1440 minutes

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editions d'autre part

mardi 29 décembre 2009

j'ai boutiqué le soleil

j'ai enveloppé le jardin
avec de la vieille neige
j'ai déroulé le brouillard
et brouetté des feuilles mortes
j'ai salué les voisins
et réchauffé la soupe
j'ai changé les draps de lit
et repassé du courage
j'ai écrit aux enfants
et rentré la bruyère

j'ai boutiqué le soleil
et rafistolé la lune
la main sur la rambarde
j'ai remonté une marche

j'ai tronçonné le frêne
et fendu des buchilles
j'ai vidé les cendres du poêle
et huilé la pelle à neige
j'ai salé le petit lard
et lavé la choucroute
j'ai souri à la voisine
et changé l'eau des fleurs
j'ai écrit aux parents
et visité le cimetière

j'ai boutiqué le soleil
et rafistolé la lune
la main sur la rambarde
j'ai remonté une marche

j'ai taillé les rosiers
aiguisé la faucille
j'ai paillé les pivoines
et remisé la bêche
j'ai nourri les oiseaux
et caressé le chat
j'ai chicané le voisin
et bouillu le café
j'ai menti aux enfants
et sorti les poubelles

j'ai boutiqué le soleil
et rafistolé la lune
la main sur la rambarde
j'ai descendu une valse

j'ai calfeutré les fenêtres
et nettoyé le fusil
j'ai vérifié les serrures
et compté les fromages
j'ai brûlé le courrier
et déchiré les photos
j'ai salué une renarde
et j'ai vendu les vignes
j'ai maudit la voisine
et filtré le vinaigre
j'ai oublié les parents
et cassé mon violon

j'ai boutiqué le soleil
et rafistolé la lune
la main sur la rambarde
j'ai trucidé un tango

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

29 décembre 2009

lundi 28 décembre 2009

et beaucoup de béton

l'avenir est consigné
au-dedans des machin' à sous
il te reste plus qu'à gagner
un bonheur et une boîte à clous
un butin à déposer
tout en haut des jup' à froufrou
un honneur dissimulé
sous une cape derrière un loup
le soleil est dérangé
l'air est caché dans trop de trous

un peu
un peu de sexe
et beaucoup de béton

l'avenir est en jachère
au comptoir du bar de la bourse
il te reste un billet vert
pour flamber sur le champ de course
du plaisir sous la lumière
à remonter le long des sources
une rumeur sur une civière
on s'aim'ra jusqu'à la grand' ourse
le soleil est en galère
la joie s'arrête à la mi-course

un peu
un peu de sexe
et beaucoup de béton

l'avenir est rapiécé
aux fenêtres de l'hôpital
il te reste un pas cadencé
pour la fanfare du carnaval
cette peau à caresser
en haut des jambes cannibales
un adultère à dépecer
à la porte du tribunal
le soleil s'est cuirassé
sur les tangentes diagonales

un peu
un peu de sexe
et beaucoup de béton

l'avenir est en morceaux
dans les containers du délire
il te reste quelques vieux os
dans les casseroles à confire
un compliment au creux du dos
la fontaine est prête à jouir
serment dans le caniveau
pour le meilleur et pour le pire
le soleil est en lambeaux
les étoiles quittent le navire

un peu
un peu de sexe
et beaucoup de béton

28 décembre 2009

mercredi 23 décembre 2009

sur le bord

sur le bord de la table
un verre de café froid
une biscotte et de la margarine
un vieux programme télé
la lettre d'un ami
et quelques factures oubliées

sur le bord du lit
une canette de bière
des bonbons et des fruits secs
des revues et des kleenex
la carte postale d'une femme
et l'agenda d'une année oubliée

sur le bord de la fenêtre
une bouteille de lait
du suif pour les moineaux
un rosier sec un basilic
le cache-pot d'une sœur
et quelques pommes oubliées

sur le bord du fleuve
un tonneau de fuel
une pizza froide et un concombre
des tôles et des gravats
le roman volé à la gare
et un air de valse oublié

sur le bord de la vie
une fiole d'ammoniaque
une noix et une hostie
un costume de funambule
le poème sur le fil à repriser
et un quelconque destin oublié

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

23 décembre 2009

mardi 22 décembre 2009

laisse filer

un jour des rois
une déférence
yeux dans les yeux
et moins que rien

laisse laisse
laisse filer

des rogations
miserere
un tête-à-tête
et rien de moins

laisse laisse
laisse filer

un carnaval
un repentir
main dans la main
et rien de rien

laisse laisse
laisse filer

un jour de jeûne
une révérence
un pas de deux
et moins que rien

laisse laisse
laisse filer

messe de pâques
une espérance
un baisemain
et rien de moins

laisse laisse
laisse filer

une ascension
un compliment
quelques caresses
et rien de rien

laisse laisse
laisse filer

une pentecôte
une promesse
un cinq à sept
et moins que rien

laisse laisse
laisse filer

une fête-dieu
une louange
une sieste à deux
et rien de moins

laisse laisse
laisse filer

une toussaint
une remontrance
un lit pour deux
et rien de rien

laisse laisse
laisse filer

laisse laisse
laisse filer

22 décembre 2009

mercredi 16 décembre 2009

giclée d'azote

l'archange du givre aquarelle le pré et la vigne
ne reste qu'une feuille au noisetier
le merle est descendu en ville
la paysanne aussi

j'ai pris froid à l'âme
et à l'os
est-ce une larme qui gèle à la moustache

le lutin du houx prunelle le sous-bois
ne reste qu'une pomme d'api sur la table
le renard est descendu en ville
l'ivrogne aussi

j'ai des frissons à la tendresse
et dans la cervelle
est-ce un caillot gelé dans la veine cave

l'angelot de la brume tempère la roselière
ne reste qu'une macroule sur le lac
les scarabées dorment en ville
l'amoureuse aussi

j'ai l'onglée à l'encre du poème
et au nœud de la gorge
est-ce un vent du nord dans la soufflerie

la vouivre du solstice fresque la sapinière
ne reste qu'une souche au dévaloir
le cerf s'approche de la ville
la braconne aussi

j'ai des gelures à mon silence
et à mon plexus
est-ce une giclée d'azote dans les neurones

j'ai mis du sucre glace dans ma tisane

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman
16 décembre 2009

dimanche 13 décembre 2009

et c'est l'hiver

devant moi de l'autre côté du val
un village qui n'est qu'une rue
l'école et l'église le café et l'épicerie
les maisons des familles
plus loin les fermes les écuries
et les prairies

l'air est jaune et gris
le froid remonte du torrent
et s'inscrit dans les vignes
c'est un après-midi de solitude
c'est l'hiver

un paysan brûle du foin pourri
les planches du vieux poulailler
et des tonnes de sueur inutile
une fumée lourde et acre
enveloppe les granges et le cimetière
le chagrin est immense et brûle mal

l'air est beige et gris
le froid remonte les vernes
et s'inscrit dans les vergers
c'est un après-midi de torpeur
c'est l'hiver

une homme jeune et sombre
brûle des lettres et des photos
des promesses en fagots
des serments secs et tordus
une fumée acide et bleue
enveloppe la chambre et le grenier
la jalousie est une épine et brûle à vif

l'air est gris et gris
le froid remonte le mur de pierre
et s'inscrit dans le cellier
c'est un après-midi d'ennui
c'est l'hiver

un homme sans âge et sans colère
fume une cigarette avec lenteur
sa vie est en cendres et en souvenirs
il s'agrippe à son mégot et à son banc
une fumée blanche et fine
enveloppe sa prière et son adieu
la vie est une brindille et brûle vite

l'air est indigo et gris
le froid remonte les veines
et s'inscrit dans la cervelle
c'est un après-midi du monde
et c'est l'hiver

devant moi de l'autre côté du val
un village allume ses réverbères
l'air est indigo et anthracite
c'est le soir sur le monde
et c'est l'hiver

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

13 décembre 2009

vendredi 11 décembre 2009

l'essentiel est fragile

tu sais madame

quand s'éteint la bougie
ce filin de fumée bleu acre
quand s'arrête la pluie
la goutte ruisselant de travers
quand s'accroche la dernière feuille
le cerisier hésite et s'ébroue
quand sourit le dernier dahlia
l'abeille engourdie et perdue
quand la vie s'amenuise et se fait vapeur

tu sais madame
l'essentiel est fragile
ne le détourne pas

c'est vrai madame

une place au soleil
dans un village du midi
une tourterelle turque
sur le coq du clocher
un refrain trois fois renié
par l'accordéon de la rue
un foulard dénoué
sur une épaule nue
la vie s'amenuise et se fait vapeur

c'est vrai madame
l'essentiel est fragile
ne le mensonge pas

tu sais madame

quand la soupe tiédit
attendant l'inquiétude et l'incompris
quand la persienne s'ouvre
sur un matin brouillard et absent
quand le cheval se couche
remâche sa langue et le champ de course
quand le satellite renonce
désagrège l'abonné et son message
quand la vie s'amenuise et se fait vapeur

tu sais madame
l'essentiel est fragile
ne l'escarbille pas

c'est vrai madame

une boucle de cerises noires
à l'oreille indiscrète et surprise
un collier d'arsenic et de jade
sur la nuque frêle et condamnée
une marmelade de sanguines et d'épices
sur un pain tiède de campagne
un serment de deux sous
dans un papier crépon et cramoisi
la vie s'amenuise et se fait vapeur

c'est vrai madame
l'essentiel est fragile
ne le désamorce pas

c'est vrai madame
l'essentiel est si fragile
qu'il nous fera danser
sur le fil de l'eau

tu sais madame
sur le faufil de l'eau

sans gêne ni rapière

11 décembre 2009

mardi 8 décembre 2009

vers le pardon

une pivoine éclatée
sur un chemin de givre
un pic ensanglanté
sur un tapis de pives
un poumon boursouflé
pour un chagrin d'asphalte
une veine avortée
pour une joie de basalte
des genoux écorchés
pour un chemin de croix
un chant exténué
pour la première fois
le remords oublié
sur un lit d'infortune
et ce secret confié
au bottin de la lune

je ne sais pas
je ne sais pas vraiment
je ne sais pas
aller vers le pardon

une saute de vent
sur le sentier des vignes
un oiseau s'enivrant
d'une grappe d'amigne
un adieu étouffé
au loquet de la porte
un sanglot ravalé
un amour qui avorte
une promesse vendue
sur l'étal infidèle
un pavois descendu
feu sur la citadelle
la défaite annoncée
sur un lit d'infortune
et ce secret confié
au bottin de la lune

je ne sais pas
je ne sais pas vraiment
je ne sais pas
aller vers le pardon

un ormeau qu'on abat
sur la route des anges
un cri un branle-bas
un sourire dans ses langes
c'est des mains qui se tordent
quand la peur castagnette
c'est des vagues qui mordent
la queue de la comète
c'est un torrent à sec
quand les larmes sont bues
un coq claquant du bec
sa poule a disparu
la renarde est passée
sur son lit d'infortune
et ce secret confié
au bottin de la lune

je ne sais pas
je ne sais pas vraiment
je ne sais pas
aller vers le pardon

un chant de crépuscule
dans la radio des morts
une vie qui bascule
y a plus personne à bord
une veillée funèbre
dans la maison voisine
ce vin donne la fièvre
quand les amours chagrinent
je veux une guitare
pour chanter mes tourments
je veux une fanfare
pour célébrer l'instant
un simple menuet
sur mon lit d'infortune
et mon secret confié
au bottin de la lune

je ne sais pas
je ne sais pas vraiment
je ne sais pas
aller vers l'abandon

8 décembre 2009

lundi 7 décembre 2009

derrière la vitre

quelle est la vie d'un homme
derrière la vitre

reflet de soleil
on ne le voit qu'en courts instants
on ne le voit qu'en bribes
ses mouvements sont décidés
il hésite et s'arrête

on ne sait pas s'il renoue le fil

quelle est la vie d'un homme
derrière la vitre

ruissellement de pluie
on ne le voit que déformé
on ne le voit qu'embué
il réfléchit ou il pleure
il abandonne et fuit

on ne sait pas s'il rejoint la rive

quelle est la vie d'un homme
derrière la vitre

à contrejour
on ne le voit qu'en silhouette
on ne le voit qu'en fantôme
il est virtuel il disparait
il fait une ombre immense qui s'envole

on ne sait pas s'il touche à terre
on ne sait pas vraiment
s'il fait partie des vivants

quelle est la vie d'un homme
derrière la vitre

qui osera pousser l'interrupteur

quelle vie de l'autre côté de la vitre

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre
7 décembre 2009

dimanche 6 décembre 2009

un petit air lala

un petit air lala

un maigre chœur profane
invite à la fête
dans le passage de la gare

ça sent le sandwich et la petite bière
ça sent la valise mouillée
et le déodorant à la va-vite
et pis surtout ça sent le sapin
ça sent le sapin

un petit air lala

un accordéon autiste
renifle un psaume tiers-mondiste
sur le parvis du supermarché

