1440 minutes

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editions d'autre part

dimanche 31 octobre 2010

je regarde le talus de vignes

une sauterelle sabre
est posée sur la vitre
une patte en allée
les yeux affolés
d’une espionne presbyte

elle a perdu la bataille
elle a perdu sa guerre

elle vivra jusqu’au jour des morts
le vent aigre et sournois
l’emportera

je regarde le talus de vignes
et me demande bien
où est passé le gardien
de l’usine à rêves
qui a volé le protocole
à quelle heure est parti le coucou


un vieux pied de chou
a ployé sous son poids
la tête déchirée
vaincu par les pucerons
pourri dans le trognon

il a perdu la bataille
il a perdu sa guerre

il ne servira à rien
une brouette grinçante et rouillée
l’emportera

je regarde le talus de vignes
et me demande bien
où est passé le cuisinier
du temps
qui a volé la jardinière
à quelle heure est partie la coccinelle


un coing a pourri
sur son arbre
boursoufflé rose
sucé par les guêpes
becqueté de moineaux

il a perdu la bataille
il a perdu sa guerre

il tombera sous le gel
une corneille grise et malade
l’emportera

je regarde le talus de vignes
et me demande bien
où est passé le copiste
du bréviaire aux serments
qui a volé l’encrier
à quelle heure est parti le garrot à l’œil d’or

31 octobre 2010

vendredi 29 octobre 2010

je suis au monde

un soleil
maigre
glisse
dans le lac

c’était hier
c’est aujourd’hui
et c’est demain

c’était
il y a mille ans
ce sera ainsi
tant que ce lac sera

un parfum d’ambre
une femme passe
dans l’allée

je suis au monde

et la sérénité
agenouillée
sur la grève

je suis au monde

un soleil
malade
couché
dans le lac

c’était hier
c’est aujourd’hui
et c’est demain

c’était
au commencement de l’étoile
ce sera ainsi
jusqu’à la disparition des forêts

un mouvement de l’air
une femme passe
dans l’allée

je reste au monde

et l’abandon
nu
dans les roseaux

je reste au monde

jusqu’au dessèchement
du fleuve

29 octobre 2010

mercredi 27 octobre 2010

première brindille

première brindille
j’ai mis dans l’allumette
un souvenir d’enfant
un dimanche de pluie
et deux chagrins écornés

première bûchille
j’ai mis en allume-feu
une nuit blanche
un baiser troublé
et deux chagrins d’amours

première bûche
j’ai mis en boutefeu
une rencontre avortée
une trahison grise
et deux chagrins promis

dernière brindille
j’avais mis
un mensonge
une bille volée
un chagrin du matin

dernière bûchille
j’avais mis
un émoi
une rupture vive
un chagrin du soir

dernière bûche
j’avais mis
une fuite
un aveu torturé
un chagrin de nuit

toute la charpente
j’avais omis
une promesse
un serment donné
un chagrin d’automne

27 octobre 2010

mardi 26 octobre 2010

le vent dans les tuiles

le vent chantait dans les tuiles
des concertos sauvages et nordiques
les grands bouleaux dans le parc
faisaient une révérence de feuilles
juste un frémissement
un menuet

le vent chantait dans les chéneaux
des concertos aériens et sacrés
les cyprès dans le cimetière
se saluaient et s’invitaient
juste un mouvement
un quadrille

le vent chantait dans la charpente
des concertos givrés et corrosifs
les cèdres de l’allée
roulaient des hanches
juste une esquisse
une sardane

le vent chantait dans les persiennes
des concertos vifs et tragiques
les tilleuls dans la préau
rêvaient de conquêtes
juste un frôlement
une pavane

le vent chante dans le rideau
un concerto lourd et damné
le noyer dans le talus
se béjarre sur une pointe
juste un souvenir
un entrechat
un écart
un soleil

26 octobre 2010

dimanche 24 octobre 2010

une à une

une à une
les serrures tombent
les paroles circulent
et les regards et les prénoms
l’une apporte le miel
l’autre la cannelle
dans une bouilloire de cuivre
chante l’eau du glacier


une à une
les portes s’ouvrent
les rires s’évadent
et les œillades et les diminutifs
l’une apporte les huiles
l’autre les encens
sous les dentelles
frissonnent les peaux d’ambre


une à une
les fenêtres éclatent
les soupirs s’envolent
et les baisers et les câlins
l’une gémit
l’autre se pâme
sous les caresses
se dressent les fiers tétons


une à une
les braises pétillent
les plaisirs explosent
et les cris et les liqueurs
l’une s’extase
l’autre suffoque
sous les bouches
s’embrasent les corps
et se calcinent les cœurs

24 octobre 2010

mercredi 20 octobre 2010

et j'ai vu dans le miroir d'une sarcelle

et j’ai vu dans le miroir d’une sarcelle
les grands branle-bas
les hauts charriages
une aurore boréale
le fumet du café du matin

toute une vie s’agite dans les détroits
qui prendra le risque du passage
qui sera cloué d’effroi
et qui réchauffera la soupe

et j’ai vu sur la bague du martinet
les grands remuages
les hauts plans de vol
une étoile de Norvège
une soufflerie de tuba

toute une vie se bouscule parmi les icebergs
qui cognera le brise-glace
qui prendra l’apéro
et qui réchauffera l’azote

et j’ai vu sur les rémiges d’une sterne
les grands déménagements
les hautes transhumances
une chanson magnétique
un bal de toundra

toute une vie se fermente dans les abysses
qui tentera la traversée
qui signalera le gué
et qui réchauffera l’essence de palme

et j’ai vu sur le bec du coucou
les grands abandons
les hautes colonies
une danse marine
une plage érythréenne

toute un vie bouillonne dans les puits
qui jettera l’amorce
qui retournera l’outre
et qui réchauffera le thé à la menthe

et j’ai vu dans la pupille de l’autour
les grands vents espérés
les hautes bises aventurières
les chants gonflés de l’aile
une biguine de voltige

