1440 minutes

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editions d'autre part

vendredi 31 août 2012

le ciel du soir

dans un repli de nuage
de l’urine d’ange femelle
le ciel du soir sera sauvage et lumineux
 
drap de lin
sommeil dompté
corde de chanvre
 
 
dans un reflux de marée
une fiente de cormoran
le ciel du soir sera terrible et agité
 
drap de coton
sommeil condamné
corde de nylon
 
 
dans un recoin du jardin
une crotte de lièvre
le ciel du soir sera stupide et taquin
 
drap de chanvre
sommeil fusillé
ficelle de cochon
 
31 août 2012

jeudi 30 août 2012

le regard doux c'est simple

on n’y coupera pas
il faut domestiquer le torrent
à coups de trax et de dynamite
hé !
la montagne aussi veut descendre en ville
au dancing le gneiss et le granit
à la banque les crottes du bouquetin
à la poste la chanterelle
 
il a brandi la pioche
haro sur les grenouilles
elle a levé la faucille
haro sur les crapauds
 
on n’y coupera pas c’est simple
pour le maintien des boutons d’or
fumier fumier
pour l’avenir des chevrettes
clochette clochette
 
 
le regard doux des perce-neige
il faut breveter la porte de la prison
à coups de lois et de tampons
hé !
l’arole est un pilier du bistrot
à la terrasse la tarte aux myrtilles
à la table les pignons grillés
au comptoir les cacahuètes
 
il a soulevé le barrage
haro sur les gentianes
elle a cassé l’itinéraire
haro sur les pylônes
 
le regard doux c’est simple
pour la sauvegarde des tableaux noirs
falaises falaises
pour l’avenir des rhinolophes
clocher clocher
 
 
le vitrail bleu de la chapelle
il faut dénouer la bourse et l’héritage
à coups de ciseaux et de notaire
hé !
le nuage aussi au tout-à-l’égout
aux fonts baptismaux l’eau des tomates
à la couchette du sanatorium le venin
à la pierre du linceul le miel de sapin
 
il a cherché la hallebarde
haro sur les promesses
elle a brûlé la soupe
haro sur les mensonges
 
le vitrail bleu c’est simple
pour la protection des miracles
ciguë ciguë
pour l’avenir du pays
caillou caillou
pour l'avenir du pays
caillou caillou 

30 août 2012

mercredi 29 août 2012

à la mort de l'alouette

l’étreinte du bousier
un matin de labour
le soleil vidangé
sur un talus d’ambre
j’attache les villages
aux chaînes du râtelier
j’effile les clochers
sur la pierre à aiguiser
 
à la mort de l’alouette
je battrai le seigle sur ma tombe
 
le sourire de la litorne
dans le pré aux escargots
le soleil essoré
dans la brume des vernes
j’étrangle les rues
avec des nœuds marins
je jette l’ancre de mon rafiot
sur la plage des rémissions
 
à la mort de l’alouette
je foulerai ma vendange de mon pied bot
 
le bannissement des libellules
de la gouille asséchée
le soleil turbiné
dans la chute du jour
je distille les remords
à l’alambic du diable
j’équarris la foi du charbonnier
sur l’enclume cardinale
 
à la mort de l’alouette
je cesserai mes noix dans la sacristie
 
l’agonie du sphinx colibri
un dimanche d’orage
le soleil dégauchi
dans la menuiserie de l’ange
je creuse les patates
dans la cour de récré
j’écris les quatre-cents coups
sur le satellite familial
 
à la mort de l’alouette
je vendrai ma part d’Amérique
à la mort de l’alouette
je m’abandonnerai à la banquise

29 août 2012

mardi 28 août 2012

quelle vie après la floraison des nénuphars

quelle vie après la floraison des nénuphars
quelle heure à ta paupière
et quel partage du ciel
 
une touffe de plantain près du cognassier
une toile d’araignée sur l’étendage
la chorégraphie des pinsons
 
tu dessines un plan de cimetière
dans la plate-bande des carottes
tu te tricotes une étole
avec des lianes de liseron
et tu fais le décompte des graines de pivoines
 
 
quelle vie après la cueillette des pommes
quelle heure à tes narines
et quelle séparation du ciel
 
une révolte de candélabres
une bouche d’égout en papier mâché
la querelle des pies
 
tu traces un itinéraire pour le doute
tu faufiles un ourlet sur l’espoir
et tu alignes des bocaux de conserves
 
 
quelle vie après la salaison des gigots
quelle heure à tes méninges
et quel abandon du ciel
 
la relève de la garde des cyprès
l’élevage des sangsues à l’hôpital
la patience des vautours
 
tu relèves les carrefours des voies ferrées
tu ravaudes la minerve des montées vers l’alpe
et tu remplis des bouteilles au cul du tanker
 
 
quelle vie après l’incendie des volets
quelle heure à ton ventricule
et quelle rédemption du ciel
 