ça sent le vin chaud humanitaire
et le pain d'épice équitable
ça sent la bougie à la cannelle
et pis surtout ça sent le sapin
ça sent le sapin

un petit air lala

un violon roumain
miaule les yeux noirs
sur la terrasse de la brasserie

ça sent le velouté de courge à la morille
ça sent la choucroute du terroir
ça sent l'atriau à l'humagne
et pis surtout ça sent le sapin
ça sent le sapin

un petit air lala

un pantin mécanique
nasille un hymne à la paix
à la porte de la cathédrale

ça sent la mandarine et l'encens
ça sent les lumignons et le repentir
ça sent la foi mauvaise et sa cuvée tradition
et pis surtout ça sent le sapin
ça sent le sapin

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol


6 décembre 2009

lundi 30 novembre 2009

noeud de cul de porc

Dans un pays bricolé de marais, de talus et de marais, ils avaient fait des lois pour les grenouilles, les veaux, les bénitiers et le sainfoin. Ils étaient très contents de leurs jardinets, de leurs horloges à ressort et de leurs urnes en bois d'arole sculpté. Dieu était assis sur les premières marches de leur constitution. C'était ainsi de toute éternité. Et vraiment il n'y a aucune raison que cela change. L'un deux, et le non moins teigneux, a dit que les grenouilles des Balkans étaient de vilains crapauds, et le sainfoin d'Istanbul de l'herbe aux gueux.

La petite ficelle s'est réveillée dans un nid de vipères, dans un pays peureux, froid et fermé.

Elle avait pourtant servi, colorée et soyeuse, à dessiner le contour d'un pays démocrate sur le mur de la classe. Les enfants avaient bien rigolé quand ils avaient ouvert un passage sud-nord. Avec le même ciseau qui découpait des croix et des croissants.

Dans la même période tranquille et bienheureuse, ils avaient utilisé toute la pelote pour empaqueter des pots de miel pour un ours convalescent. Une discussion un peu virile avec un homme au cerveau éclairé à la bougie avait été stoppée net par une malheureuse balle de policier. Encore une qu'on n'exportera pas dans un pays en guerre. De religion.

De l'homme, on ne sait presque rien. Sinon qu'il a été interrogé et qu'il n'a pas tout boulotté son test de Rorschach. Dans l'indifférence générale, la petite ficelle va l'aider à relier ses neurones.

Au chapitre des morts, un train déraille à cause d'une bombe en Russie faisant trente-neuf morts et une centaine de blessés. En Suisse, des voitures chavirent à cause de la neige. On dénombre au moins un mort. Sur le pouce.

Devant la ferme jappe un chien infidèle. En ce temps de cochonnailles, la petite ficelle fait des nœuds de cul de porc aux saucissons de campagne.

30 novembre 2009

samedi 28 novembre 2009

derrière les arbres nus

derrière les arbres nus
un soleil de banlieue
imprécis et distant
un monde en absence

des femmes et quelques hommes s'impliquent
la liberté est une ronce
la paix est une énigme
et l'âme humaine est barbouillée

derrière la brume mauve
les vignes lie de vin
indolentes et figées
un monde en suspens

des femmes et quelques hommes s'agitent
la liberté est un lierre
la paix est une chimère
et l'âme humaine est confite

derrière le fleuve noir
une route froide
noire et glissante
un monde en instance

des femmes et quelques hommes s'inquiètent
la liberté est belladone
la paix est une fumée
et l'âme humaine est en lambeaux

derrière la place d'arme
un brasero timide
mouillé et fumant
un monde en silence

des femmes et quelques hommes se lamentent
la liberté est en berne
la paix est en loque
et l'âme humaine est dénudée

derrière le nouveau cimetière
un hôpital en jachère
vide et pénitent
un monde à contresens

des femmes et quelques hommes vont en guerre
la liberté est en feu
la paix est en sang
et l'âme humaine est un vieux psaume

derrière mon jardin
un talus de givre
abandonné priant
un monde en vacance

des femmes et quelques hommes se rencontrent
leur liberté est un leurre
leur paix est en jeu
et l'âme humaine est une vieille espérance

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman


28 novembre 2009

samedi 21 novembre 2009

novembre

novembre se tait
écheveau de feuilles
dernière guêpe
raisin gelé

novembre vibre
chant de la cloche
soleil jaune
vol d'étourneaux

novembre à genoux
pieds de choux
monceau de bois
vin nouveau

novembre dort
brume vaporeuse
écorce de verveine
feu qui danse

novembre disparait
poème étourdi
piano de verre
citron et miel

novembre se meurt
soupirs transparents
ta peau brûlante
notre silence

novembre s'abandonne
lanterne discrète
ambre immortelle
notre calice est bu

novembre profond
novembre secret
novembre à refaire

nous le referons

sans gêne ni rapière

21 novembre 2009

vendredi 20 novembre 2009

jouer c'est pas du jeu


il a levé la voix
elle recompte les heures
la vie a pris du poids
tricotant du malheur
jouer à cache-couche
derrière la remise
l'amant fait une retouche
à l'accroc sans reprise

elle criait liberté
il tirait la grenaille
l'enfer est vérité
la jalousie tenaille
jouer à chat pendu
à retrousse-valises
quels fruits sont défendus
pour la belle insoumise

il a baissé les bras
elle pleure doucement
des lendemains de fête
raisonnent à leurs tympans
jouer à pigeon nage
dans une mare d'eau grise
regarder le carnage
sur la gorge promise

elle a fermé la porte
il bave dans un verre
un vrai chagrin l'emporte
dans un éclat de guerre
jouer à la marelle
au bord de la banquise
ranimer la querelle
devant la reconquise

ils ont fermé les yeux
en desserrant les poings
leur amour plein de bleus
le remord cousu main
jouer à qui perd perd
le gros lot c'est la mouise
pour solde d'inventaire
un bonheur qui se brise

20 novembre 2009

dimanche 15 novembre 2009

un mot qui manque

à tes yeux je serais faraud
et mes gestes bien théâtraux
un mot qui manque un mot de trop
avec la peur et le sang maestro
tu ris je suis ton saltimbanque
un mot de trop un mot qui manque

dans la nuit froide mon brasero
ta chienne m'a planté les crocs
un mot qui manque un mot de trop
avec la peur jus de sureau
ton désamour m'a rendu branque
un mot de trop un mot qui manque

un point sur le plan du métro
je joue les durs un vrai maraud
un mot qui manque un mot de trop
avec la peur la sueur escroc
fermées les portes de la banque
un mot de trop un mot qui manque

je cherche refuge au bistrot
coup sur coup je deviens poivrot
un mot qui manque un mot de trop
avec la peur la soif accro
rien qu'un petit mec à la manque
un mot de trop un mot qui manque

vienne la guerre je s'rai héros
et serre un peu plus le garrot
un mot qui manque un mot de trop
du sang des larmes c'est ma nécro
une simple messe à Sénanque
un mot de trop un mot qui manque

15 novembre 2009

mercredi 11 novembre 2009

dans une heure

quelque chose a vrillé
au fond de son regard
les passants et les automobiles
sont un tableau abstrait
une nature morte qui fuit
elle ne sait plus très bien
si elle fait partie de l'œuvre
ou si elle est hors du monde

la tisane est brûlante et trop sucrée
l'horloge sur le comptoir la fusille du retard
un peu de rouge aux joues aux lèvres au cœur
dans une heure elle sera belle et heureuse

le ventre ravagé
par le maléfice des certitudes
et le bénéfice des doutes

quelque chose a craqué
dans le feu de ses yeux
les piétons et les cyclistes
sont un film d'animation
une science-fiction qui déjante
il ne sait plus très bien
s'il fait partie de la circulation
ou s'il est dedans l'écran de contrôle

la météo est mauvaise et trop forte
le compteur sur le tableau de bord le fusille du retard
un peu d'alcool aux joues aux lèvres au cœur
dans une heure il sera fier et heureux

le cerveau ravagé
par le maléfice des certitudes
et le bénéfice des doutes

quelque chose a flambé
au creux de ses veines
les sémaphores et les gyrophares
sont un video-game survolté
un feu d'artifice qui explose
elle ne sait plus très bien
si elle traverse le napalm
ou si elle est game over

le cendrier est fumant et trop plein
le miroir derrière le comptoir la fusille du retard
un peu de panique aux joues aux lèvres au cœur
dans une heure elle sera laide et soumise

et si elle l'abandonnait

le ventre ravagé
par le maléfice des certitudes
et le bénéfice des doutes

quelque chose s'est dissout
dans la machinerie du sang
les enseignes et les vitrines
sont un concert ultra rock
un sons et lumières qui s'ecstasy
il ne sait plus très bien
s'il est calé sur replay
ou s'il est Larsen à jamais

le haut-parleur est pourri et trop de basses
l'aiguille du volume le fusille du retard
un peu de haine aux joues aux lèvres au cœur
dans une heure il sera calmé et veuf

si jamais il la trouvait

le cerveau ravagé
par le maléfice des certitudes
et le bénéfice des doutes

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman


11 novembre 2009

lundi 9 novembre 2009

d'orme de saule et de frêne

dans la valise d'un vent d'est
des sachets de sable roux
le musc des chameaux et la sueur des chameliers
l'odeur du sel
et une pluie d'étoiles fraîches
le noisetier a dansé une danse lascive
et s'est retrouvé nu dans un rayon de soleil

la hache a donné le signal
du bois d'orme de saule et de frêne
je m'écartèlerai dans les bûches

au creux de la silhouette de la colline plein sud
des tombereaux de feuilles
des grappes de sorbiers et de sureaux
crottins de sanglier
l'odeur de moisissure
et la ligne blanche du ciel
le peuplier est minaret
sur le sentier de la ville

l'allumette a donné le signal
du bois d'orme de saule et de frêne
je me dissoudrai dans les flammes

au fond du val vers l'ouest
les nuages de l'atlantique
une pluie froide des brumes aigres
les chevaux mouillés agglutinés sous le noyer
les bottes des paysans sous les tables du bistrot
l'odeur de la terre
et la buée sur la vitre
le sapin noir est menaçant
sur chemin de l'école

le nœud qui craque a donné le signal
du bois d'orme de saule et de frêne
je me fondrai dans les braises


au-delà de la falaise qui file vers le nord
des coulures de ciel noir
l'air est de glace le vent est de lame
les bouquetins dorment dans la neige
le naseau clos l'œil éteint
l'odeur de l'urine
et la lune qui balance
l'arole se crispe
dans le couloir d'avalanche

un long soupir a donné le signal
du bois d'orme de saule et de frêne
je me disséminerai sous les cendres

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

9 novembre 2009

samedi 7 novembre 2009

noeud de vache

Dans la petite ville heureuse, le temps va se mettre aux guirlandes, fils de pêche ou câbles métalliques, selon le poids ou l'humeur. La réclame n'a pas attendu le jour des morts pour vanter le luxe nécessaire. Se recommandent : chapons et dindes, nobliaux et notables. Dans les veillées d'automne, quand les terrasses se vident de fumeurs, et les cafés sont vides de vivants, quelques uns tissaient le piège, glu et nœud coulant.

