1440 minutes

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editions d'autre part

dimanche 26 mai 2013

les oiseaux migrateurs


les oiseaux migrateurs ne s’intéressent pas aux drapeaux
 
un rouge-queue fait son nid
sous l’avant-toit de l’école
il dit à ses enfants
que c’est un endroit sûr
le rouge-queue est un oiseau élégant
mais naïf
 
le chef de la sécurité repeint la frontière en rouge sang
 
un chardonneret clandestin
apprend le nom des fleurs et des sources
il dit à ses enfants
que c’est un endroit bien accueillant
le chardonneret est un bon croyant
mais naïf
 
le chef de l’école mélange les fleurs et les poisons
 
un coucou étranger
pose ses valises dans le jardin du gouvernement
il dit à ses enfants
d’apprendre le patois d’ici
le coucou est un oiseau furtif
mais fieffé
 
le chef de la police met les menottes aux angelots
 
un goéland de passage
prince des poètes
acrobate majestueux
fiente un guano céleste
sur le cortège de la Fête-Dieu
le goéland est oiseau artiste
mais lucide

vendredi 24 mai 2013

il nous reste depuis


elle est venue sur la place publique
réclamer une passerelle
pour amener la chance à son cabanon
elle a dansé demi-nue
une incantation à la miséricorde
nous lui avons donné une veste militaire
et un panier de champignons
elle est repartie à l’est de la ville
vers l’étang aux cent couleuvres
il nous reste depuis une odeur de corne brûlée
 
ils sont arrivés en guenilles et en sabots
demander du pain pour eux
et des graines pour leurs poules
ils ont chanté en révérences
une complainte de charité
nous leur avons donné le code civil
et une valise à roulettes
ils sont repartis au nord de la ville
vers la colline aux cent chardons
il nous reste depuis une odeur de viande avariée
 
il est venu tout seul sur son vélo
prendre le vin de la semaine
et des billets de tombola
il a joué sur son harmonica
un blues de tous les exils
nous lui avons remis les clés de la prison
et le registre des baptêmes
il est reparti au sud de la ville
vers l’écurie aux cent chevaux
il nous reste depuis une odeur d’avoine brûlée
 
elle est revenue sur la place publique
ramener des enfants borgnes et goitreux
pour un samedi de fin du monde
elle a frappé sur un tambour
un rythme salace et grotesque
nous lui avons jeté des poignées de sables
et des sachets de scorpions
elle est repartie à l’ouest de la ville
vers la forêt aux cent corbeaux
il nous reste depuis une odeur de bile avariée

mercredi 22 mai 2013

le noisetier s'éloigne


je suis le géomètre des jardinets de l’insouciance
j’installe des oiseaux sur les piquets des jachères
la luzerne danse une valse affolée
Capucine et Liseron s’embrassent goulûment
les radis se racontent des souhaits de bonne fortune
le noisetier s’éloigne pour pisser dans le ruisseau
 
je suis le maquignon de la volaille domestiquée
je mets des châles de plumes dans les boites de ponte
une araignée trapèze sous le perchoir du coq
Liseron et Capucine se mangent les étamines
les pintadeaux picorent les bons mots de l’almanach
le noisetier s’éloigne pour pisser derrière la remise
 
je suis le teneur de cadastre des concessions familiales
j’accroche des images pieuses sur les décisions du conseil
une graminée se penche sur une tombe d’enfant
Capucine et Liseron se déchirent les pétales
le mimosa radote des histoires de Méditerranée
le noisetier s’éloigne pour pisser sous le réverbère
 
je suis l’architecte des fumoirs de jambons
je cloue une cardère sur la porte du mauvais temps
le genièvre se consume le temps d’une messe
Liseron et Capucine baisent jusqu’à la racine
la pivoine est jalouse et le souci ferme les yeux
le noisetier s’éloigne pour pisser contre le vent

dimanche 19 mai 2013

c'est une pluie


l’avenir des pattemouilles est pour demain
après lecture des comptes des carreaux
la tunique de coton colle à la peau
c’est la transpiration des mensonges
c’est une pluie violente sur l’angélus
une coccinelle s’est suicidé
décemment sur le compost
le jardinier au masque blanc s’agenouille
dans le sulfate de cuivre
 
l’imminence des torchons surgit
après distillation de l’eau de vaisselle
le châle de laine non dégraissée sent mauvais
c’est la macération des reproches
c’est une pluie sournoise sur le gouter
un hanneton tombe cul par-dessus tête
dans les arcanes du liseron
l’ensorceleuse au ventre blanc danse
dans les pistils des pivoines
 
la présence de la corde à linge est un songe
après décantation du lissu des lessives
la liquette de chanvre gratte sous les aisselles
c’est le confinement des doutes
c’est une pluie acide sur les salades
un pic a traversé la lumière
contre la vitre de la chambre
l’oiseleur aux mains blanches chante
dans la cage des neuroleptiques
 
la fuite du mange-taches est consommée
après apparition des stigmates
le pantalon de futaine est crotté de partout
c’est l’abandon des certitudes
c’est une pluie soutenue sur les ailes des oiseaux
un couple de canards s’est fourvoyé
sur les serres de plastique des maraîchers
le chasseur aux cheveux blancs se noie
dans les marais de miséricorde

vendredi 17 mai 2013

et le plus beau poème


c’est l’heure de la promenade des varans
sur la place de l’hôtel de ville
l’huissier verrouille le digicode
et le journaliste interviewe la vérité
en lui jetant des cacahuètes
un gypaète s’endort sur le toit du musée de la chasse
et le plus beau poème époussette son costume
 
