1440 minutes

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editions d'autre part

dimanche 24 mai 2009

j'ai mis une vareuse

ici c’est au plus bas dans la vallée
ici le lit du fleuve et son drap de limon
les pistes s’enlacent sur le sentier
l’épine-vinette et l’argousier
sereine et tragique la trace de la boiteuse
un sculpteur y a moulé son blason

une mouche dans la tisanière
et j’ai mis une capuche à mon stylo

ici c’est au plus pentu dans le coteau revêche
ici le talus de vigne et son muret ventru
il n’y a qu’un chemin parmi les ceps
forcenée et funambule la trace de l’ivrogne
un musicien y a rythmé son tango

une mèche de cheveux dans la soupière
et j’ai mis un chandail à mon porte-mine

ici c’est au plus sombre de la forêt
ici sous les mélèzes une trouée et son sommier d’aiguilles
marques de sabots et de souliers de marche
la pive, la mousse et le lichen
en force et en rage le passage du cerf
un photographe y a fixé une ligne de fuite

un chardon à la boutonnière
et j’ai mis un cache-nez à mon crayon

ici c’est au plus culminant de la crête
ici le pierrier austère et ses dentelles de névé
filin de sécurité et peinture rouge sur le roc
arole rabougri et rhododendron
au pic et à la dynamite le sentier de la falaise
l’architecte y a puisé son matériau

un clou de cercueil dans la bière
et j’ai mis une vareuse à ma plume

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

24 mai 2009

lundi 18 mai 2009

myanmar est un tombeau

sur un marché de soleil
on vend des chemises indigo
innocents achats de vacances

dans la même vallée
des paysans de plaine cultivent le coton
des paysans de montagne récoltent l’indigo
ils ont appris à se taire

ah ! le beau coton naturel
dans les jardins de l’ambassade
ils assurent que la birmanie est un pays beau

mais myanmar est un sarcophage


sur les docks du port
des ouvriers chargent des sacs de riz
qui nourrira l’europe et l’amérique

des troupeaux d’enfants et de jeunes femmes
travaillent dans les rizières
ils ont appris à se courber

ah ! le beau riz blanc
dans les salons de l’ambassade
ils affirment que la birmanie est un pays bon

mais myanmar est un cercueil


dans un bureau de rangoun
des industriels achètent du tek et du bambou
par forêts entières

des villages sont broyés
les villageois sont déportés
ils ont appris à disparaître

ah ! les beaux meubles de jardin
dans les chambres de l’ambassade
ils convainquent que la birmanie est un pays propre

mais myanmar est un sépulcre


dans un village frontière
des têtes de pavots transitent
par fourgons blindés

les prisonniers sont une main d’œuvre docile
et n’ont pas de syndicat
ils ont appris à mourir

ah ! si c’est de l’opium
si c’est de l’opium
dans la cave de l’ambassade
ils attestent que la birmanie est un pays libre

mais myanmar est un tombeau
aung san suu kyi le sait

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol

18 mai 2009

dimanche 17 mai 2009

jour de mai

le premier soleil traverse le rideau de frênes
un insecte est posé sur un rai de lumière
une rousserole grésille une mésange grince
il y a un parfum de rosée dans ta chambre
je suis ce scarabée sur ta poitrine

jus d’orange

la radio des voisins claironne une chanson trisomique
un campagnol déjeune dans le potager
quatre jeunes tambours s’exercent au pas cadencé
il y a une odeur de pain grillé dans la cuisine
je suis cette gorgée de café dans ta bouche

miel de thym

la brise du sud soudoie le soleil de mai
un chat rampe jusqu’à une tache d’ombre
une libellule turquoise déchire le pré
il y a une senteur d’été sur nos peaux
je suis cette larme de sueur dans ton cou

huile d’olive

le ciel d’après-midi joue à saute-mouton
une pie s’énerve dans l’orme mort
les landaus et les grand’mères rentrent avant l’orage
il y a un relent de souffre et d’ammoniaque
je suis cette averse lourde et chaude sur tes reins