Dans la ville heureuse, le bon président suivait tranquille le fil électrique de son vélo sans se soucier des sautes de vent mauvais sur la passerelle, juste un regard à droite au carrefour des corbeaux, et un coup de frein au giratoire des opportunistes. Quelques clous sur le parcours, des punaises sur la chaise, des pétards chinois dans les dossiers, et des nids de pourriture dans l'immeuble. Combien sur le marché des dupes une peau de président ? Oh presque rien, juste un costard de notable et une livrée trop grande pour des jeunets aux dents longues. Et un nœud papillon pour la rancune. La petite ficelle lâche un gros soupir et l'étiquette "farces et attrapes".

La santé est vendue sous mensonge. On renifle devant l'assurance. On tousse dans son portemonnaie et on voudrait bien cracher à la face des malandrins. Mais la pandémie nous l'interdit. L'état de droit est en quarantaine, on est prié de ne pas déranger.

Au chapitre des morts, il me reste encore quelques larmes et quelques rires pour saluer le départ de dame Carole Roussopoulos, si grande dame et si noble de pensée et d'éthique. Qui dira à ce cimetière sous le château sa chance et son honneur ?

A l'abri dans son fumoir, la petite ficelle prend bien note ce soir qu'un quarteron de démocrates est passé maître dans la pratique du nœud de vache.

7 novembre 2009

qui de nous deux


les fous rires les rires doux
sans rien dire c'est dire tout


je ne sais plus très bien
qui de nous deux parbleu
est l'arbitre du jeu

tu commences ma phrase
je finis ton dessert
j'atterris sur ta base
tu peuples mon désert
je suis ta métastase
tu deviens mon cancer
tu m'enfermes alcatraz
je te tiens dans mes serres


je ne sais plus très bien
qui de nous deux bon sang
détient notre serment

tu danses tu m'embrases
j'en oublie tes misères
je le dis sans emphase
ton chant est mon concert
et mon sang dans ton vase
et le tien fait geyser
nos désirs sont en phase
de plaisirs émissaires


je ne sais plus très bien
qui de nous deux crénom
délivre l'abandon

tu m'enveloppes de gaz
je rebois ton sancerre
je repars un peu naze
ton ivresse est sincère
je ne rate pas l'occase
grappiller ton rosaire
je vais toucher l'extase
ton désir me lacère


je ne sais plus très bien
qui de nous deux vingt dieux
est l'arbitre du jeu

les fous rires les rires doux
sans rien dire c'est dire tout

7 novembre 2009

samedi 31 octobre 2009

sur les trottoirs

sur les trottoirs des défaites
des silhouettes dessinées à la craie
est-ce un massacre
est-ce un décor
petite marelle
petite musique de clarinette
avenue du paradis
l'urgentiste est pantois
l'inspecteur est perplexe
les blessés ont fui
les cadavres ont disparu
quelqu'un a pourtant tracé ces contours
qu'est devenu l'unijambiste

sur les trottoirs des migrations
des valises des remorques et des chaises à porteurs
est-ce un exode
est-ce un décor
une barrière de police
un roulement de tambour
impasse de l'espérance
le vigile est confus
le commissaire est confit
les passeurs ont fui
les arrivants ont disparu
quelqu'un a pourtant brûlé des passeports
qu'est devenu l'unijambiste

sur les trottoirs des misères
des cabas des caddies et des cadets roussel
est-ce un marché
est-ce un décor
une caisse enregistreuse
une musique d'ambiance
boulevard des vitrines
la caissière a les nerfs
le policier a le bourdon
les mendiants ont fui
les loubards ont disparu
quelqu'un a pourtant sonné l'alarme
qu'est devenu l'unijambiste

sur les trottoirs des guerres civiles
des barricades des incendies et des carmagnoles
est-ce une bataille
est-ce un décor
un jet de grenade
une sonnerie de clairon
promenade des brancards
le snipper est soulard
le commandant est junkie
les civils ont fui
les secours ont disparu
quelqu'un a pourtant donné l'assaut
qu'est devenu l'unijambiste

sur les trottoirs des insurrections
des chansons des fourches et des spartacus
est-ce une épopée
est-ce un décor
des bâtons de dynamite
le chant des cerises
escalier des tortures
l'ingénieur est docile
le juge est soumis
le droit a fui
le drapeau a disparu
quelqu'un a pourtant parlé démocratie
qu'est devenu l'unijambiste

sur les trottoirs des sépultures
une bruyère un mémorial un apatride
est-ce un abandon
est-ce un décor
de l'eau bénite et de l'encens
un requiem tragique
quai des hommages
le servant de messe est hagard
l'évêque est ailleurs
la compassion a fui
le pardon a disparu
quelqu'un a pourtant délivré promesse
qu'est devenu l'unijambiste

quelqu'un a pourtant donné un ex-voto
qu'est devenu l'unijambiste
quelqu'un a pourtant muré la porte de l'église
qu'est devenu l'unijambiste

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

31 octobre 2009

mercredi 28 octobre 2009

de deuil d'air et d'eau

un rapace vole haut dans le ciel
tout est rouge et fauve
tout est roux et feu

la chasse ah la chasse
un mouvement un reflet
la faim ah la faim
un mouvement une ombre

un campagnol visite le talus
tout est rouge et sucre
tout est roux et miel

cueillir ah cueillir
une graine une baie
ronger ah ronger
une tige une racine

chacun prend sa lumière et sa chaleur
chacun donne son ventre et son cou
chacun pose son arme et son casque
chacun vit le danger et la quiétude

un homme s'est mis à chanter
devant la petite chapelle
une chanson grecque

de deuil
d'air et d'eau

tout est azur et vif
tout est cobalt et froid

chacun prend son envol
chacun donne sa folie
chacun dépose sa douleur
chacun vit de deuil

de deuil
d'air tout est azur
d'eau tout est cobalt

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

28 octobre 2009

dimanche 18 octobre 2009

octobre m'a mis en joue

octobre
m'a mis en joue
de beige et marron

du givre
sur la prairie
meurt la capucine

lumière
à ras les rocs
ombres et menaces

octobre
m'a fusillé
d'ocre et de carmin

l'air a pris
de l'épaisseur
drames et mystères

les vignes
rendent leur jus
d'ivresse de folie

octobre
m'a mis en joue
grenade et bordeaux

fumée bleue
sur la forêt
pins incendiés

un renard
gobe les œufs
bat la poule en neige

octobre
m'a fusillé
en mauve et violet

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

18 octobre 2009

samedi 17 octobre 2009

comment renouer la vie

qu'est-ce qui se passe
après le dernier applaudissement
quand le chanteur rejoint sa loge
et que la salle est allumée

on a goûté au sublime
on est touché à l'intime
comment réapparaître
et comment renouer la vie

les mots redeviennent des mots
ou des borborygmes

qu'est-ce qui se passe
après la dernière image sur l'écran
quand sur le générique passent des ombres
et que la salle est allumée

on a goûté au sublime
on est touché à l'intime
comment rejoindre la surface
et comment renouer la vie

on se met à beugler devant la caverne

qu'est-ce qui se passe
après le dernier accord
quand les musiciens quittent la scène
que les instruments se taisent de la musique d'avant
et que la salle est allumée

on a goûté au sublime
on est touché à l'intime
comment reprendre souffle
et comment renouer la vie

on se brise les écailles sur les cailloux de la berge

qu'est-ce qui se passe
quand le peintre pose son couteau
et se détourne du tableau
quand la palette s'endort de térébenthine

il a goûté au sublime
il a touché à l'intime
comment renaître
et comment renouer la vie

on parle le lézard sur les trottoirs de la ville

et puis ne pas renaître
devant ce si grand tableau
quel tintamarre
sur le chemin des remparts

quand le dernier neurone
éclate de rouge
et disparait de noir
qu'est-ce qui se passe

quand la dernière connexion
surchauffe d'argent
et crame d'anthracite
qu'est-ce qui se passe

ô cette ultime fureur de peindre
cette immense présence de ciel
et cette coulure vermillon sur les rochers

qu'est-ce qui se passe

et quelle odeur de souffre et d'ammoniaque

comment renouer la vie
comment

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

écrit devant le Concert de Nicolas de Staël
Antibes 15 octobre 2009

vendredi 9 octobre 2009

alors t'aimer

le vent qui pousse le mauvais temps
barbouille sa gueule au brou de noix
je frémis sous la chemise
et rumine de méchante bruine

le feu dans la grange et du caillou dans le poumon
j'étouffe une illusion
et jette au ciel un faisceau de grimaces

le sombre prend pouvoir

alors aimer
aimer à l'arrache-clou
alors t'aimer
t'aimer à la tenaille

le soir qui s'avance
maquille sa gueule à la suie
je tremble sous le chandail
et macère de mauvaise sueur

la grêle dans les avoines et une brûlure dans les reins
j'étrangle un souhait
et jette au ciel des pétards de vigne

l'angoisse prend pouvoir

alors aimer
aimer au fer à décaper
alors t'aimer
t'aimer à la soude

la nuit qui est là
mâchure sa gueule à l'asphalte
je frissonne sous le paletot
et distille une humeur vive

la pourriture dans le fromage et de l'urée dans le sang
je noie une espérance
et jette au ciel une écuelle de larmes

l'effroi prend pouvoir

alors aimer
aimer à la varlope
alors t'aimer
t'aimer à la gouge

et te lustrer à la toile émeri

sans gêne ni rapière

9 octobre 2009

lundi 5 octobre 2009

waldhôtel

la vallée file vers le sud
cul-de-sac
qui s'arrête devant une muraille de rocs et de glaces

dans les belles années du tourisme alpin
ils avaient construit un hôtel
de luxe et de sérénité
électricité et eau à tous les étages
la calèche amenait
des familles anglaises qui cherchaient
du roc nouveau et de l'herbier rare
d'énamourées allemandes qui réclamaient
du poitrail rupestre et du mollet paysan
des cantatrices italiennes qui soignaient
leur voix de tisanes et d'oxygène

