1440 minutes

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editions d'autre part

dimanche 30 janvier 2011

l'archange de ma rue

une part de rêve au carbone quatorze
un sourire inventé au fond d’une tulipe
un salamalec bleu au merle sans plastron
et la mélancolie aux rayons des parfumeries

l’archange de ma rue a filé son collant
onze soirées d’attente au salon de l’hôtel

un sentiment amidonné au ventre des pressings
du hasard en bouquet sur la table de nuit
une pensée en morceaux au fond du semainier
et l’espérance décousue en manche de chemise

l’archange de ma rue a coulé son rimmel
vingt-sept après-midi dans l’impasse des chutes

un sourire de mise au guichet virtuel
trois pommes factices sur du cristal en solde
un remerciement contrit sur tampon de refus
et l’amertume vendue pour un bouton de culotte

l’archange de ma rue a cassé son talon
deux cent vingt jours ouvrables devant le garde-meuble

des tranches de chagrin hors de la chaîne du froid
un brin de mimosa pour bannir l’exclusion
des élans charitables à déduire de l’impôt
et les lois du partage dans un wagon blindé

l’archange de ma rue a manqué son rencart
mille nuits de solitude dans une chambre de bonne

l’archange de ma rue a bazardé sa vie
une seconde de plein soleil au milieu du carrefour

30 janvier 2011

jeudi 27 janvier 2011

geindre ou se plaindre

une écharpe en poil de chevreuil
sur la porte du stand de tir
quelques canettes de bière
une bottine en plastique
un carnet d’adresse
un plan de Mexico sur du papier kraft

geindre ou se plaindre quelle importance
gémir ou frémir quelle élégance


un chapeau à queue d’écureuil
au vestiaire de la piscine
une brique de vin rosé
un sabot de cuisinier
un almanach d’école ménagère
un plan de Carcassonne sur un faux parchemin

feindre ou se plaindre quelle avanie
faillir ou frémir quelle ironie


un pardessus en laine de chameau
sur la barrière de la douane
un thermos de thé à la gnole
un tricouni à bout ferré
un livre d’or de cabane
un plan de Zermatt en cuir de vachette

craindre ou se plaindre quelle rémission
subir ou frémir quelle dérision


un gilet pied-de-poule
sur le fauteuil du barman
un shaker d’eau miraculeuse
un escarpin de reine de la nuit
la carte des whiskeys
un plan de Toronto sur grand écran

ceindre ou se plaindre quelle fortune
trahir ou gémir quelle rancune


des collants en soie de pivoine
sur la poignée de la porte
une coupe de spumante
un pied aux ongles peints
l’art d’aimer écrit en braille
un plan du lit sur un carton d’invitation

étreindre ou se plaindre quelle insolence
mourir ou gémir quelle différence

épreindre ou se plaindre quelle exigence
mourir ou gémir quelle impudence

27 janvier 2011

lundi 24 janvier 2011

du beau temps

les chaussures cirées
d’un cortège à deux sous
à l’envers dans la rue
le tambour déchiré
martèle au chasse-clou
un sale tempo perclus
on aura du beau temps
pour plonger

un salut obligé
au voisin dans les choux
refumant sa ciguë
la trompette clapote
une mazurka céleste
aux croches bien fourchues
on prendra du beau temps
pour chanter

les factures impayées
des corsages à frou-frou
et des jupes fendues
le pipeau qui turlute
la montée vers le ciel
d’un plaisir éperdu
ça viendra du beau temps
pour vivre

des soldats égarés
à l’heure du loup-garou
pissent dans le talus
le trombone en ribote
lâche un tango funeste
dans la nuit biscornue
on volera du beau temps
pour danser

des femmes rencontrées
dans la rue des remous
pour l’amour au surplus
le solo de la flûte
fait tomber le soleil
les cœurs sont dans la glu
y a toujours du beau temps
pour ramer

le chagrin naufragé
le cortège à genoux
bras dessous bras dessus
le tambour déchiré
prend ses jambes à son cou
et tombe sur le cul
c’est vraiment du beau temps
pour mourir

