1440 minutes

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editions d'autre part

mardi 29 décembre 2009

j'ai boutiqué le soleil

j'ai enveloppé le jardin
avec de la vieille neige
j'ai déroulé le brouillard
et brouetté des feuilles mortes
j'ai salué les voisins
et réchauffé la soupe
j'ai changé les draps de lit
et repassé du courage
j'ai écrit aux enfants
et rentré la bruyère

j'ai boutiqué le soleil
et rafistolé la lune
la main sur la rambarde
j'ai remonté une marche

j'ai tronçonné le frêne
et fendu des buchilles
j'ai vidé les cendres du poêle
et huilé la pelle à neige
j'ai salé le petit lard
et lavé la choucroute
j'ai souri à la voisine
et changé l'eau des fleurs
j'ai écrit aux parents
et visité le cimetière

j'ai boutiqué le soleil
et rafistolé la lune
la main sur la rambarde
j'ai remonté une marche

j'ai taillé les rosiers
aiguisé la faucille
j'ai paillé les pivoines
et remisé la bêche
j'ai nourri les oiseaux
et caressé le chat
j'ai chicané le voisin
et bouillu le café
j'ai menti aux enfants
et sorti les poubelles

j'ai boutiqué le soleil
et rafistolé la lune
la main sur la rambarde
j'ai descendu une valse

j'ai calfeutré les fenêtres
et nettoyé le fusil
j'ai vérifié les serrures
et compté les fromages
j'ai brûlé le courrier
et déchiré les photos
j'ai salué une renarde
et j'ai vendu les vignes
j'ai maudit la voisine
et filtré le vinaigre
j'ai oublié les parents
et cassé mon violon

j'ai boutiqué le soleil
et rafistolé la lune
la main sur la rambarde
j'ai trucidé un tango

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman

29 décembre 2009

lundi 28 décembre 2009

et beaucoup de béton

l'avenir est consigné
au-dedans des machin' à sous
il te reste plus qu'à gagner
un bonheur et une boîte à clous
un butin à déposer
tout en haut des jup' à froufrou
un honneur dissimulé
sous une cape derrière un loup
le soleil est dérangé
l'air est caché dans trop de trous

un peu
un peu de sexe
et beaucoup de béton

l'avenir est en jachère
au comptoir du bar de la bourse
il te reste un billet vert
pour flamber sur le champ de course
du plaisir sous la lumière
à remonter le long des sources
une rumeur sur une civière
on s'aim'ra jusqu'à la grand' ourse
le soleil est en galère
la joie s'arrête à la mi-course

un peu
un peu de sexe
et beaucoup de béton

l'avenir est rapiécé
aux fenêtres de l'hôpital
il te reste un pas cadencé
pour la fanfare du carnaval
cette peau à caresser
en haut des jambes cannibales
un adultère à dépecer
à la porte du tribunal
le soleil s'est cuirassé
sur les tangentes diagonales

un peu
un peu de sexe
et beaucoup de béton

l'avenir est en morceaux
dans les containers du délire
il te reste quelques vieux os
dans les casseroles à confire
un compliment au creux du dos
la fontaine est prête à jouir
serment dans le caniveau
pour le meilleur et pour le pire
le soleil est en lambeaux
les étoiles quittent le navire

un peu
un peu de sexe
et beaucoup de béton

28 décembre 2009

mercredi 23 décembre 2009

sur le bord

sur le bord de la table
un verre de café froid
une biscotte et de la margarine
un vieux programme télé
la lettre d'un ami
et quelques factures oubliées

sur le bord du lit
une canette de bière
des bonbons et des fruits secs
des revues et des kleenex
la carte postale d'une femme
et l'agenda d'une année oubliée

sur le bord de la fenêtre
une bouteille de lait
du suif pour les moineaux
un rosier sec un basilic
le cache-pot d'une sœur
et quelques pommes oubliées

sur le bord du fleuve
un tonneau de fuel
une pizza froide et un concombre
des tôles et des gravats
le roman volé à la gare
et un air de valse oublié

sur le bord de la vie
une fiole d'ammoniaque
une noix et une hostie
un costume de funambule
le poème sur le fil à repriser
et un quelconque destin oublié