quelques pas dans la neige
du feu dans l'âtre
un bol de lait chaud au miel et aux herbes
une randonnée dans les nuages
du fromage fondu sur du pain
une friction d'alcool de gentiane
une sieste sur la terrasse sud
le rire des casse-noix
et du pain de poires séchées

les touristes riches ont conquis de nouveaux territoires
les paysans sont descendus à la ville
travaillent dans la chimie et l'énergie
les anglaises cultivent l'orchidée dans de châteaux d'asie
les allemandes frottent leur peau à des poitrails basanés
les italiennes chantent au piano-bar des casinos

le waldhôtel a perdu son charme et son confort
il n'y a qu'un wc par étage
la douche est commune et le lavabo de caserne
l'eau tiède geint dans le radiateur
le plancher grince et la fenêtre ferme mal
l'épilobe et la ronce ont envahi le jardin


la vallée file vers le sud
cul-de-sac
qui s'arrête devant une muraille de rocs et de glaces


le waldhôtel a fermé
sombré dans l'oubli


SHQH TAR
SIH MEHMET KISNEHT
KNRTDERLI
MARASLILAR
AKSIL SPERLII

l'administration en a fait un foyer de requérants d'asile

quelque part dans un fichier central
une liste exhaustive de noms et prénoms
âges approximatifs et nationalités identifiées

destins sri-lankais, kurdes ou kosovars
météores nigérians, somalis ou afghans

le pays a encore verrouillé ses frontières
la quête de l'asile
cul-de-sac
qui s'arrête devant une muraille de rocs et de glaces

le waldhôtel n'est plus un foyer
un bûcheron batave et sa femme en ont fait une pension de montagne
havre pittoresque où flottent encore les fantômes
des anglaises, allemandes ou italiennes

humer ces parfums de femmes
rêver du grain de leur peau
valser sur leurs chansons


SHQH TAR
SIH MEHMET KISNEHT
KNRTDERLI
MARASLILAR
AKSIL SPERLII

quelque part sur un fichier central
destins sri-lankais, kurdes ou kosovars
météores nigérians, somalis ou afghans

gravés à la hâte sur la porte de la chambre 301
quelques mots dans un alphabet nouveau et malhabile
la trace de destins de météores


SHQH TAR
SIH MEHMET KISNEHT
KNRTDERLI
MARASLILAR
AKSIL SPERLII

quelque part dans le fichier de l'homme
nous dira-t-on ce qu'ils sont devenus

la vallée file vers le sud
cul-de-sac
qui s'arrête devant une muraille de rocs et de glaces

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre


4 octobre 2009

dimanche 20 septembre 2009

un seul geste de toi

les pieds nus sans boussole
je longe les roseaux
je fais le rossignol
total amoroso
danse le tournesol
sous le poids de l'oiseau

un seul geste de toi
et j'ai la peau heureuse


tu traverses le pré
tu nages dans le trèfle
ton chemin est diapré
clair-obscur bas-relief
ton pas est chaloupé
élégant noureïev

une audace une pose
et j'ai la peau heureuse


parmi les capucines
je m'assois au jardin
tu sais tu me fascines
me ferai baladin
de désir me calcine
je suis rendu bredin

un seul geste de toi
et j'ai la peau heureuse


tu entres dans ta chambre
et tu te déshabilles
contre-jour reflets d'ambre
le soleil est vanille
tu souris et te cambres
brûlantes banderilles

une audace une pose
et j'ai la peau heureuse


j'entre dans ton jardin
pour humer tes jonquilles
le geste est libertin
ton muscat je grappille
dans le creux du satin
le plaisir nous fusille

un seul geste de toi
et j'ai la peau heureuse
une audace une pose
et j'ai la peau heureuse
20 septembre 2009
mis en musique et créé
à la Ferme-Asile à Sion
le 16 janvier 2010
par Hervé Chavanon
merci

jeudi 17 septembre 2009

les migrateurs

le soir monte de la peupleraie
une dentelle de brume
et un rosaire de feuilles sèches
un jappement dans les roseaux
et un envol de canards

ils ont fait un brasero
dans un tonneau de fuel
qui les rassemble
quelle feuille de route
quel ordre de marche

deux enfants somnolent dans une couverture
ça sent l'urine et le lait caillé
une femme fredonne une berceuse slave
quatre cordes à sa guitare
un grelot à sa cheville
trois hommes se disputent un chemin sur la carte
une bouteille de gnôle est un signal de trêve
un patriarche caresse un mousquet
qui se souvient des colonies
guerres sans nom et sans héros
une mama prie tous les saints du calendrier
chacun sa protection
chacune son martyre

la nuit se tisse dans les branches
un tricot de brouillard
et un chemin de croix de ronces
un ululement bref
et la mort campagnole

ils ont fait un brasero
dans un tonneau de fuel
qui les rassemble
quelle feuille de route
quel ordre de marche

un chien gris lèche une patte blessée
ses yeux coulent et il a mal aux dents
un enfant renifle
un autre pleure en silence
une femme remonte sa robe
et danse une mazurka d'amour
le chemin est une piste aux étoiles
un homme mime le trapéziste sur la frontière
son frère au nez rouge marche sur des verres en pyrex
un troisième fait le nain en marchant à genoux
il faut rire et chanter
il faut boire et danser
un patriarche ricane et flatte sa troupe
une mama claque un ora pro nobis
à la saint Barthélémy

la nuit est tendue sur le fossé
un ourlet de rosée
et un chapelet d'épines
un sifflet de sirène
et un coup de feu

le brasero est éteint dans le tonneau éventré

quand les services de sécurité sont arrivés
ils ont touché la peur, l'abattement et l'abandon

qui les disperse
quelles directives quelle procédure
quels formulaires quelle déshumanité
quels matricules quelle abomination


le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

17 septembre 2009

vendredi 11 septembre 2009

pour traverser

tant souffert tant souci
cimetière et boursoufflure

le vent s'est levé vertical
dansent noix et noisettes
la montagne athée ne bouge pas
elle mange un peu plus de ciel
le soir est acide et tremblant
pour traverser ta nuit
me ferai soudard

tant souffert tant souci
sarabande et serpentine

un arbre est tombé
emportant la route
le marché aux poissons
ne nourrit plus son homme
la pivoine a roulé
devant le motocycliste
pour traverser ton matin
me ferait soudard

tant souffert tant souci
ciboire et sacrifice

l'orme s'est défeuillé
le long d'un dimanche
à l'heure de la messe
le troisième larron s'est enfui
l'orgue hésite entre tango et mazurka
pour traverser ton printemps
me ferai soudard

tant souffert tant souci
prothèse et statuaire

le raisin a pourri
méprisant la grive et le sansonnet
triste noce l'eau est restée eau
et la mariée a cassé son talon
le garçon d'honneur a crevé l'accordéon
pour traverser ta vie
me ferai soudard
soudard et bandit

tant souffert si souci
tant souci si souffert

sans gêne ni rapière

11 septembre 2009

madame l'évêque

madame l'évêque a mis des perles à sa mitre
un jour je lui ferai un poème

madame l'évêque a mis du vin dans son vin
un jour je lui ferai une noce

madame l'évêque caresse son sceptre à deux mains
un jour elle me sexcommunie

madame l'évêque s'est trompée de jésus
un jour je lui serai prie-dieu

madame l'évêque depuis choisit son paradis
un jour je lui ferai un enfant

sans gêne ni rapière

11 septembre 2009

dimanche 6 septembre 2009

je suis une étoile famélique

c'est une musique
un chant de femme
mélopée païenne dans une église
tambour de deuil et d'espérance
un désaccord violent et tonique

c'est une musique
un rituel
venu des entrailles et de la caverne
venu des poumons et de la mer

il est l'heure des abandons
et de solitude nécessaire
ouvrir la fenêtre et fermer le voilage
je suis une étoile famélique
et mensongère

c'est une musique
une cantate fanfaronne
des cuivres et des bois dans un souterrain
cymbale et grosse caisse d'ivresse et d'orgie
des claquements et des chevauchées

c'est une musique
une sublimation
venue des pieds et de l'orage
venue de l'aorte et du champ de bataille

il est l'heure des renoncements
et de colère nécessaire
ouvrir la fenêtre et fermer le rideau
je suis une étoile famélique
et lapidaire

c'est une musique
une complainte de contrebasse
un hurlement dans la forêt
une vibration de transe et de folie
un staccato en vrille et chute libre

c'est une musique
une démesure
venue de la cochlée et du typhon
venue du cervelet et de la tornade

il est l'heure des enfermements
et de silence nécessaire
ouvrir la fenêtre et fermer la tenture
je suis une étoile famélique
et meurtrière

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

6 septembre 2009

dimanche 30 août 2009

je suis une fleur tragique

quelques âmes traversent l'étang
et les roseaux

je suis une fleur tragique
et charcutière
le pistil incarnat
le pétale rouge sang
et l'étamine en crochet

est-ce une guerre pour enfant soldat
une guérilla de banlieue
un cortège nuptial sous les bombes

des revenants traversent le marais
et les roseaux

je suis une fleur tragique
et apothicaire
le pistil ocre
le pétale pisseux
et l'étamine en sac de bile

est-ce une camisole pour enfant hystérique
un costume de bloc opératoire
quelques pas en peignoir dans le couloir

des feux follets traversent le terrain vague
et les roseaux

je suis une fleur tragique
et luminaire
le pistil fréon
le pétale blanc froid
et l'étamine en fusible

est-ce la foudre sur un enfant roux
un éclair barbe à papa
un retour d'école sous l'orage

quelques souvenirs longent le canal
et les roseaux

je suis une fleur tragique
et funéraire
le pistil en berne
le pétale en crêpe noir
et l'étamine en ébène

est-ce un chant sans espoir pour enfant perdu
un dies irae sordide
un deux trois soleil
soleil brûlure et sang

je suis une fleur tragique
et donne au vent ma semence

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman


30 août 2009

mardi 25 août 2009

baiser de canicule

tu cours le guilledou
en suivant ton pendule
tu fais le casse-cou
sans peur du ridicule
panne de ventricule
baiser de canicule

un amour aigre-doux
que ton vin acidule
braises sur le licou
brûlantes tentacules
tes je t'aime gesticulent
baiser de canicule

silhouette amadou
jeu de fesses qui ondulent
cette danse te secoue
dans l'ardent crépuscule
lis ce chaud fascicule
baiser de canicule

qu'il est bon ce mois d'août
ses amours et bidules
ces jésus qu'on décloue
bouquets de renoncules
ce désir majuscule
baiser de canicule

24 août 2009

noeud trompe la mort

Un grand président d'un petit pays, ou un petit président d'un grand pays, personne n'a pu me préciser, s'est fondu, confondu, devant un dictateur. Il était question de commerce, de pétrole, et peut-être de ventes d'armes. Au bout de la petite ficelle sont agrippés deux otages. Une question de poids, de mesures, ou de valeurs.

Sous une grande chaleur dans une ville ensoleillée, une bouteille de boisson sucrée, thé vert et agrumes. Sur l'étiquette, après le message de santé, de fraîcheur et de bonheur, une phrase sur les ingrédients : contient des antioxydants qui soutiennent notre organisme dans son combat contre les radicaux libres. Peut-on recommander cette boisson aux parlementaires qui devront élire un nouveau conseiller fédéral dans quelques semaines? Avec l'innocence de la petite ficelle invisible qui donne vie à un portemonnaie sur le trottoir.

