1440 minutes

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editions d'autre part

mardi 15 février 2011

le goût du sang

le goût du sang
le goût de la charogne
et la fragilité d’un bleuet

la pianiste et son chasseur d’ivoire
jouent au pendu
sur le papier peint de la loge

le bruit des ventilateurs
le bruit du réfrigérateur
et la naïveté d’une tulipe

la chanteuse et le mécano de son âme
jouent à l’élastique
sur la piste d’envol


le goût de la mauresque
le goût de la sève d’arole
et la rogne du chardon

la fromagère et son cueilleur de sel
jouent au mouchoir
dans le cimetière des vaches

le bruit d’un vol de canard
le bruit des hélicoptères
et le souffle d’un coquelicot

la couturière et son homme de paille
jouent aux dés
sur le liseré du désir


le goût de l’interdit
le goût de la surprise
et la vanité d’une pivoine

la pianiste et son lanceur de marteau
jouent à ni oui ni non
dans le lit de la déraison

15 février 2011

lundi 14 février 2011

le ciel peut bien

dans la soucoupe du maître
des bonbons de liqueur
des sucres rares
des billets doux
des cachets pour l’angoisse
un chapelet d’ébène

le ciel peut bien se tendre
les horloges savent mentir
c’est l’heure où les gens se croisent
et les informations
et les étoiles

le livre de prières
a son sextant sur le mépris


dans la gamelle du sans-papier
un épi de maïs
une aile de poule
un billet de consigne
des pastilles de réglisse
un talisman d’ivoire

le ciel peut bien se déchirer
les portes savent se taire
c’est l’heure où les gens se lavent
et l’avenir
et les comètes

le livre d’histoire
a son sextant sur le mensonge


dans l’écuelle du diable
des miettes de serments
des crottes de bouc
un allume-feu-follet
des graines de piment
un pacte de foi

le ciel peut bien tomber
les lits savent brûler
c’est l’heure où les gens vivent
et les amours
et le soleil

le livre des tempêtes
a son sextant sur le hasard

14 février 2011

jeudi 10 février 2011

c'est bien là

c’est irrémédiablement là
au guichet du contrôle des habitants
qu’il me faut dépiauter
au démonte-pneu
le sens niché dans son coffre-fort
j’existe parce que je réponds aux critères de mon village
la préposée aux tampons
me regarde comme si j’étais un ragondin
à qui es-tu

moi je suis né sur le trottoir d’en face
là où les filles sont belles
là où les mâles les sifflent
là où les gens rient mangent et boivent
là où les enfants hip hopent la fin du monde


c’est immanquablement là
devant l’automate à billets
qu’il me faut décortiquer
au casse-noix
le bon sens derrière son code
j’existe parce qu’il y a mon nom au registre de l’école
la présidente de la commission scolaire préposée aux carnets
me regarde comme si j’étais un cancrelat
d’où sors-tu

moi je suis né sur le bord de la fenêtre
là où l’on grave des cœurs
là où les mouches meurent de sécheresse
là où le soleil fait briller l’encrier
là où les chaussons tangotent la table de quatre


ça ne peut être que là
devant le tronc d’église
qu’il me faut démonter
à la pince-monseigneur
le mauvais sens incrédule
j’existe parce que baptême et blasphème me refont le portrait
la diaconesse préposée aux hosties
me regarde comme si j’étais fils de l’enfer
que brûles-tu

moi je suis né sur l’étoile d’en face
là où le péché joue au loto
là où le purgatoire est un jeu d’enfant
là où l’éternité ne fait pas d’heure sup’
là où les anges salsent pareil au paradis


c’est très bien d’être là
bien d’être là
bien bien bien

10 février 2011

mardi 8 février 2011

la dame qui braconne

les chemins défoncés qui mènent à l’abreuve
une sapinière en friche qui attend l’incendie
des traces de bivouacs sous la falaise muette
une chute de séracs sur la harpe du lac

la dame qui braconne une thune d’amour
sa marmaille inventée au fond d’un sac à main
le quart d’heure de trop au guichet de l’ennui
la passion des sandwiches dans un pot de rillettes


des trottoirs mécaniques qui mènent à l’impôt
un brin de mimosa pour le club charité
un graffiti vengeur sur le mur de l’école
des confettis de plomb au carnaval police

la dame qui musarde les mallettes de cuir
son village oublié sur un ticket de train
la minute tranquille au bar des bonnes copines
dix grammes de luxure dans un sushi tempête


des boulevards inquiets qui mènent à l’oubli
des tilleuls en dentelles pour fabriquer du rêve
une borne d’acier au pont des orphelins
un manteau de corbeau croché à la potence

la dame qui renifle un bâton d’ADN
son rapport de tutelle caché dans sa bottine
la seconde implacable du premier tour de clé
un somnifère intrus dans des pastilles Vichy