28 août 2012

dimanche 26 août 2012

salut salut l'aveugle

le merle sourd
la chenille hépatique
une fleur polygone
un chemin excessif
 
je ferme la porte
d’un corridor de prières
j’étouffe le feu
d’une flambée de contritions
 
salut salut l’aveugle et ton bilboquet !
 
 
le mulot apatride
l’araignée oublieuse
un chardon dépressif
un chemin sans pareil
 
je tire le rideau
d’une alcôve en gésine
j’éteins radio-poumon
du concert des gamètes
 
salut salut l’aveugle et ton bilboquet !
 
 
l’épervier cul-terreux
le scarabée sous dialyse
un pavot constrictor
un chemin qui se perd
 
je refais le calcul
du lit des indulgences
je soustrais l’habitude
de penser pour deux
 
salut salut l’aveugle et ton bilboquet !
 
 
le rouge-gorge albinos
la libellule folle
une campanule au clou
un chemin dans le trou
 
je laboure le jardin
d’un paradis barbelé
je souffle la bougie
des mensonges oubliés
 
salut salut l’aveugle et ton bilboquet !
 
 
la pie schizophrène
le papillon sans papier
pour qui ce myosotis
un chemin sans issue
 
je lave l’escalier
de la montée vers Pâques
je plante le goupillon
dans le saindoux du diable
 
salut salut l’aveugle et ton bilboquet !
 

le canard à roulettes
le lucane intubé
une pivoine en plastique
un chemin de prothèses

je ferme la salle d’op’
des âmes du bon dieu
je remplis le calice
du jus de mes péchés
 
salut salut l’aveugle et ton bilboquet !
 
26 août 2012

samedi 25 août 2012

tuf et salpêtre

ils disent la prise d’eau
comme on dit boulevard du temple
ils savent la dynamite et les grandes orgues
il font le culte du péché
et se taisent à la fenaison
 
tuf et salpêtre
vallée de silicose
 
ils chantent à Ferpècle
ils dansent à Bricola
le glacier s’est dissout
dans l’apéro du dimanche
il reste une pile de pierres
sous la lampe à carbure
 
tuf et salpêtre
vallée de silicose
 
et c’est la même main
qui trousse la valdotaine
et caresse le burin
le mont se rebiffe
la femelle ricane
le mont se délite
la femelle crache par terre
les vipères noires vengeront

tuf et salpêtre
vallée de silicose
 
l’eau est conquise
malgré la fiente de l’aigle
le béton digère la moraine
et la ferraille attend la foudre
là-haut sur les becquets
le vent chante Jean Quinodoz
le bouquetin mâchouille un triolet
je rajoute un intention sur la pointe du cairn
 
tuf et salpêtre
vallée de silicose
 
ils disent les vernes du diable
ils disent la dérupe et l’empaillé
ils désertent la messe pour un vin de rocailles
font le bal au cimetière
la fanfare rentre à cloche-pied
encore une marche pour le commissaire
et des promesses pour le pipeau
 
tuf et salpêtre
vallée de silicose
salpêtre et tuf
pierre à venin

25 août 2012

vendredi 24 août 2012

combien de vies sur le pare-brise

combien de vies sur le pare-brise
combien d’avis à police-secours

le préposé aux fontaines
a reçu double mission
il consigne dans son cahier moleskine
le débit la température
les déprédations les graffitis
les objets oubliés
le tournus des pigeons et des moineaux
les cadavres d’insectes
et les topettes de pastis
il note aussi sur un cahier d’écolier
les chats errants
les chiens sans laisse
les va-nu-pieds les oisifs
le gitan qui joue de la guitare
les amants du garde-de-nuit
et les fioles de méthadone

 
combien de vies sur le pare-brise
combien d’avis à la centrale d’alarme

le patrouilleur scolaire
fait double emploi
protège la traversée des écoliers
engueule les cyclistes
accompagne la jeune mère sur les clous
fait patienter le camionneur
reluque les jeunes filles
et signale en haut lieu les retardataires
il note aussi sur un carnet rouge
les fenêtres sans géranium
les boites à lettres sans nom
les musiques barbares
les femmes noires avec poussette
les amants de la boulangère
et garde pour lui le prénom de la stripteaseuse

