ici
que je devais rencontrer ma vie la plus nue
la plus brûlante et la plus droite
ici que je devais connaître les horaires et les tarifs
les plus inabordables et les plus interlopes
ici qu’il ne me restait qu’à poser mon cul
sur un cheval à bascule et un faux requiem

17 octobre 2011


dimanche 16 octobre 2011

au plus vieux de la foudre

au plus vieux de la foudre avant l’invention du Brésil
au plus vieux du glacier
avant l’invention des sauterelles

quelques uns sont restés à quai
dans le grand charroi
on avait mangé de l’infirme
du conscrit
et de l’impur
on avait distribué le bonheur
par rations de survie
pour un temps limité
le temps d’un rouge-gorge
et d’un chandail de laine


au plus vieux du limon
avant l’invention de Gobi
au plus vieux du granit
avant l’invention des coquelicots

quelques uns se sont enfui
durant le grand convoi
on avait recuit du savoir
de l’entregent
et de l’équitable
on avait distribué le bonheur
à l’encan
sans mode d’emploi
et sans partage
partage de la musique
et des rhododendrons


au plus vieux de la steppe
avant l’invention de la Mandchourie
au plus vieux du lichen
avant l’invention du triton

quelques uns sont restés
attachés à la grande halte
on avait lesté la beauté
la justice
et le pré commun
on avait distribué le bonheur
dans un sachet de prières
sans égard
et sans amulette
pour le repos des dimanches
et le salut de la traversée

16 octobre 2011 

samedi 15 octobre 2011

je reviens des rues italiennes

je reviens des rues italiennes
avec des airs de mandoline
des senteurs d’ail et d’oignon
dans mon cabas
des questions sur le soleil
et la trajectoire de l’eau salée

je reviens du pré
avec le claquement des sabots
des odeurs de foin et de crottin
dans mon sac d’avoine
des questions sur la Camargue
et la carte des roubines

je reviens de la salle du parlement
avec le chuintement des chaussures de cuir
des odeurs de tabac et d’eau de Cologne
dans mon cartable
des questions sur le salut du monde
et la procédure du bon sens

je reviens de l’étang sombre
avec l’énervement des foulques
des effluves de la vase et des joncs
dans mon bidon
des questions sur les vases communicants
et la migration des crapauds

je reviens du container
avec le cliquetis de la tôle
des miasmes de la rouille et des moisissures
dans ma caisse
des questions sur les lois du commerce
et la déroute du cabotage

je reviens de la vigne
avec les palabres des grives
des senteurs de lies et de bourbes
dans ma brante
des questions sur les millésimes
et l’alcoolémie des guêpes

je reviens du pays
avec les refrains nostalgiques
des odeurs de drapeaux et de frontières
dans mon passeport
des questions sur le droit du sol
et le règlement de l’aéroport

je reviens de la chambre
avec le chant d’un violoncelle
un parfum d’ambre
dans ma liquette
des questions sur la généalogie croisée
et la chorégraphie de l’amour

je reviens du poème
avec une rythmique dans les tempes
une effluve de comète
dans mon cahier
des questions sur l’infinie vanité
et les annotations dans la marge

15 octobre 2011


vendredi 14 octobre 2011

redressé le bouquet

qui viendra
porteur de nouvelles
quel artificier
quel éclaireur

j’ai repassé les draps
parfumés de lavande
j’ai lavé les carreaux
redressé le bouquet

je sais la patience de la buse sur son pieu
je sais la patience des brodeuses


qui franchira la porte
porteur de lettres
quel coursier
quelle sentinelle

j’ai ouvert le rideau
au liseré pourpre
j’ai aéré la chambre
redressé le bouquet

je ne sais rien de la cervelle de la buse
je ne sais rien des amours des brodeuses


qui saluera
porteur de destin
quel facteur
quel chansonnier

14 octobre 2011


jeudi 13 octobre 2011

et le résultat du loto

je souhaite une libellule turquoise
sur le vert des capucines
et le résultat du loto

je dessine un plan d’épousailles
et d’agapes grasses
je signe la reddition des tomates
je dépose un bulletin de vote
devant le portail des révoltes
et je plonge vers les places publiques