Un parmi ceux-là, s'est fendu, confondu, d'un sonnet particulièrement bien sonné. Un jury esthète et expert l'a adoubé. Hélas, jouant, jouant et rejouant la victime perpétuelle, il s'est ému d'une disparité pour la lecture de sa perle. Qui a dit que poésie et civilité devaient forcément faire bon ménage? Pandémie ou pas, personne ne nous oblige à une poignée de main.

Au chapitre des morts, il suffit parfois de lire les annonces mortuaires pour trouver une voiture d'occasion, un appartement, une place vacante à un emploi convoité. Ou, plus trivialement, une veuve à consoler.

Au jeu du nœud trompe la mort, le plus serré peut devenir le plus lâche.

25 août 2009

mercredi 19 août 2009

comment dit-on

à la une de ce matin
un démon noir a fait sa course
a-t-il couru trop vite
a-t-il couru trop noir
ainsi va la mémoire du stade de Berlin

une présidente pâle a une panne
comment dit-on médaille en führer

le criquet à ailes rouges étourdi de soleil
a plongé dans une bouche d'égout

au sommaire du télé journal
des enfants vendent des épices
des hommes achètent des munitions
et les femmes versent leur sang
ainsi va le marché de Kaboul

un président noir a eu un blanc
comment dit-on la paix en taliban

le bourdon ivre de tournesol
a plongé dans l'herbe sous la patte du chat

à la une de ce matin
des ouvriers disparaissent dans le ventre de l'usine
la fée électricité sème aussi la terreur
l'ampoule du frigo fait une lueur de viande
ainsi va l'énergie en Sibérie

un président blanc a un trou noir
comment dit-on profit en rouble

le lucane cerf-volant fou d'amour
a foncé droit dans le piège électrique

au sommaire du télé journal
la guerre de la drogue est une guerre civile
la mort rugit sans ONG
combien de lignes de tir pour une ligne de coke
ainsi va le commerce à Ciudad Juarez

un président latino a un oubli
comment dit-on impunité en mexicain

l'araignée en dépression tisse un nœud coulant
dans le coin sombre de sa toile

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

19 août 2009

mercredi 12 août 2009

faire le pas

oh cette odeur de moisissure
et tu ne sais plus
si c'est dans ton corps ou dans ta cuisine
la radio grésille un monde parasite
dix sous de bière et une plaquette de gardénal
tu n'ouvres plus ton courrier
et ton calendrier n'a pas de jours meilleurs

faire le pas
faire le premier pas
va te faire poutre et va te faire foudre
ce n'est pas si facile
de se pendre à la ronce
ni de se noyer sous les jets d'eau

oh cette lumière blafarde
et tu ne sais plus
si c'est dans ta tête ou sur ton lit
la télé vomit de la guerre et du rêve
dix francs de tabac et une gourde de gnôle
tu mets ton courrier au feu
et ton calendrier n'a que des mois d'hiver

faire le pas
faire le premier pas
va te faire peindre et va te faire ceindre
ce n'est pas si facile
de se pendre au groseillier
ni de se noyer dans une flaque

oh cette sonnerie d'inquiétude
et tu ne sais plus
si c'est dans tes oreilles ou dans ton quartier
internet déverse des viscères et du sexe
dix billets d'herbe et de la valériane en sachet
tu ne reçois plus de courrier
et ton calendrier affiche le jour des morts

faire le pas
faire le premier pas
va te faire pondre et va te faire fondre
ce n'est pas si facile
de se pendre au bambou
ni de se noyer dans la pomme d'arrosoir

oh ce silence d'angoisse
et tu ne sais plus
si c'est dans ton cœur ou dans ta ville
le monde est vide et la vie est absente
dix grammes de poudre et quelques vitamines
il n'y a plus ton nom sur ta boîte aux lettres
et ton calendrier n'a que des nuits

faire le pas
faire le premier pas
va te faire pendre et va te faire fendre
ce n'est pas si facile
de se pendre au pied de chou
ni de se noyer dans tes larmes

il ne te reste qu'à manger une brassée de bardane

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman


12 août 2009

lundi 10 août 2009

noeud de pendu

Des hommes ont couru dans la montagne, des femmes et des enfants aussi. Sans obligation et sans panique. Sans raison, a pensé le bouquetin. Ça sent la pommade et la boisson vitaminée dans toute la vallée. Les fromages de la prochaine quinzaine auront un goût de pharmacie et de sparadrap. La petite ficelle a rêvé de modifier le parcours en faisant une immense boucle qui ramènerait ce troupeau de course quelques encablures plus bas sur le même chemin, et ainsi de suite jusqu'à la fin des temps. Ou pire, par un accès de méchanceté, diriger, tel des gnous, dans le grand trou de l'Ill. Mais la petite ficelle est sage, qui s'est contentée d'attacher aux arbres les messages de publicité d'une banque, essoufflée aussi.

Les grands de ce monde sont l'objet de menaces de mort, ainsi s'émeut la presse du jour. N'importe quelle petite lâcheté peut mettre une balle dans une enveloppe et l'adresser à une maison blanche, rouge ou brune. Un milligramme d'adrénaline ou l'illusion de faire trembler un puissant. Le service universel de la poste permet de tisser des liens entre tous les individus de la planète. Combien de menaces, de décisions arbitraires, de messages absurdes pour une déclaration d'amour? Et combien de personnes assassinées sans la moindre menace? La petite ficelle de la carabine à bouchon se souvient d'un sabotage innocent qui avait libéré le projectile dans l'œil du chat.

La petite ficelle avait depuis longtemps abandonné l'idée de retenir le perroquet sur son perchoir. Quel brouhaha de bonheur lorsqu'il s'agrippait à l'épaule de la vieille dame, et quel rire tendre lorsqu'il lui pinçait l'oreille pour une friandise. D'un sérieux le plus sombre et sans le moindre soupçon de ridicule, le rapport du médecin-psychiatre argumenta un penchant avéré à l'automutilation.

Au chapitre des morts, le vieil homme est allé se pendre à la grange. La poutre, toute de fidélité et de loyauté, n'a ni tremblé ni gémi. Elle est restée muette, tant et tant que deux lunes ont passé avant qu'on ne le trouve.

A quel âge apprend-on aux garçons le nœud de pendu?

10 août 2009

lundi 3 août 2009

noeud d'attaque

L'homme avait les cheveux jaune roux. Comme un tournesol. Il avait le rire clair et vif comme une truite de rivière. L'orage de juillet l'a cueilli dans la matinée. Au jardin, la tomate, le tournesol, la mauve et le haricot se sont enchevêtrés, les bouts de ficelle ayant cassé. J'avais gardé comme un parjure la petite ficelle qui retenait la gerbe à son cercueil.

Est-ce la même mèche ? Des régions méditerranéennes flambent. Ça et là on noue le feu et le vent pour dévorer la garrigue. Un militaire, un fanatique, un berger, un enfant, chacun détricote l'écheveau de haine et d'imprudence. La petite ficelle a une odeur de soufre et de gasoil. Un joli nœud sur un bouquet d'immortelles est un bien faible alibi.

L'administration sociale a remonté le fil des choses et du temps. Elle a écrit à une femme morte l'hiver dernier une lettre d'excuse pour une allocation erronée. Le veuf recevra trois francs six sous pour mieux éponger son deuil. La petite ficelle du boulier de fonctionnaire est fière d'avoir réparé l'injustice.

Sur l'alpe, le garde-chasse, le vétérinaire, le berger et le chien Patou font le décompte des moutons égorgés par le-la-les loups. La ficelle à gigot est en regret et empaquète la perte du moutonnier.

Au chapitre des autres morts, une philippine de cœur et de pieds, un nègre blanc, une journaliste rouge. Les hommes tombent des rocs et des balustrades. Et des ruisseaux enlèvent des enfants. La légende de Moïse n'est pas une légende suisse.

Au bout de la petite ficelle, une récompense pour celle ou celui qui tissera un nœud d'attaque.

3 août 2009

samedi 18 juillet 2009

le vol agaçant du frelon

comment étancher son chagrin
un lac de sel et de purin
le vieillard compte sa grenaille
aux devantures sans lendemain
on lui refuse un verre de vin
réservé pour les funérailles
comment étancher son chagrin

le vol agaçant du frelon
donne le ton à ma chanson

comment désaltérer sa haine
un aigre jus dans la fontaine
l'enfant borgne court dans le pré
sous l'admiration des marraines
sa mère essore une joie vaine
ce bonheur-là est faisandé
comment désaltérer sa haine

le vol agaçant du frelon
donne le ton à ma chanson

comment éponger sa nausée
une flaque noire dans les idées
l'ivrogne amoche sa figure
sur le trottoir du grand café
du caniveau c'est la tournée
y a plus de soleil dans sa biture
comment éponger sa nausée

le vol agaçant du frelon
donne le ton à ma chanson

comment inonder son courroux
un marigot au fond du trou
le prisonnier tisse sa corde
de fil barbelé de vieux clous
suffit à peine un tour de cou
pour jouir de miséricorde
comment inonder son courroux

le vol agaçant du frelon
donne le ton à ma chanson

comment abreuver sa colère
un filet jaune au cathéter
la femme chante une farandole
sous une couverture d'éther
en plein été voilà l'hiver
sans cri s'éteint la barcarole
comment abreuver sa colère

le vol agaçant du frelon
donne le ton à ma chanson
le vol agaçant du frelon
donne le ton à ma chanson


18 juillet 2009

dimanche 12 juillet 2009

clef de pied

Le ministre de la santé a une vilaine verrue plantaire qui le fait souffrir. Son conseiller affirme une fois de plus que ce n’est qu’un petit caillou dans sa chaussure. Le ministre hésite à répudier son conseiller ou ôter son mocassin. Lassitude ou dédain, il choisit de quitter son ministère. Ira tremper ses pieds dans un bassin d’alpage. Le petit-lait et l’épinard sauvage feront le reste. Qui choisir pour le succéder : un va-nu-pieds ou un marcheur sur braise ? La petite ficelle propose un cul-de-jatte.

Une course cycliste va traverser le pays. Franchira des vignes et des prés à vaches. On a mobilisé l'armée, la police et les pompiers. On a confisqué l'argent du sport et du tourisme pour le bénéfice d'une station de ski qui refuse les directives du ministre de l'économie. La petite ficelle est prête à dégoupiller le bouchon de la pompe à purin.

Dans un souci de salubrité publique, les fumeurs sont bannis des lieux publics. Bientôt des villes et des villages, des chemins et des plages, des alpages et des parcs. Depuis l'interdiction, quelques bâtisses ont brûlés. Peut-être le fait de fumeurs apeurés et honteux. La petite ficelle souhaiterait voir disparaître le portrait au cigare du rédacteur en chef du quotidien de la vallée du Rhône, dernier espace public d'expression.

Au chapitre des morts, on est dans l'attente à oxygène. Point n'est besoin de perdre haleine.

Dans la famille corde à nœud, la petite ficelle est pisse-vinaigre et s'escrime à dénouer une clef de pied.