24 janvier 2011

dimanche 23 janvier 2011

des vivants et des morts

des vivants et des morts
surtout des vivants
sur l’avenue aux mille fleurs
parmi les oiseaux colorés
et les cafés bruyants
il y a des amoureux
des chevaux à bascule
et des marchands de glace

des vivants et des morts
surtout des malades et des vieux
dans l’allée des mûriers
parmi les pies et les geais
et les apothicaires
il y a des âmes tristes
des toilettes publiques
et des vendeuses de bondieuseries

des vivants et des morts
surtout des morts et des mourants
sous la rangée de cyprès
parmi les corneilles mantelées
et les fleuristes discrets
il y a des éplorés
un chœur de vieilles filles
et une marchande d’éternité

des vivants et des morts
surtout des nouveau-nés
dans le square aux lilas
parmi les merlettes éberluées
de la cour d’école
il y a des jeunes mères
une musique de manège
et un jongleur de hochets

des vivants et des morts
et puis quelques passants

23 janvier 2011

jeudi 20 janvier 2011

elle saute à genoux

elle saute à genoux
sur des coussins de soie
la pénombre est si tiède
la couche est immense
des pétales et des perles
dansent sur le chevet
un perroquet borgne siffle un adagio
elle saute à genoux
son frère fait un feu de charbons et d’encens

elle saute à pieds joints
sur des tapis de sable
la ville est si blanche
le ciel est immense
de l’écume et de l’eau
s’écoulent dans les empreintes de ses talons
un goéland s’énerve sur une barque de pêche
elle saute à pieds joints
son frère fait du feu de cartons de plastiques

elle saute à la corde
sur la poussière du chemin
la terre est si blonde
la rue est immense
des linges et des robes
sèchent aux fenêtres
un chat roux somnole dans le laurier
elle saute à la corde
son frère fait un feu de bibles et de corans

elle saute à la mine
dans les fleurs du jardin
la vie est si courte
la haine est immense
des busards et des faucons
se chamaillent le ciel
un serpent mord le pis d’une chamelle
elle saute à la mine
son frère fait un feu de son propre corps en colère

20 janvier 2011

dimanche 16 janvier 2011

elle veille sur son avenir

elle veille sur son avenir
au plus profond de son sac
sa vie est en nid-de-poule
en insomnies en pansements
elle porte une jupe trop courte
sur des collants mal ajustés
elle cherche ses enfants
dans les toilettes des parkings
elle téléphone à la justice
et convoque son prince charmant
dans les balcons du grand théâtre

elle met son avenir
dessous sa carte de séjour
sa vie est en queue-de-rat
en barbelés en jugements
elle porte des baskets roses
avec des dessins de mickeys
elle cherche ses parents
dans les toilettes des drugstores
elle téléphone au contrôle des habitants
et convoque son jeune amant
à la terrasse du grand café

elle déchire son avenir
avec tous ses avis de saisie
sa vie est en crotte-de-bique
en boursoufflures en loup-garou
elle porte un veston à carreaux
prêté par un frangin de la nuit
elle cherche son dernier mari
dans les toilettes de la gare
elle téléphone à Saint-Antoine
et convoque son avocat
au guichet des objets trouvés

elle a vendu son avenir
pour une bouteille de vin blanc
sa vie est en pied-de-biche
pour défoncer les contresens

16 janvier 2011

jeudi 13 janvier 2011

entredanse et contrechat

l’épaule inavouée
derrière les castagnettes
les cuisses bien tendues
devant les banderilles

elle soubresaute
elle sautdecarpe
entredanse et contrechat

le regard absenté
au-delà des miroirs
le poignet projeté
au-delà des forêts

elle dégringole
elle désarticule
fesses et nuque
poitrine et cul

la cheville en velours
pour baiser le tempo
le ventre en papillote
pour baiser le désir

elle pirouette
elle grandécart
entre tutu et pointe
pointu turlutu

l’épaule inavouée
derrière les castagnettes
les cuisses bien tendues
devant les banderilles

elle soubresaute
elle sautdecarpe
entredanse et contrechat

13 janvier 2011

jeudi 6 janvier 2011

elle a dit je te donne

elle a dit
je te donne le havre
mais n’espère pas le repos
et voici les pétarades
et voici les vrombissements
et le tonnerre et le vacarme
et le galop de centaines de chevaux
j’ai déposé mon chapeau
sur un crochet de vent
et j’ai tendu mon hamac
à ses cordes vocales