20 octobre 2010

lundi 11 octobre 2010

et qu'on ouvre

c’est la danse des pieds-bots
des chevilles désarticulées
des arthrites et des syncopes
c’est la chanson des souffles courts
des circuits ventilés
des ivresses et des suées

et qu’on ouvre
qu’on ouvre le journal
des douleurs et des fièvres

c’est la danse des m’as-tu-vu
des caroncules boursouflées
des défilés et des médailles
c’est la chanson des coqs de casserole
des mitrons d’état-major
des ordonnances et des stratégies

et qu’on ouvre
et qu’on ouvre le journal
de la bêtise et de l’absurde

c’est la danse des rollators
des fémurs en conserve
des tisanes et des semainiers
c’est la chanson des prothèses
des baumes tranquilles
des somnolences et des oublis

et qu’on ouvre
et qu’on ouvre le journal
des fatigues et des retraites

c’est la danse des vendangeuses
des pressoirs affolés
des refoins et des pressées
c’est la chanson des bouilleurs de cru
des betteraves en terril
des citernes et des cuviers

et qu’on ouvre
et qu’on ouvre le journal
des récoltes et de l’épargne

c’est la danse du calendrier
des célébrations votives
des bals populaires et des feux patriotiques
c’est la chanson des rosaires
des amours en fanfare
des amphores et des noces

et qu’on ouvre
et qu’on ouvre le journal
des fêtes et des bouquets

des fêtes
et des bouquets
et qu’on ouvre

11 octobre 2010

jeudi 7 octobre 2010

l'empreinte d'une comète

dans le plâtras de mon ventre
l’empreinte d’une comète
d’une vipère des sables
d’un marabout
ou d’un sentiment à vif
va savoir

ce matin clairet
quand le froid s’esquive
le monde se montre à sa fenêtre
une voilette un mouvement
j’ai cru voir un sourire tomber sur le trottoir


dans la poussière de mon ventre
l’empreinte d’une étoile
d’un loup de la taïga
d’un balbuzard
d’un amour nouveau-né
tu parles

ce midi en plein vacarme
des galeries marchandes
le monde fait quelques pas
une causette un tutoiement
j’ai cru entendre un rire cogner aux vitres


dans le limon de mon ventre
l’empreinte d’un météore
d’un bison des steppes
d’une gélinotte
ou d’une émotion acérée
va savoir

cette fin d’après-midi
sous un soleil d’automne
le monde fait ses commissions
une emplette un foisonnement
et je l’ai bien vu bâfrer le menu du jour


dans le sable de mon ventre
l’empreinte d’une planète
de l’orignal des grands lacs
du serpentaire
ou d’un pardon avorté
tu parles

cette nuit froide
sous le candélabre
le monde danse une gavotte
un musette un ravissement
et je l’ai bien entendu chanter des gaudrioles


le monde me salue
va savoir
avec un grand éclat de rire
tu parles

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

7 octobre 2010

lundi 4 octobre 2010

quand le sud charrie du vent

quand le sud charrie du vent
ce pays s’ébroue
comme un cabri d’une heure
il vacille et tangue
comme un thonier dans un gros temps

quand le sud charrie du vent
les rémiges font au corbeau
un costume d’aumônier colérique
il tangue et vacille
comme l’épouvantail des mauvais jours

quand le sud charrie du vent
s’étirent sur ce pays
les pigments d’un peintre moderne et fou
à la taloche au couteau
au pistolet au tromblon
il vacille et tangue
comme un de Staël ivre et affamé

quand le sud charrie du vent
les pharmacies de ce pays
dispensent du jus de saule
comme autant d’indulgences
il tangue et vacille
comme un migraineux épileptique

quand le sud charrie du vent
les caravanes de nuages
remontent du Sahel et des mirages
comme des feuilles de routes biaisées
il vacille et tangue
comme un fennec aveugle

quand le sud charrie du vent
la pluie est rose et lourde
comme un sexe de femme
il tangue et vacille
comme un danseur exténué

quand le sud charrie du vent
la vie est rouge et sourde
comme une mangue dans ta main
je vacille et tangue
comme un danseur exténué

comme un danseur exténué

4 octobre 2010

vendredi 1 octobre 2010

il y aura des naissances

les anges des carnavals
dorment sous des cyprès de ferraille
il y a des barriques
il y a des conciliabules
il y aura des naissances

je plonge dans un concerto
pour salamandre et triton
les soupirs sont des rides sur l’étang
les croches sont le temps du colvert
il y aura des naissances


les saints des calendriers
jouent à cache-cache dans les rosaires
il y a des chaudrons
il y a des palabres
il y aura des naissances et des mariages

je plonge dans une sonate
pour cornemuse et crapaud
les soupirs sont des soufflets de forge
les blanches sont le temps de l’aigrette
il y aura des naissances et des mariages


les esprits des rogations
chantent sous les rideaux d’écume
il y a des lessiveuses
il y a des harangues
il y aura des naissances des mariages et des deuils

je plonge dans une fugue
pour larve et libellule
les soupirs sont des vols de saint-esprit
les rondes sont le temps du busard
il y aura des naissances des mariages et des deuils

1 octobre 2010