12 juillet 2009

et soin de vous

dans le cerisier ricane un pic
jeux d’eau et cris d’enfants
l’adolescente tire le rideau
sa radio hurle un mièvre slow
dans la fumée du barbecue
j’entends les rires apéritifs

l’origan est en fleur madame
prenez garde aux abeilles
et soin de vous

pour peu que le ciel ne s’ébroue

au potager le chat guette un papillon
jeux d’enfants et chansons d’eau
l’adolescente suce son pouce
écrit un poème en anglais
dans les flammes du barbecue
j’entends grésiller les merguez

la rose trémière se balance madame
prenez garde aux cassures
et soin de vous

pour peu que le ciel ne penche

dans l’azur le busard piaule
l’eau ne joue plus et l’enfant pleure
l’adolescente cache un bouton
et c’est son ventre qui palpite
dans les braises du barbecue
j’entends craquer les papillotes

la capucine aimerait danser madame
prenez garde aux bourrasques
et soin de vous

pour peu que le ciel ne bascule

dans le frêne se querellent des piafs
les enfants se battent à coups de jets
l’adolescente se défenestre
sa chambre est au rez-de-chaussée
autour des cendres du barbecue
j’entends les commentaires digestifs

la fleur de mauve est un calice madame
prenez garde aux douleurs
et soin de vous

pour peu que le ciel ne tombe

sous le noisetier un merle mort
la fontaine fraichit et l’enfant dort
l’adolescente finit les verres
chante une chanson paillarde
cendres mouillées du barbecue
j’entends gémir les vieillissements

la vie est une fleur de liseron madame
prenez garde à vos deuils
et soin de vous

pour peu que le ciel ne dorme

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

12 juillet 2009

mardi 30 juin 2009

en fauchant

elle pataugeait dans le carmin
couleur de ses amours proscrites
vils fantassins
vieux crève-la-faim
elle s’amouracha d’un ermite
elle s’amouracha d’un ermite

elle but le plaisir rédempteur
en s’essuyant d’une imposture

elle rampait dans le lavandin
blouse légère de carmélite
pauvre arlequin
beau malandrin
ah les beaux mâles qu’on décapite
ah les beaux mâles qu’on décapite

elle enjôla le fossoyeur
en le lavant de ses souillures

elle cisaillait le romarin
le long des allées interdites
fier pèlerin
faux clandestin
elle se savait la favorite
elle se savait la favorite

elle séduisit un monseigneur
ignorant toute forfaiture

elle s’allongeait dans le jasmin
pour une pamoison subite
juste un câlin
mais tant humain
sa destinée sera maudite
sa destinée sera maudite

en enlaçant un noir faucheur
elle ne sentit pas sa morsure

en enlaçant ce noir faucheur
elle ne sentit pas la mort
en enlaçant la faux
elle ne sentit pas
en fauchant
elle

30 juin 2009

dimanche 28 juin 2009

fermer les paupières


chemise froissée
cœur en charpie
les yeux brûlés
par l’incendie
tu sens ta main
frôler son sein
tu sens ta main
frôler son sein

combien de temps
pour jouir de la vie
combien de vies
pour mesurer le temps
tu peux souffler la lumière

robe troussée
au pied du lit
les peaux cramées
c’est l’incendie
elle sent ton droit
fouiller sa loi
elle sent ton droit
fouiller sa loi

combien de temps
pour jouir de la vie
combien de vies
pour mesurer le temps
tu peux baiser ta geôlière

les draps souillés
quelles blessures
cœur fatigué
trop d’aventures
tandis qu’elle dort
sans bruit tu sors
tandis qu’elle dort
sans bruit tu sors

combien de temps
pour jouir de la vie
combien de vies
pour mesurer le temps
tu peux quitter ta civière

valise prête
dans l’escalier
gloire ou défaite
cœur estropié
le coq hésite
chante ta fuite
le coq hésite
chante ta fuite

combien de temps
pour jouir de la vie
combien de vies
pour mesurer le temps
tu peux pousser la barrière

une autre ville
un cabanon
maigre mobile
mauvais filon
efface tes traces
éteins ta race
efface tes traces
éteins ta race

combien de temps
pour jouir de la vie
combien de vies
pour mesurer le temps
tu peux brûler la tanière

chaussures usées
larmes aux genoux
corps épuisé
remords au cou
vol de corbeau
derrière ton dos
vol de corbeau
derrière ton dos

combien de temps
pour jouir de la vie
combien de vies
pour mesurer le temps
tu peux passer la frontière

c’est pas un lit
c’est un tombeau
une vieille vie
à l’échafaud
nouvelle couture
à ton armure
nouvelle couture
à ton armure

combien de temps
pour jouir de la vie
combien de vies
pour mesurer le temps
tu peux fermer les paupières

combien de temps
pour jouir de la vie
combien de vies
pour mesurer le temps
tu peux fermer les paupières

28 juin 2009

mardi 23 juin 2009

sans blooooog

les mots dansent sur l’écran
une étincelle une lueur un feu follet
on trouve le bon mot
le trempe dans un mauvais vinaigre
et l’enjolive d’un cardère
surgit une allusion
macérée dans le fiel

le voici le pamphlet sinon l’anathème

un clic et le voici parti
jusqu’aux étoiles jusqu’à obamaland jusqu’aux soirées de téhéran
et jusqu’aux lèvres de la censure

un nobliau de province s’offusque
reprend deux fois des gouttes
et agite la clochette vengeresse
rataplan
un clown nez creux et cils barbelés
sort un gros portemonnaie vide en cuir d’opprobre
il réclame de l’argent à la maigre assemblée
en disant
sans blooooog

les touches frétillent sur le clavier
un grain de sable un gravier un pavé
on trouve la phrase implacable
la noue dans un bouquet de gaillardes
et la parfume de lisier
surgit une pique joliette
et c’est une hallebarde

le voici le billet sinon l’exécution

un clic et le voici parti
jusqu’au soleil jusqu’à l’académie jusqu’aux pas perdus
et jusqu’au billot de justice

une vieille star de la pensée enrage
respire des sels
et sonne son bodyguard
rapataplan
un clown dent creuse et crâne mirador
porte un coffre-fort vide en acier d’innocence
il réclame mille écus au gardien de chambre
en chantant
sans blooooog

les pensées fourmillent sur la toile
une comique une chronique une résistance
on fomente un dialogue
on roule dans la farine
et on grille aux épices
surgit une parole citoyenne
et c’est un parjure

la voici la critique sinon la diffamation

un clic et la voici partie
jusqu’à la lune jusqu’à l’inquisition jusqu’aux heures sombres
et jusqu’au compte bancaire

les nobliaux et les penseurs
agitent la plainte et la réparation en monnaie
quand le clown à grands gestes cloue une bouche
c’est mille gueules qui s’ouvrent
et qui crient
mon blooooog

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

23 juin 2009

dimanche 21 juin 2009

solstice

il est tard à l’horloge
ce jour ne veut pas finir
la montagne vibre ses pastels
et le ciel restera bleu

dans son lit
la jeune fille repousse le drap
et dénude sa poitrine
dans sa chambre
le jeune homme
tressaille et transpire

solstice dans les champs
et feu de la saint-jean
c’est la fin du printemps

il est trop tôt au réveil
cette nuit ne veut pas venir
la montagne est un lavis mauve
et le ciel éclate de prusse

dans sa robette à fleur
la jeune fille frétille
et oublie un bouton
dans son costume de laine
le jeune homme
frémit et se sent à l’étroit

elle monte à l’église
comme une communiante
par le chemin des chèvrefeuilles
il descend à la messe
comme un officiant
par le sentier des sureaux

solstice dans les champs
et feu de la saint-jean
c’est la fin du printemps

il est l’heure fidèle au clocher
le prêtre parle d’amour et de renonciation
les paroissiens pensent à l’amour et au vin de noix

voici le temps de l’élévation

dans son émoi
la jeune fille fait des œillades
à saint-antoine de padoue
dans sa tête
le jeune homme embrasse à pleine bouche
sainte-thérèse de lisieux

solstice sur l’étang
et bal de la saint-jean
c’est la fin du printemps

c’est plus tard dans la nuit
qu’une veuve sans sommeil
a vu l’enfant de chœur
baiser les pieds de marie-madeleine

solstice dans les prés
la si bonne rosée
c’est le jus de l’été

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

21 juin 2009

mardi 16 juin 2009

de son sac de toile

il descend du train
quand la chevêche regagne son clocher
au café de la gare à cette heure
on sert du café et de la bière
il demande un bouillon et le nom d’une rue

quelles amours qui portent un nom de sainte

de son sac de toile
il sort du tabac à rouler
et un médaillon d’argent sale

il traverse la place
quand le hobereau saigne une pigeonne
à l’armurerie à cette heure
on vend des couteaux de chasse et des pièges à loup
il demande de la poudre noire et le nom d’un juge

quelles amours qui portent un nom de vierge

de son sac de toile
il sort un harmonica
et une mèche à détonateur

il longe le fleuve
quand le martin-pêcheur assomme un alevin
au tire-pipe à cette heure
il y a des peluches et le décolleté de la patronne
il demande des fleurs en plastique et un prénom de femme

quelles amours qui portent un nom de ville

de son sac de toile
il sort une carte d’Asie
et des lunettes de glaciers

il frappe à une porte
quand le rossignol chante dans le peuplier
à l’étage à cette heure
on offre de la tisane et des serviettes chaudes
il lui demande un lit et lui dit son prénom

quelles amours qui portent un nom de rivière

de son sac de toile
il sort une bague
et un extrait de naissance

il ôte ses bottes
quand le hibou chante au clocher
dans la chambre à cette heure
on dénoue les nattes et les dentelles
il ne demande rien et reçoit la lumière

quelles amours qui portent un nom d’étoile

dans son sac de toile
il range l’atlas de son cœur
et un si beau chant d’amour

quelles amours qui portent un nom de passage

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre


16 juin 2009

dimanche 14 juin 2009

dans la balance

qu’est-ce que l’on met dans la balance
ne pas mourir par manque d’air
comme l’amour manque de chair
nous sommes sourds à la sentence
qu’est-ce que l’on met dans la balance
nous sommes sourds à la sentence

qu’est-ce que l’on met dans la balance
vrai mensonge en soie naturelle
pur sentiment mais si pluriel
pour un grand geste d’élégance
qu’est-ce que l’on met dans la balance
pour un grand geste d’élégance

qu’est-ce que l’on met dans la balance
on espérait une caresse
c’est avec l’ongle que l'on blesse
ô pardonnez nos négligences
qu’est-ce que l’on met dans la balance
ô pardonnez nos négligences

qu’est-ce que l’on met dans la balance
bal costumé dans la chapelle
un lien d’ortie dans les dentelles
pour connaître l’extravagance
qu’est-ce que l’on met dans la balance
pour connaître l’extravagance

qu’est-ce que l’on met dans la balance
la mauvaise foi se profile
sur le roc fidèle de l’île
pour aiguiser nos discordances
qu’est-ce que l’on met dans la balance
pour aiguiser nos discordances

qu’est-ce que l’on met dans la balance
on additionne des bouteilles
des rires et des pendants d’oreilles
pour ces cruelles confidences
qu’est-ce que l’on met dans la balance
pour ces cruelles confidences

qu’est-ce que l’on met dans la balance
ne pas mourir un jour de pluie
accordez-moi je vous supplie
un triste accord à la romance
qu’est-ce que l’on met dans la balance
un triste accord à la romance


qu’est-ce que l’on met dans la balance
ne pas mourir par manque d’air
comme l’amour manque de chair
nous sommes sourds à la sentence
qu’est-ce que l’on met dans la balance
un triste accord à la romance