elle a dit
je te prépare un bivouac
mais n’espère pas la douceur
et voici les chutes de pierres
et voici le gouffre des crevasses
et le gel et le dégel
et le vol de centaines de chocards
j’ai coincé mon mousqueton
à un piton du ciel
et j’ai planté ma tente
sur sa plus large lombaire

elle a dit
je t’ouvre mon île
mais n’espère pas le plaisir
et voici les remous
et voici les reflux
et les crues et les typhons
et le saut de centaines de saumons
j’ai posé mes cuissardes
sur un ponton d’étoile
et j’ai fixé ma barque
aux berges d’une de ses veines

elle a dit
je t’accueille au plus secret
mais n’espère pas la sérénité
et voici les songes
et voici les doutes
et le bal des méninges et des idées sombres
et la piqûre de centaines d’abeilles
j’ai emballé ma pensée
dans le phosphore bleu
et j’ai payé ma piaule
dans la loge de son cervelet

elle a pensé
je suis habitée et tu es mon toi
mais n’espère plus
elle n’a plus rien dit

j’ai frappé à son cœur
elle m’a ouvert sa forge

sans gêne ni rapière

6 janvier 2011

lundi 3 janvier 2011

voisin voisine

le cheval du voisin est mort
ne mang’ra plus les boutons d’or
le voisin est tourneboulé
ciel noir ciel gris
mêm’ le journal
n’en a rien dit
ventre saint-gris

le chat de la voisine est mort
sa gamelle a viré de bord
la voisine est bien chagrinée
ciel gris ciel blanc
mêm’ le curé
en gard’ un’ dent
le chenapan

le voisin réchauffe sa soupe
y a bien assez pour deux soucoupes
hé ! il invite la voisine
ciel blanc ciel bleu
mêm’ les amis
n’en ont rien su
turlututu

la voisine couch’ chez le voisin
ils se grappillent les raisins
ils ne prendront plus d’animaux
ciel bleu ciel rose
mêm’ les oiseaux
seront bredouilles
cornegidouille

3 janvier 2011

dimanche 2 janvier 2011

sur la piste

sur la piste du cirque le dompteur amoureux
de la belle acrobate au costume d’argent
tourne le dos au tigre et c’est malencontreux
perd la tête et le cœur sous les bravos d’enfants
sur la piste du cirque la trapéziste en pleurs
tire sa révérence sous des tonnes de fleurs

sur la piste de bal le danseur amoureux
de la belle espagnole escamote un tango
son rival est un ogre et toujours ombrageux
lui mange la cervelle lui fracasse le dos
sur la piste de bal la danseuse est en pleurs
tire sa révérence et ramasse son cœur

sur la piste d’envol l’aviateur amoureux
de la parachutiste et ses seins triomphants
l’avion casse son vol s’embrase dans les cieux
les ailes du biplace tourbillonnent au vent
sur la piste d’envol le parachute pleure
tire sa révérence sur le dos du malheur

sur la piste aux étoiles je t’attends mon amour
sois sans hâte et prudente sur le chemin du monde
je te veux bien vivante sans façon ni détour
monte vers la lumière et entrons dans la ronde
sur la piste aux étoiles le soleil est en pleurs
tire sa révérence et s’éteint en douceur

sur la piste aux étoiles je t’attends mon amour

2 janvier 2011

elle a quitté son chat

le dernier soleil lèche le centre commercial
elle est assise sur une borne publicitaire
elle fume une cigarette en comptant les autos
elle a quitté son chat et son amant
elle cherche dans son ventre
la direction de demain

les réverbères s’allument sur le périphérique
elle marche sur le trottoir herbeux
elle fume une cigarette en comptant les malheurs
elle a quitté son chat et son enfant
elle porte sur ses reins
les cicatrices des contes enfantins

les flaques sur le chemin brillent sous la lune
elle se couche sous les buissons d’aubépines
elle fume une cigarette en comptant les moutons du ciel
elle a quitté son chat et sa ville
elle guette dans son cœur la promesse des printemps

2 janvier 2011