 
combien de vies sur le pare-brise
combien d’avis au registre des urgences

la gardienne du parking
s’ennuie dans sa cabine
elle contrôle sur l’écran
les véhicules qui entrent
les véhicules qui sortent
fait des sodokus avec les plaques minéralogiques
sourit aux moustachus
et fait la grimace aux matrones
pour passer le temps
elle inscrit sur une liste secrète
les véhicules qui entrent avec seul le conducteur
et qui ressortent avec une passagère
les landaus oubliés les sacs-à-main volés
bloque la barrière devant son banquier
et va rejoindre son amant dans la berline familiale

combien de vies sur le pare-brise
combien d’avis au catalogue des pénitences

24 août 2012

lundi 20 août 2012

je conjugue un pays

un soleil patrimoine
enlacé à l’horloge
un vieux carnet d’épargne
pour payer l’enterrement
un faux qui déquille
l’angoisse des ciguës
la bague de grand-mère
au trou du mont-de-piété
la pluie sur la lessive
à deux heures du printemps
un soleil coqueluche
à l’heure de la récré

je conjugue un pays
au présent singulier


un torrent qui raconte
les amours des bergers
un calendrier forçat
pour les leçons d’histoire
un tournevis coupable
cheminant hors des clous
la robe de grand-mère
qui sent la fleur de foin
la soupe à la farine
le mercredi des cendres
un torrent qui délave
les amours adultères

je conjugue un pays
au présent singulier


une falaise qui tombe
un jeudi de congé
une action de carême
déclassée à la bourse
une faucille une pioche
en plus de la jarretière
les bottes de grand-mère
pour tirer la charrue
le bleu de Méthylène
pour terrasser l’angine
une falaise qui trahit
le bureau du tourisme

je conjugue un pays
au présent singulier


un ciel en chapelure
sur le toit du couvent
un vrai carnet d’adresses
pour les amis perdus
un bon soufflet de forge
pour le sanatorium
le sarrau de grand-mère
toujours les grands travaux
l’odeur de la choucroute
dans le carnet de leçons
un ciel en chemin de croix
mendiant la rédemption

je conjugue un pays
au présent singulier

20 août 2012

dimanche 19 août 2012

la ville déroule ses jours


la ville déroule ses jours
comme autant de pétales
des bouquets des mariages

un café qui ferme
les travaux à l’école
un décret sur les chats
le ricanement des fouines
la fête d’un quartier modèle
 
lorsqu’il arrive en ville
cet homme divise les pensées et les lieux communs
il ne dit rien
mais son regard est clair comme les chansons des dimanches
il dépose sur le parvis
des pignes d’arolle
un collier de gratte-culs
et une boule à neige de la Dent-Blanche


la ville déroule ses jours
comme autant de groseilles
du potager de la vieille dame
 
un galetas qui brûle
le cancer de la boulangère
une loi d’hygiène des bénitiers
le dédain des crapauds
et l’amicale des landaus

lorsqu’il arrive en ville
cet homme inquiète les pigeons et le clergé
il ne parle pas
mais son regard est clair comme un livre de poésie
il donne au marché
des crottes de chamois
des écuelles de myrtilles
et des timbres-poste en patois de Savièse

la ville déroule ses jours
comme autant de suffrages
des sourires des nouveaux arrivants
 
une caserne qui musique
la mésalliance des courgettes
un directive pour les chocards
la résistance des perruches
et la révolution des lampadaires
 
lorsqu’il arrive en ville
cet homme sépare les eaux et les fanfares
il dit des mots graciles dans une langue ancienne
et son regard est clair comme le myosotis
il offre aux bancs publics
des plumes de lagopèdes
des boutons de rhododendrons
et les rires des tchagattas
 
 
la ville déroule ses jours
comme autant de grains de raisins
aux pressoirs syndiqués
 
une bibliothèque qui danse
les archives du chœur d’église
un règlement sur les déchets carnés
la tristesse du gypaète
et la confrérie des ossuaires
 
lorsqu’il arrive en ville
cet homme tourmente la justice et le souvenir des potences
il sanctionne en volapük
et son regard est clair comme l’eau des glaciers
il expose aux plus offrants
un cristal de roche
un bout de poutre millésimé
et du béton de la Grande-Dixence
 
19 août 2012