c’est l’heure de la soupe des artistes
sur les marches du grand théâtre
le régisseur scie le bâton des trois coups
et la maquilleuse transforme la vérité
à coups de fond de teint
un perroquet pavane devant le portail de justice
et le plus beau poème ajuste son col de chemise
 
c’est l’heure du vin de réception des criquets
sous les platanes de la place
le sergent de police fait la circulation des camping-cars
et le prestidigitateur escamote la vérité
sous les lapins
une colombe se déplume sur la statue de la liberté
et le plus beau poème met les doigts dans son nez
 

samedi 11 mai 2013

je leur apporte


le rosier sous le muret s’est mouché au rideau de la guérite
il a signé la pétition des vignerons
il faut laisser au lézard sa place au soleil
sans qu’il doive payer un impôt sur le farniente
des effeuilleuses cap-verdiennes parlent de sexe et de menstrues
je leur apporte du thé au vin
et des pilules du bonheur
le rosier éternue
 
le mûrier de la place s’est essuyé la bouche au rideau de l’école
il est descendu dans la rue avec les balayeurs
il faut laisser au renard la piste des poubelles
sans qu’il doive payer la taxe aux déchets carnés
des nettoyeuses kosovares parlent de foutre et de grossesses
je leur apporte de la bière à la capucine
et des cataplasmes contre les enflures
le mûrier rote
 
le lilas du square s’est torché au rideau du tribunal
il a fait recours avec les exilés
il faut laisser à l’hirondelle les fils du téléphone
sans qu’elle doive payer la surtaxe du permis de séjour
des nourrices africaines parlent de viols et d’enfantements
je leur apporte des liqueurs de rue et d’hysope
et des greffes de matrices
le lilas fait sous lui
 

jeudi 9 mai 2013

la journaliste tend son micro

qui se soucie de l’herbe verte
un lendemain de jour de deuil
on a giclé du fongicide
sur le jardin des larmes
une troupe de comiques
joue la comédie de la mort
qui arrive en retard
la journaliste tend son micro
au pavot qui s’ennuie
 
qui se souvient des fleurs du cerisier
un jour de transhumance
on a jeté du soufre
sur un amour de printemps
une famille de danseurs
mime un cortège de fiançailles
qui suit les rogations
la journaliste tend son micro
à la pivoine qui s’effondre
 
qui prend soin de l’eau des fleurs
un soir de fête foraine
on a javellisé le train fantôme
sur le chemin de l’église
un couple de chanteurs
vocalise un tango funèbre
qui boite à contre-sens
la journaliste tend son micro
au pissenlit qui rigole
 
qui abandonne le mouron
un lundi de fin du monde
on a déversé du mazout
dans la fontaine de l’école
un accordéoniste ivrogne
joue un musette
qui sent la fin du bal
la journaliste tend son micro
à la rose qui bégaie
 

mardi 7 mai 2013

le président des tournées générales


le président des tournées générales
vend des masques d’histoires drôles
il calcule les indemnités de soif
et de représentation
on lui mâche le travail sur son carnet de commandes
sa réélection repose au fond du tonneau
 
le gardien des pétales de marguerites
chasse l’à-peu-près des sentiments
il participe aux préparations aux mariages
et aux accouchements
on tient son calendrier des lunes rondes
sa nomination tient aux saints de glace
 
la patronne des fenaisons
dresse les noueuses de gerbes
elle paie en billets de tombola
et en promesses de danses
on amidonne son bustier des jours d’orage
son pouvoir fait front à la grêle
 
la contrôleuse des ourlets de jupes
tricote des ajours de libellules
elle maquille de confitures les princesses
et les renégats
on peinture ses agates au bleu de méthylène
son avenir se raccroche au balancement des guirlandes

samedi 4 mai 2013

l'architecte


l’architecte dessine des corridors
pour engouffrer la lumière
pour détordre les draps de lit
pour enrubanner les bonheurs matinaux
je donne aux archives les plans des pissenlits
 
l’architecte projette un labyrinthe
pour piéger l’ennui
pour essorer les foulards
pour que les plaisirs se cherchent à cache-cache
je soumets au peintre les couleurs du terroir
 
l’architecte calcule le ciel du patio
pour aérer le nombre d’or
pour faire danser les bustiers
pour dérouter les désirs
je consigne dans un carnet les tourments mâles
 
l’architecte tricote un pan de lune
pour éclairer l’alcôve
pour ajourer les nuisettes
pour exploser l’orgasme dans les reins
je livre au gardien le secret des météores

mercredi 1 mai 2013

les bonnes nouvelles


les bonnes nouvelles remontent la paroi de l’école
par un liseron éclatant
les jours de congé seront jours de soleil
les examens des jours de pluie et de vent
la maîtresse est heureuse et mariée fraîche
et l’éducatrice sexuelle est enceinte depuis hier soir
 
les bonnes nouvelles sont menacées
par un jardinier militaire et son concierge triste
les grandes vacances seront sans herbes ni feuilles
la poésie un recueil de lois fédérales
le prof de gym est malheureux, on a cassé son cheval
et l’inspecteur est orphelin de bons mots
 
les bonnes nouvelles sont en jachère
dans la dérupe des torrents
la renoncule et l’aubépine refleuriront
la vie sentira le champignon et la ravine
le président est satisfait, il a acheté les terrains
et la journaliste est invitée aux agapes