14 juin 2009

dimanche 7 juin 2009

le mot le plus juste

le mot le plus juste est celui qu’on ne dit pas
le mot qui s’arrête aux lèvres est le mot juste

j’ai planté une borne au bout de mon taisage
j’ai cloué un sentiment au bout d’une beuglante

l’homme de ce pays remonte les pierres sur les montagnes
l’homme de ce pays remonte le sable dans le mur des barrages
l’homme de ce pays remonte la neige à coups de canons
l’homme de ce pays remonte le vin dans les glaciers

le mot le plus juste est celui qu’on ne dit pas
le mot qui s’arrête aux lèvres est le mot juste

j’ai noué une phrase à la grille du confessionnal
j’ai muré un chant dans l’escalier de la caserne

le pays de cet homme s’écroule en pierriers
le pays de cet homme déboule en cascades
le pays de cet homme s’effondre en avalanches
le pays de cet homme se rabote en ravines

j’ai tué un proverbe avec le fiel de ma langue
j’ai planté une fourche sur une idée de poème

le mot le plus juste est celui qui se grimace
le mot qui se pend à la glotte est le mot juste


le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

en guise de remerciement pour
le chant du bouquetin
de et avec Pierre-Isaïe Duc
Petithéâtre, Sion, 4 juin 2009


6 juin 2009

lundi 1 juin 2009

à notre dame

il y avait la promenade de l’étang
et le promontoire aux libellules
les arabesques des joncs et le cri d’une foulque
il y avait le sentier sous les vernes
et le lit de bruyère
le bruissement des trembles et le vol d’une abeille
il y avait

sur l’autel des promesses
une jeune fille dépose un muguet

il y eut les violons et les yeux noirs
la rencontre virile et les pleurs retenus
il y eut les gémissements et l’abandon
la marque du plaisir et le chant du coucou
il y eut

à notre dame des aveux
la pucelle du matin éclate de joie

il y avait le chemin des vignes
et le muret aux lézards
la musique du vent et le cri d’une huppe
il y avait la cabane de bois gris
et le matelas de crin
la mécanique des cigales et le vol d’une guêpe
il y avait

sur l’autel de l’espoir
une jeune femme dépose une gaillarde

il y eut des clairons et les dents blanches
les torses en sueur et les rires cornalin
il y eut des tornades puis l’air absent
la brûlure du plaisir et le chant de l’alouette
il y eut

à notre dame des remords
une voluptueuse allume un cierge

il y avait la route des luzernes
et le fossé aux criquets
la poussière des pollens et le cri d’une crécerelle
il y avait le carré d’ombre sous le tilleul
et le tapis de cresson
la mélodie du ruisseau et le vol du frelon
il y avait

sur l’autel du bonheur
une jeune mère dépose un myosotis

il y eut les timbales et les lèvres rouges
les mains ligaturées et le silence d’acier
il y eu un orage et la mitraille
la salve de l’horreur et le chant d’un busard
il y eut

à notre dame des douleurs
un veuve baise un chardon

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman



1 juin 2009

ça sent la lavande

la dernière étoile du matin file vers le sud
une brume froide glisse sur l’argent du lac
la brise fait valser la roselière
l’églantine est un violon d’insectes

ça sent la lavande dans ton chignon

le seul nuage de midi file vers l’est
un morillon déchire le miroir du lac
aucun mouvement dans la prairie de seigle
le coquelicot s’étiole de chaleur

ça sent la mauve dans ton corsage

le corbeau du soir file vers le nord
un montagne ocre se reflète dans le lac
un coup de vent couche les avoines
le sureau blanc est une invite à l’amour

ça sent le houblon sous tes jupes

sans gêne ni rapière


1 juin 2009

dimanche 24 mai 2009

j'ai mis une vareuse

ici c’est au plus bas dans la vallée
ici le lit du fleuve et son drap de limon
les pistes s’enlacent sur le sentier
l’épine-vinette et l’argousier
sereine et tragique la trace de la boiteuse
un sculpteur y a moulé son blason

une mouche dans la tisanière
et j’ai mis une capuche à mon stylo

ici c’est au plus pentu dans le coteau revêche
ici le talus de vigne et son muret ventru
il n’y a qu’un chemin parmi les ceps
forcenée et funambule la trace de l’ivrogne
un musicien y a rythmé son tango

une mèche de cheveux dans la soupière
et j’ai mis un chandail à mon porte-mine

ici c’est au plus sombre de la forêt
ici sous les mélèzes une trouée et son sommier d’aiguilles
marques de sabots et de souliers de marche
la pive, la mousse et le lichen
en force et en rage le passage du cerf
un photographe y a fixé une ligne de fuite

un chardon à la boutonnière
et j’ai mis un cache-nez à mon crayon

ici c’est au plus culminant de la crête
ici le pierrier austère et ses dentelles de névé
filin de sécurité et peinture rouge sur le roc
arole rabougri et rhododendron
au pic et à la dynamite le sentier de la falaise
l’architecte y a puisé son matériau

un clou de cercueil dans la bière
et j’ai mis une vareuse à ma plume

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

24 mai 2009

lundi 18 mai 2009

myanmar est un tombeau

sur un marché de soleil
on vend des chemises indigo
innocents achats de vacances

dans la même vallée
des paysans de plaine cultivent le coton
des paysans de montagne récoltent l’indigo
ils ont appris à se taire

ah ! le beau coton naturel
dans les jardins de l’ambassade
ils assurent que la birmanie est un pays beau

mais myanmar est un sarcophage


sur les docks du port
des ouvriers chargent des sacs de riz
qui nourrira l’europe et l’amérique

des troupeaux d’enfants et de jeunes femmes
travaillent dans les rizières
ils ont appris à se courber

ah ! le beau riz blanc
dans les salons de l’ambassade
ils affirment que la birmanie est un pays bon

mais myanmar est un cercueil


dans un bureau de rangoun
des industriels achètent du tek et du bambou
par forêts entières

des villages sont broyés
les villageois sont déportés
ils ont appris à disparaître

ah ! les beaux meubles de jardin
dans les chambres de l’ambassade
ils convainquent que la birmanie est un pays propre

mais myanmar est un sépulcre


dans un village frontière
des têtes de pavots transitent
par fourgons blindés

les prisonniers sont une main d’œuvre docile
et n’ont pas de syndicat
ils ont appris à mourir

ah ! si c’est de l’opium
si c’est de l’opium
dans la cave de l’ambassade
ils attestent que la birmanie est un pays libre

mais myanmar est un tombeau
aung san suu kyi le sait

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

18 mai 2009

dimanche 17 mai 2009

jour de mai

le premier soleil traverse le rideau de frênes
un insecte est posé sur un rai de lumière
une rousserole grésille une mésange grince
il y a un parfum de rosée dans ta chambre
je suis ce scarabée sur ta poitrine

jus d’orange

la radio des voisins claironne une chanson trisomique
un campagnol déjeune dans le potager
quatre jeunes tambours s’exercent au pas cadencé
il y a une odeur de pain grillé dans la cuisine
je suis cette gorgée de café dans ta bouche

miel de thym

la brise du sud soudoie le soleil de mai
un chat rampe jusqu’à une tache d’ombre
une libellule turquoise déchire le pré
il y a une senteur d’été sur nos peaux
je suis cette larme de sueur dans ton cou

huile d’olive

le ciel d’après-midi joue à saute-mouton
une pie s’énerve dans l’orme mort
les landaus et les grand’mères rentrent avant l’orage
il y a un relent de souffre et d’ammoniaque
je suis cette averse lourde et chaude sur tes reins

vin de grenache

sans gêne ni rapière


17 mai 2009

lundi 11 mai 2009

jusqu'à Satie

j’ai épousé une mante religieuse

pour se distraire
elle s’est mise au piano

l’automne elle a joué Chopin
l’hiver elle a joué Schubert
le printemps elle a joué Ravel

j’ai épousé une mante religieuse

pour se distraire
elle s’est mise au piano

elle a tout joué
Liszt et Mozart
Schumann et Beethoven

elle a joué jusqu’à Satie
elle a joué jusqu’à Satie

elle a joué tout l’été

jusqu’à Satie
jusqu’à Satie l’été jusqu’à Satie l’été

jusqu’à Satie
été

j’ai épousé une mante religieuse
pour se distraire

Satie
été

sans gêne ni rapière



11 mai 2009

je n'ai pas trouvé

je n’ai pas trouvé ton amour
dans le rayon des surgelés
l’ai déniché dans un’ barquette
d’artichauts et de pois mange-tout
tu fais sauter mon petit cœur
sous les néons du coin primeur
tu fais sauter mon petit cœur
sous les néons du coin primeur

je n’ai pas trouvé ton amour
chez la marchande d’allumettes
c’est seul’ment chez Pyrotechnique
que je trouve un tel artifice
tu bengales les mèch’s de mon cœur
avec tes fusées et pétards
tu bengales les mèch’s de mon coeur
avec tes fusées et pétards

je n’ai pas trouvé ton amour
au cinéma technicolor
une petite salle art et essais
nous le proposait à l’affiche
tu débobines mon petit cœur
avec ton nom au générique
tu débobines mon petit cœur
avec ton nom au générique

je n’ai pas trouvé lalala
en primeur lalala
tu sais bien
je n’ai pas trouvé lalala
en générique lalala
tu fais bien

je n’ai pas trouvé ton amour
aux salons de littérature
il est sorti d’un bout rimé
d’un poète de quatre sous
tu t’amuses à rimer mon cœur
avec les mots du quotidien
tu t’amuses à rimer mon cœur
avec les mots du quotidien

je n’ai pas trouvé ton amour
dans les grands creux du pacifique
il cabotait sur une flaque
d’une tout’ petit’ pluie de printemps
et tu joues à marée mon cœur
dans la folie de ta poitrine
et tu joues à marée mon cœur
dans la folie de ta poitrine

je n’ai pas trouvé ton amour
dans les grands creux du pacifique
il cabotait sur une flaque
d’une tout’ petite pluie de printemps
et tu joues à marée mon cœur
dans la folie de ta poitrine
et tu joues à marée mon cœur
dans la folie de ta poitrine


je n’ai pas trouvé lalala
arrimer mon cœur lalala
tu sais bien
je n’ai pas trouvé lalala
amarrer mon cœur lalala
tu fais bien


11 mai 2009

lundi 4 mai 2009

à la même minute

à la même minute
à deux villes d’intervalle
ils ont regardé l’horaire des trains
à la même minute
ils ont mesuré l’envie
trois heures à tuer
il n’y a pas loin de la pomme au pommier

au drugstore elle a pris un parfum fruité
un tube de rouge et des bonbons menthol
au kiosque de gare il a pris un magazine pour homme
un six-pack de bières et des préservatifs
il n’y a pas loin du tango à l’accordéon

à la même minute
à deux cent kilomètres de distance
elle a commandé un gin
il a décapsulé une canette
à la même minute
elle a maté un client au comptoir
il a reluqué une fille plus loin que sa revue
il n’y a pas loin de la jupe au désir

au troisième gin il s’appelait Antonio
fumait du tabac brun et lui parlait d’une ville blanche
à la troisième bière elle s’armait d’un sourire
il entamait sa roucoulade
il n’y a pas loin de l’avoine à la faux