vin de grenache

sans gêne ni rapière


17 mai 2009

lundi 11 mai 2009

jusqu'à Satie

j’ai épousé une mante religieuse

pour se distraire
elle s’est mise au piano

l’automne elle a joué Chopin
l’hiver elle a joué Schubert
le printemps elle a joué Ravel

j’ai épousé une mante religieuse

pour se distraire
elle s’est mise au piano

elle a tout joué
Liszt et Mozart
Schumann et Beethoven

elle a joué jusqu’à Satie
elle a joué jusqu’à Satie

elle a joué tout l’été

jusqu’à Satie
jusqu’à Satie l’été jusqu’à Satie l’été

jusqu’à Satie
été

j’ai épousé une mante religieuse
pour se distraire

Satie
été

sans gêne ni rapière



11 mai 2009

je n'ai pas trouvé

je n’ai pas trouvé ton amour
dans le rayon des surgelés
l’ai déniché dans un’ barquette
d’artichauts et de pois mange-tout
tu fais sauter mon petit cœur
sous les néons du coin primeur
tu fais sauter mon petit cœur
sous les néons du coin primeur

je n’ai pas trouvé ton amour
chez la marchande d’allumettes
c’est seul’ment chez Pyrotechnique
que je trouve un tel artifice
tu bengales les mèch’s de mon cœur
avec tes fusées et pétards
tu bengales les mèch’s de mon coeur
avec tes fusées et pétards

je n’ai pas trouvé ton amour
au cinéma technicolor
une petite salle art et essais
nous le proposait à l’affiche
tu débobines mon petit cœur
avec ton nom au générique
tu débobines mon petit cœur
avec ton nom au générique

je n’ai pas trouvé lalala
en primeur lalala
tu sais bien
je n’ai pas trouvé lalala
en générique lalala
tu fais bien

je n’ai pas trouvé ton amour
aux salons de littérature
il est sorti d’un bout rimé
d’un poète de quatre sous
tu t’amuses à rimer mon cœur
avec les mots du quotidien
tu t’amuses à rimer mon cœur
avec les mots du quotidien

je n’ai pas trouvé ton amour
dans les grands creux du pacifique
il cabotait sur une flaque
d’une tout’ petit’ pluie de printemps
et tu joues à marée mon cœur
dans la folie de ta poitrine
et tu joues à marée mon cœur
dans la folie de ta poitrine

je n’ai pas trouvé ton amour
dans les grands creux du pacifique
il cabotait sur une flaque
d’une tout’ petite pluie de printemps
et tu joues à marée mon cœur
dans la folie de ta poitrine
et tu joues à marée mon cœur
dans la folie de ta poitrine


je n’ai pas trouvé lalala
arrimer mon cœur lalala
tu sais bien
je n’ai pas trouvé lalala
amarrer mon cœur lalala
tu fais bien


11 mai 2009

lundi 4 mai 2009

à la même minute

à la même minute
à deux villes d’intervalle
ils ont regardé l’horaire des trains
à la même minute
ils ont mesuré l’envie
trois heures à tuer
il n’y a pas loin de la pomme au pommier

au drugstore elle a pris un parfum fruité
un tube de rouge et des bonbons menthol
au kiosque de gare il a pris un magazine pour homme
un six-pack de bières et des préservatifs
il n’y a pas loin du tango à l’accordéon

à la même minute
à deux cent kilomètres de distance
elle a commandé un gin
il a décapsulé une canette
à la même minute
elle a maté un client au comptoir
il a reluqué une fille plus loin que sa revue
il n’y a pas loin de la jupe au désir

au troisième gin il s’appelait Antonio
fumait du tabac brun et lui parlait d’une ville blanche
à la troisième bière elle s’armait d’un sourire
il entamait sa roucoulade
il n’y a pas loin de l’avoine à la faux

à la même minute
à une demi-heure des retrouvailles
ils ont pris la tangente
à la même minute
ils se réinventent une vie
une mèche à consumer
il n’y a pas loin du crachat au bitume

au sixième gin elle l’a suivi dans sa voiture
un accroc à sa jupe
il manque un kleenex dans la boîte à gants
à la sixième bière il l’emmène aux toilettes
une encoche à son cœur
il manque un préservatif dans la boîte à conquêtes
il n’y a pas loin du noyé à la rambarde du pont