j’ai l’honneur d’ouvrir une fenêtre
sur un tapis de noisettes
et le résultat du loto

je peins des plannings d’années-lumière
d’argent et de liquide
je décrète un arrêté urgent pour la sauvegarde des choux
je débats des blattes et des chancres
avec des ministères qui grattent
et je plonge vers les déchetteries du cœur


je calcule la minuterie des grands soirs
sur les ailes des coccinelles
et le résultat du loto

je trace une feuille de route
pour les rencontres surprises
je referendum le jour des lessives
et la mort du chanteur
j’argumente le sordide et l’inutile
avec les compagnes de bruyères
et je plonge vers les fontaines de mots d’enfants


je présume des cris de guerre
sur la carapace des tortues
et le résultat du loto

je creuse une tranchée
pour les baignades sauvages
je légifère une polyphonie
de cohésion et de coercition
je palabre les transitoires
avec les services d’ordre et de douane
et je plonge vers les tropiques démocrates et soumis

13 octobre 2011


mardi 11 octobre 2011

un jour pris au hasard

un jour pris au hasard
dans le calendrier tempête
une tisane trop sucrée
une envie de mystère
une caravane bleu pétrole
un complexe d’étoiles
un confetti sans mise à terre
et un caillou terrible au fond de la poche

c’est le jour des sources
et de la coriandre
c’est le jour de la table mise
et des vins pétillants


un jour de pêche miraculeuse
dans le calendrier repos
des fruits trop sucrés
un besoin d’aventure
une camisole jaune
une boussole en fuite
une chrysalide pygmée
et un boulon grotesque au fond de la poche

c’est le jour des avances
et de la cannelle
c’est le jour des sursis
et des mauresques tranquilles


un jour escamoté
dans le calendrier antarctique
un hareng trop salé
une soif d’hécatombe
une pivoine éclatée
un carrefour macareux
un feu d’artifice boréal
un iceberg pilé au fond de la poche

c’est le jour des Niagara
et des lavandes
c’est le jour des amours
et des passions fraîches coupées

11 octobre 2011

lundi 10 octobre 2011

si tu traverses

un message dévoyé
sur la peau d’une orange
un remords distingué
sur un deuil porcelaine
le décompte des fautes
sur le missel des dimanches
et l’œil de la conscience
dans le tiroir du prothésiste

si tu traverses
traverse dans les clous
si tu croises la comète
salue bien bas et mords la queue


une réponse promise
sur le bord du précipice
une corde de rappel
pour le chamois sparadrap
le décompte des os
pour les yeux du bouillon
et l’œil de la justice
sur le poids du destin

si tu traverses
traverse dans les clous
si tu croises la rame omnibus
salue bien bas et sonne l’arrivée en gare


un mot de bienvenue
écrit à la craie bleue
un prénom de fleur
en sanscrit dans le texte
le carnet des moussons
à signer par le père
et l’œil de la charité
dans une sébile en fer blanc

si tu traverses
traverse dans les clous
si tu croises le fleuve
salue bien bas et remercie le gué


une lettre d’adieu
sur un bouquet de violettes
un vent de liberté
sur le lit défait
la chaise des supplices
devant la porte close
et l’œil de la défaite
dans le trou de serrure

si tu traverses
traverse dans les clous
si tu croises le vide
salue bien bas et accroche-toi à l’ange

10 octobre 2011

dimanche 9 octobre 2011

si l'abeille


si l’abeille sait qu’elle va mourir

des pissenlits timides
fleurissent à ras le sol
une gaillarde rebelle
somnole contre le mur
un massif de bruyères
jouit d’un soleil maigre

si l’abeille sait qu’elle va mourir

encore un peu de sucre jaune
encore un peu de jus de fleurs
encore un peu d’épargne et d’espérance

si l’abeille sait qu’elle va mourir

de l’alpe descend un vent mauvais
la bourrasque secoue la giboulée
le soleil meurt bouffé par les nuages