à la même minute
à une demi-heure des retrouvailles
ils ont pris la tangente
à la même minute
ils se réinventent une vie
une mèche à consumer
il n’y a pas loin du crachat au bitume

au sixième gin elle l’a suivi dans sa voiture
un accroc à sa jupe
il manque un kleenex dans la boîte à gants
à la sixième bière il l’emmène aux toilettes
une encoche à son cœur
il manque un préservatif dans la boîte à conquêtes
il n’y a pas loin du noyé à la rambarde du pont

à la même minute
à l’exact rendez-vous
il n’y a personne
à la même minute
elle dégueule dans un parking souterrain
il prend un ticket pour l’enfer
quel chemin amer du pommier à la pomme
quelle trajectoire torve de la pomme au pommier

il y a parfois trop loin
une minute trop loin

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

4 mai 2009

dimanche 3 mai 2009

elle attend

l’almanach des bons mots
lui rappelle une date
ils dansaient sous l’ormeau
elle était lauréate
l’almanach la fait rire
qui a trouvé d’un saint
le prénom sans rougir
pour l’homme du chagrin
l’almanach illumine
un orage un éclair
surgi dans sa cuisine
c’était l’année lumière
l’almanach des bons mots
lui rappelle une date

soudain il fait froid dans sa loge
le regard vrillé sur l’horloge
elle attend

une auto est passé
le long des barricades
ils ont enfin pensé
lui faire sa promenade
cette auto est un leurre
elle sort de sa tanière
elle pensait le facteur
et c’est une infirmière
cette auto est un crime
son chauffeur est si beau
bien l’ bonjour la déprime
ce n’est pas pour sa peau
une auto est passée
le long des barricades

sa douleur fera la neuvaine
les yeux noyés dans la verveine
elle attend

la perruche s’effeuille
dans sa cage rouillée
elle siffle un air de deuil
sur sa fiente séchée
la perruche s’effrite
comme un bâton de craie
ses plumes font faillite
sa vie est sous décret
la perruche s’ennuie
elle compte les barreaux
repeint son cœur en suie
se pend à son anneau
la perruche s’effeuille
dans sa cage rouillée

ah ! s’endormir sous le tilleul
les yeux plongés dans les glaïeuls
elle attend

le chat se fait les griffes
sur le fauteuil usé
trônant tel un récif
devant la cheminée
le chat a fait contrat
avec satan lui-même
sa maitress’ il mordra
trahison suprême
le chat vend pour un rien
l’âme de la pauv’ dame
fait-divers de vaurien
on n’en f’ra pas un drame
le chat se fait les griffes
sur le fauteuil usé

tout doucement elle renonce
le cerveau croché dans les ronces
elle attend

elle sait ce triste glas qui sonne
elle sait très bien que plus personne
ne l’attend

1 mai 2009

faites silence

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure où le rouge-queue tresse son chant
c’est l’heure où frissonne sa dame oiselle
faites silence je vous prie

sur la grand’ place les pompiers paradent
trois tambours un clairon
le président, ses dames et le vin d’honneur
la majorette en jupe sur la grande échelle
la lance-incendie n’éteint pas les fantasmes
sur la grand’ place les pompiers paradent

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure où la sitelle perfore l’écorce
c’est l’heure où frissonne le noisetier
faites silence je vous prie

sur son lit d’hôpital une femme crache son cancer
trois pilules une perfusion
le médecin, ses assistantes et le traitement
les plaquettes sont au bas de l’échelle
la chimie n’éteint pas les braises de mort
sur son lit d’hôpital une femme crache son cancer

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure où s’accouplent les canards
c’est l’heure où frissonnent les roseaux
faites silence je vous prie

à la terrasse du grand café une femme pleure
trois sonneries un message
le serveur, ses amis et la terrible annonce
une armée de chats noirs sous son échelle
la bouteille de téquila n’éteint pas son chagrin
à la terrasse du grand café une femme pleure

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure où la chauve-souris acrobate le ciel
c’est l’heure où frissonnent nos peaux
faites silence je vous prie

à la porte de la prison un jeune homme tremble
trois bagarres un couteau
le juge, les flics et le verdict
dans sa tête une envie d’échelle
la musique à fond n’éteint pas sa terreur
à la porte de la prison un jeune homme tremble

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure à le coucou traverse le val
c’est l’heure où frissonne la forêt
faites silence je vous prie

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure où le doute respire
c’est l’heure où frissonne l’humanité
faites silence je vous prie

l’humanité frissonne
je vous prie

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman


3 mai 2009

lundi 27 avril 2009

pinponicaille et sacripant

le vent de l’est a mis dans ses valises
des pollens pionniers
des clarinettes folles
des parfums de musc
et des regards d’acier

au bas de la rue tartare
le mauvais garçon tresse une liane de cuir
au guidon de son vélomoteur

pinponicaille et sacripant

le vent du nord a mis dans son cabas
un vol de sternes
des chants dissonants
une odeur de hareng
et des rires banquises

au bas de la rue batave
une délurée gotique allume une clope à bout doré
et bave un gros mot à son portable

pinponicaille et sacripant

le vent de l’ouest a mis dans son sac de sport
des comics au ketchup
des prières soul ou gospel
des relents d’huile rance
et des certitudes in their god

au bas de la rue des palmiers
un indien blond marchande une turquoise de pacotille
à la gitane du tire-pipe

pinponicaille et sacripant

le vent du sud a mis dans son filet
des lentilles ou du sable
des mélopées et une nuit
des suées d’encens et de genièvre
et des serments d’étoiles

au bas de la rue des dunes
l’éphèbe un peu femelle vend son corps
et de la coke de bazar

pinponicaille et sacripant

la météo de nuit annonce une bourrasque nord ouest
dans son garage la costumière
prépare des panoplies guantánamo
des costards de traders
et des blouses d’infirmières

sacripant sacripant sacripant
et pinponicaille

un baromètre éberlué prédit une tornade sud est
dans un container des cousettes enchaînées
façonnent des gilets terroristes
des burkas de conférences
et des masques antigrippes

sacripant sacripant sacripant
et pinponicaille

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

27 avril 2009

dimanche 26 avril 2009

les chiens n'font pas des chats

on arrive on regarde
on cherche un sentiment
on échange un’ parole
une promesse un mensonge
on adresse un rencart
au buffet de la gare
y a des pâtes italiennes
et des chambr’ à l’étage

les chiens n’font pas des chats
et les chats font c’qu’ils veulent

on rougit on sourit
on peint sa vie en rose
on gomme ses défauts
on oublie les enfants
ça s’ra bien cette vie
tout un après-midi
six heures de vacances
dans une ville de province

les chiens n’font pas des chats
et les chats font c’qu’ils veulent

au moment de franchir
la porte de la chambre
on surprend un remords
pendu à la serrure
on l’écarte d’un geste
qui finit en caresse
elle fermera les yeux
quand tu te déshabilles

les chiens n’font pas des chats
et les chats font c’qu’ils veulent

le miracle des peaux
un peu de maladresse
redéfait l’écheveau
des chemins du désir
avec une inconnue
tu refais l’équation
de la dimension ixe
mêlés à tes y grecs

les chiens n’font pas des chats
et les chats font c’qu’ils veulent

on se rhabille en hâte
on fait gaffe aux cheveux
sur la jaquette en laine
tu paies discrètement
pendant qu’elle téléphone
à un autre quelconque
tu sors ton agenda
vous choisissez une date

les chiens n’font pas des chats
et les chats font c’qu’ils veulent

tu dis au r’voir madame
au bas de l’escalier
tu la trouves banale
et tu te sens vieilli
tu as franchi le pas
des amours clandestines
tu ressembles à papa
et elle ressemble à qui

les chiens n’font pas des chats
et les chats font c’qu’ils veulent

ton chien ne f’ra pas d’chat
et toi ce que tu peux
et toi ce que tu peux

26 avril 2009

maraudeur

le ciel est blanc comme un buvard
au bout d’la rue le réverbère
s’éteint et rentr’à son dortoir
le ciel est lourd comme une prière

un merle callasse trois notes
le poirier neige sous le vent
ton sourire me don quichotte
ton sein est mon moulin-à-vent

la cloche de six heures
m’annonce maraudeur

au bleu le ciel a pris rencart
au bout d’la rue le réverbère
s’ébroue le long du promenoir
au bleu le ciel fait des manières

un coucou rubinstein’ deux notes
le poirier salue vif-argent
ton pas de deux fraîche gavotte
me voici chevalier fervent

la cloche de douze heures
me fera maraudeur

le ciel est peint de rouge fard
au bout d’la rue le réverbère
fait le guet devant l’abreuvoir
le ciel est une grenade fière

écoute le chant de la linotte
le bon poirier fait paravent
à ces je t’aime qu’on chuchote
nous nous aim’rons à bout touchant

la cloche de vingt heures
m’a fait ton maraudeur
la cloche de minuit
me mettra dans ton lit

la cloche de vingt heures
m’a fait ton maraudeur
la cloche de minuit
me mettra dans ton lit


25 avril 2009

dimanche 19 avril 2009

jusqu'à quand

à quelle date le grand débarras
les héritages les promesses les perpétuations
la vigne de muscat et le pêcher au beau milieu
la grange dans le vallon et le sureau protecteur
à quand le vide-grenier
l’album où il manque une photo
les secrets de famille dans la boîte en fer blanc
la recette de la saucisse et celle de l’eau de coing

une litanie des saints pour les éphémérides
quelques béatitudes pour les journées à intention
la journée du sida après le jour des morts

je t’aime ô je t’aime
depuis le fond du moyen âge
je t’aime jusqu’à demain
et demain c’est lundi

à quelle saison le grand changement
les résolutions les promesses et les motivations
la chambre d’amis et le jardin des fleurs
la carte d’itinéraires et le lac de montagne
à quand la mue attendue
les nouvelles recettes et les nouveaux points de vue
une liste de prénoms et de villes inconnues
une porte coupe-feu pour barrer le passé

un recueil de dictons à rire et à pleurer
quelques biographies pour espérance
la journée de la sardine et la fête des mères

je t’aime ô je t’aime
depuis les borborygmes
je t’aime jusqu’à ma prochaine chanson
et je chanterai l’an pile l’exacte couleur

à quel mois le grand départ
les programmes les promesses les recommandations
les chaussures de marche et la photo passeport
le routard cinq étoiles et le dictionnaire espéranto volapük
à quand le dîner d’adieu
l’apéro verre à pied à l’étrier
l’embarras des pères et les larmes des mères
une tache de vin rouge sur un billet d’avion

une liste de numéros téléphone banque assurance
quelques adresses étapes
la journée de l’eau et le jour du poisson

je t’aime ô je t’aime
depuis les grandes migrations
je t’aime jusqu’aux vacances
et les vacances c’est la vie dans ta maison

à quelle heure la grande nouvelle
les déclarations les promesses les abandons
un serment jeté en l’air et un vol de papillon
un feu de fous rires un brasero de romarin
à quand la surprise sans surprise
l’oreiller de lavande et la dentelle de lin
ton regard méditerranée et ma peau provence
une corbeille d’épices et de fruits

un calendrier de rencontres et de désirs
quelques dates précieuses et secrètes
le jour des pivoines et la journée des malades

je t’aime ô je t’aime
je t’aime comme un malade
depuis le diagnostic
je t’aime jusqu’à la rechute
et la rechute c’est à chaque fois

je ne crois pas à la rémission
j’ai perdu cette foi
et je sais la date
et je sais quand

sans gêne ni rapière


19 avril 2009