8 février 2011

lundi 7 février 2011

quoi des poudres

des portes ouvertes sur la tempête
des cataplasmes de bergamote
le cri de ralliement des casse-noix
l’eau qui cogne sous la glace

des vitres teintées sur la miséricorde
des tisanes antiseptiques
la cloche des grandes crues
le torrent qui glapit

quoi des poudres et quoi des vilenies

les hommes qui s’avancent dans la plaine
portent des calicots et des espérances
les hommes qui chantent
ont pilé la menace et la guérilla


des ponts de corde sur les gouffres
de l’argile et des feuilles de choux
le rire du pivert
le lait du calcaire

des tonneaux sur des luges
une eau-de-vie d’herbes folles
le chant du soir de la bergère
le pur jus du glacier

quoi des poudres et quoi des vilenies

les femmes qui s’agenouillent dans le fleuve
portent des prénoms et des espérances
les femmes qui chantent
ont essoré la vengeance et le jugement


des trottoirs encombrés de journaux
des piles rechargeables pour la météo
le fou-rire de la boulangère
le blanc battu dans le calice

des analyses pour le calvaire
un mode d’emploi pour le bal
les boutons de culotte de la clarinette
la malvoisie on the rocks

quoi des poudres et quoi des vilenies

les hommes qui montent au château
portent des drapeaux et des espérances
les hommes qui chantent
ont bouchoyé le code et la raison


des lits de fortune dans la cour de l’école
du jus de saule et d’absinthe
un accord de principe sur le clavecin
le vin de messe dans la gourde

des rames de métro sur la grande scène
de la décongestine et du méthylène
des soupirs et des pauses sur les grandes orgues
du lait d’amande et du miel

quoi des poudres et quoi des vilenies

les femmes qui montent à la fête
portent des dentelles et des espérances
les femmes qui chantent
ont macéré l’amour et l’allégresse


quoi des poudres et quoi des vilenies
quoi des huiles et quoi des tétanies

les hommes qui couchent dans l’adultère
ont volé au chat botté le fourreau de sa dague
les femmes qui couchent dans la passion
ont donné au petit poucet la pilule du lendemain

quoi des poudres et quoi des vilenies
quoi des poussières et quoi des avanies

7 février 2011

jeudi 3 février 2011

et j'ai visé au front

les chiens errants
avaient fui aussi
le trottoir républicain et le caniveau démocrate
trois enfants-femmes sortaient de la salle de danse
il y eut un sifflement
il y eut une carmagnole
un ciel de cire sur les toits
les chiens errants aussi
j’ai armé ma fronde
avec mon cœur de pierre
et j’ai visé au front
le désespoir

les chiens policiers
avaient mordu aussi
la poussière apparatchik et le ballast dictatorial
trois adolescents énervés break dansaient dansaient
il y eut un souffle de feu
il y eut un chant des cerises
un ciel de braises sur les toits
les chiens policiers aussi
j’ai armé ma catapulte
avec les tables de la loi
et j’ai visé au front
l’arbitraire

les chiens-catastrophes
avaient levé la patte aussi
sur les gravats du sénat et du palais d’injustice
trois soldats désœuvrés sortaient du café de la paix
il y eut une sirène
il y eut un chant de guerre
un ciel d’enfer sur les toits
les chiens-catastrophes aussi
j’ai armé ma sarbacane
avec des pointes de haine
et j’ai visé au front
la bêtise

les chiens d’aveugle aussi
un ciel d’acier sur les toits
j’ai armé ma torpille
avec la mitraille de la colère
et j’ai visé au front
le mensonge

3 février 2011

mardi 1 février 2011

le héron fatigué

sur les grands rochers blancs
le héron fatigué
somnole et compte les vairons
son col est arthritique
et ses rémiges rouillées
il craint les chiens errants et les renards ivres
mais boit d’un œil la pècheresse
sur la berge en face
il repense aux étangs
il repense aux marais
la chanson des grenouilles
et la valse des joncs


sur une souche de saule
le héron fatigué
somnole et compte ses boutons de chemise
il est unijambiste
et sa bague est rouillée
il fuit les chiens de chasse et les pêcheurs ivres
mais boit d’un œil la bénédictine
sur la berge en face
il repense au canal
il repense au barrage
les larves des libellules
et la valse des roseaux


sur un bidon plastique
le héron dérangé
rajuste son entonnoir
il chante la grenouille et le bœuf
il siffle le crapaud buffle
et branle le beffroi du sonneur

le héron dérangé
bouffe un nénuphar rose
s’envole dans une déchirure
et fiente sur la capuche
de la pècheresse
le héron dérangé
dormira ce soir
dans une prairie de sel
devant une boîte d’anchois
et une mort subite

1 février 2011