si l’abeille sait qu’elle va mourir

encore un peu de sucre
encore un peu de jus
déjà le froid paralyse

si l’abeille sait qu’elle va mourir

9 octobre 2011


samedi 8 octobre 2011

et vais passer la nuit


le bouleau mort donne au vent sa portée
le corbeau inquiet ronchonne sous son aile
l’orchestre de l’automne ralentit le tempo
le cheval sous le frêne remâche son vieux foin

je découds un serment sur le veston
je fais les poches de la bonne aventure
je file un rond au quartier de la lune
et vais passer la nuit à te prédire


le saule coqueluche tousse ses feuilles
le héron fatigué dort d’une seule patte
l’orchestre de l’automne saute à la croche
le cheval piaffe et regarde l’écurie

je taconne un remords sur la chemise
je vole la monnaie à la mendiante
pour payer la musique à l’automate
et vais passer la nuit à te danser

je ravaude le talon de l’étoile
et vais passer la nuit à te marier

8 octobre 2011


vendredi 7 octobre 2011

tout le courrier est magnétique

le facteur éteint sa lampe-tempête
les nouvelles dorment au fond de la sacoche
l’itinéraire des hameaux neufs
des villes abandonnées et reconquises
un camping sur la banquise
poste restante sur l’île debout

tout le courrier est magnétique
et suit le vol des martinets
la vérité est un concept de vente
on a muré le puits et brûlé la bibliothèque


le facteur manipule son écran de contrôle
les nouvelles s’autodétruisent
la piste des marigots
le boulevard des comètes froides et mortes
une batterie près du refuge
l’adresse est fausse l’île est noyée

tout le courrier est magnétique
et suit le plan de vol des sternes
la vérité est un concept de communication
on a muré le puits et brûlé la bibliothèque


le facteur donne de l’avoine à son cheval
les nouvelles nagent dans la fontaine
les courants marins les abysses
les sous-marins dancing et le sonar des baleines
les boîtes-à-lettres du corail et de bernard-l’hermite
la case postale de l’île volcan

tout le courrier est magnétique
et suit le destin des anguilles
la vérité est un concept thérapeutique
on a muré le puits et brûlé la bibliothèque

7 octobre 2011


jeudi 6 octobre 2011

valse béquille

armoire grand’ ouverte
robes impatientes
tailleurs sur le départ
falbalas sauterelles
dentelles excitées

par la fenêtre
une musique de fête et de bal
hanches croches swing
poitrines accords tempo

c’est une valse béquille
c’est un tango jambe de bois


orchestre grande soif
bugle desséché
accordéon à glaçons
clavier en colimaçon
basse à la pompe à bière

par le soupirail
des notes soûles et du soul
talons double croches
regards dysharmoniques

c’est un charleston béquille
c’est une mazurka jambe de bois


halle des fêtes grand’ ouverte
bottines pour la marche
pieds nus pour le slow
jupes collées
décolletés éberlués

sous les guirlandes rouges
des airs lascifs et du désir
fesses tendues
pelvis contre pelvis

c’est une valse béquille
c’est un tango jambe de bois

c’est une aventure béquille
c’est une amourette jambe de bois

6 octobre 2011

mercredi 5 octobre 2011

j'ai l'âge et j'écris

le peloton de peupliers
s’arme de soleil et de chants d’oiseaux
l’après-midi s’installe dans le pré
deux merlettes et le chat
une libellule et un vol d’éphémères
je cueille des mots sur le ruisseau
les sentiments des noisettes
et les secrets de l’épine-vinette
j’ai l’âge du lac derrière la colline
et j’écris pour demain un poème serein

la garde de chênes
détache une mitraille de glands
l’après-midi est là
deux geais bataillent
le chat poursuit une écureuil
je ramasse les couleurs dans les vignes
a béatitude de la caillasse
et les odeurs du compost
j’ai l’âge de la pinède
et j’écris pour demain un poème alerte

la relève des trembles
secoue un artifice de feuilles
l’après-midi s’en va
un vol de canards
le chat dort sur le perron
j’attrape des phrases dans les sautes de vent
les pulsions de la terre
et les soupirs des vendanges
j’ai l’âge du vallon
et j’écris pour demain un poème surpris

5 octobre 2011