à la même minute
à l’exact rendez-vous
il n’y a personne
à la même minute
elle dégueule dans un parking souterrain
il prend un ticket pour l’enfer
quel chemin amer du pommier à la pomme
quelle trajectoire torve de la pomme au pommier

il y a parfois trop loin
une minute trop loin

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

4 mai 2009

dimanche 3 mai 2009

elle attend

l’almanach des bons mots
lui rappelle une date
ils dansaient sous l’ormeau
elle était lauréate
l’almanach la fait rire
qui a trouvé d’un saint
le prénom sans rougir
pour l’homme du chagrin
l’almanach illumine
un orage un éclair
surgi dans sa cuisine
c’était l’année lumière
l’almanach des bons mots
lui rappelle une date

soudain il fait froid dans sa loge
le regard vrillé sur l’horloge
elle attend

une auto est passé
le long des barricades
ils ont enfin pensé
lui faire sa promenade
cette auto est un leurre
elle sort de sa tanière
elle pensait le facteur
et c’est une infirmière
cette auto est un crime
son chauffeur est si beau
bien l’ bonjour la déprime
ce n’est pas pour sa peau
une auto est passée
le long des barricades

sa douleur fera la neuvaine
les yeux noyés dans la verveine
elle attend

la perruche s’effeuille
dans sa cage rouillée
elle siffle un air de deuil
sur sa fiente séchée
la perruche s’effrite
comme un bâton de craie
ses plumes font faillite
sa vie est sous décret
la perruche s’ennuie
elle compte les barreaux
repeint son cœur en suie
se pend à son anneau
la perruche s’effeuille
dans sa cage rouillée

ah ! s’endormir sous le tilleul
les yeux plongés dans les glaïeuls
elle attend

le chat se fait les griffes
sur le fauteuil usé
trônant tel un récif
devant la cheminée
le chat a fait contrat
avec satan lui-même
sa maitress’ il mordra
trahison suprême
le chat vend pour un rien
l’âme de la pauv’ dame
fait-divers de vaurien
on n’en f’ra pas un drame
le chat se fait les griffes
sur le fauteuil usé

tout doucement elle renonce
le cerveau croché dans les ronces
elle attend

elle sait ce triste glas qui sonne
elle sait très bien que plus personne
ne l’attend

1 mai 2009

faites silence

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure où le rouge-queue tresse son chant
c’est l’heure où frissonne sa dame oiselle
faites silence je vous prie

sur la grand’ place les pompiers paradent
trois tambours un clairon
le président, ses dames et le vin d’honneur
la majorette en jupe sur la grande échelle
la lance-incendie n’éteint pas les fantasmes
sur la grand’ place les pompiers paradent

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure où la sitelle perfore l’écorce
c’est l’heure où frissonne le noisetier
faites silence je vous prie

sur son lit d’hôpital une femme crache son cancer
trois pilules une perfusion
le médecin, ses assistantes et le traitement
les plaquettes sont au bas de l’échelle
la chimie n’éteint pas les braises de mort
sur son lit d’hôpital une femme crache son cancer

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure où s’accouplent les canards
c’est l’heure où frissonnent les roseaux
faites silence je vous prie

à la terrasse du grand café une femme pleure
trois sonneries un message
le serveur, ses amis et la terrible annonce
une armée de chats noirs sous son échelle
la bouteille de téquila n’éteint pas son chagrin
à la terrasse du grand café une femme pleure

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure où la chauve-souris acrobate le ciel
c’est l’heure où frissonnent nos peaux
faites silence je vous prie

à la porte de la prison un jeune homme tremble
trois bagarres un couteau
le juge, les flics et le verdict
dans sa tête une envie d’échelle
la musique à fond n’éteint pas sa terreur
à la porte de la prison un jeune homme tremble

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure à le coucou traverse le val
c’est l’heure où frissonne la forêt
faites silence je vous prie

faites silence s’il vous plait
c’est l’heure où le doute respire
c’est l’heure où frissonne l’humanité
faites silence je vous prie

l’humanité frissonne
je vous prie

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman


3 mai 2009