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

23 décembre 2009

mardi 22 décembre 2009

laisse filer

un jour des rois
une déférence
yeux dans les yeux
et moins que rien

laisse laisse
laisse filer

des rogations
miserere
un tête-à-tête
et rien de moins

laisse laisse
laisse filer

un carnaval
un repentir
main dans la main
et rien de rien

laisse laisse
laisse filer

un jour de jeûne
une révérence
un pas de deux
et moins que rien

laisse laisse
laisse filer

messe de pâques
une espérance
un baisemain
et rien de moins

laisse laisse
laisse filer

une ascension
un compliment
quelques caresses
et rien de rien

laisse laisse
laisse filer

une pentecôte
une promesse
un cinq à sept
et moins que rien

laisse laisse
laisse filer

une fête-dieu
une louange
une sieste à deux
et rien de moins

laisse laisse
laisse filer

une toussaint
une remontrance
un lit pour deux
et rien de rien

laisse laisse
laisse filer

laisse laisse
laisse filer

22 décembre 2009

mercredi 16 décembre 2009

giclée d'azote

l'archange du givre aquarelle le pré et la vigne
ne reste qu'une feuille au noisetier
le merle est descendu en ville
la paysanne aussi

j'ai pris froid à l'âme
et à l'os
est-ce une larme qui gèle à la moustache

le lutin du houx prunelle le sous-bois
ne reste qu'une pomme d'api sur la table
le renard est descendu en ville
l'ivrogne aussi

j'ai des frissons à la tendresse
et dans la cervelle
est-ce un caillot gelé dans la veine cave

l'angelot de la brume tempère la roselière
ne reste qu'une macroule sur le lac
les scarabées dorment en ville
l'amoureuse aussi

j'ai l'onglée à l'encre du poème
et au nœud de la gorge
est-ce un vent du nord dans la soufflerie

la vouivre du solstice fresque la sapinière
ne reste qu'une souche au dévaloir
le cerf s'approche de la ville
la braconne aussi

j'ai des gelures à mon silence
et à mon plexus
est-ce une giclée d'azote dans les neurones

j'ai mis du sucre glace dans ma tisane

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman
16 décembre 2009

dimanche 13 décembre 2009

et c'est l'hiver

devant moi de l'autre côté du val
un village qui n'est qu'une rue
l'école et l'église le café et l'épicerie
les maisons des familles
plus loin les fermes les écuries
et les prairies

l'air est jaune et gris
le froid remonte du torrent
et s'inscrit dans les vignes
c'est un après-midi de solitude
c'est l'hiver

un paysan brûle du foin pourri
les planches du vieux poulailler
et des tonnes de sueur inutile
une fumée lourde et acre
enveloppe les granges et le cimetière
le chagrin est immense et brûle mal

l'air est beige et gris
le froid remonte les vernes
et s'inscrit dans les vergers
c'est un après-midi de torpeur
c'est l'hiver

une homme jeune et sombre
brûle des lettres et des photos
des promesses en fagots
des serments secs et tordus
une fumée acide et bleue
enveloppe la chambre et le grenier
la jalousie est une épine et brûle à vif

l'air est gris et gris
le froid remonte le mur de pierre
et s'inscrit dans le cellier
c'est un après-midi d'ennui
c'est l'hiver

un homme sans âge et sans colère
fume une cigarette avec lenteur
sa vie est en cendres et en souvenirs
il s'agrippe à son mégot et à son banc
une fumée blanche et fine
enveloppe sa prière et son adieu
la vie est une brindille et brûle vite

l'air est indigo et gris
le froid remonte les veines
et s'inscrit dans la cervelle
c'est un après-midi du monde
et c'est l'hiver

devant moi de l'autre côté du val
un village allume ses réverbères
l'air est indigo et anthracite
c'est le soir sur le monde
et c'est l'hiver

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

13 décembre 2009

vendredi 11 décembre 2009

l'essentiel est fragile

tu sais madame

quand s'éteint la bougie
ce filin de fumée bleu acre
quand s'arrête la pluie
la goutte ruisselant de travers
quand s'accroche la dernière feuille
le cerisier hésite et s'ébroue
quand sourit le dernier dahlia
l'abeille engourdie et perdue
quand la vie s'amenuise et se fait vapeur

tu sais madame
l'essentiel est fragile
ne le détourne pas

c'est vrai madame

une place au soleil
dans un village du midi
une tourterelle turque
sur le coq du clocher
un refrain trois fois renié
par l'accordéon de la rue
un foulard dénoué
sur une épaule nue
la vie s'amenuise et se fait vapeur

c'est vrai madame
l'essentiel est fragile
ne le mensonge pas

tu sais madame

quand la soupe tiédit
attendant l'inquiétude et l'incompris
quand la persienne s'ouvre
sur un matin brouillard et absent
quand le cheval se couche
remâche sa langue et le champ de course
quand le satellite renonce
désagrège l'abonné et son message
quand la vie s'amenuise et se fait vapeur

tu sais madame
l'essentiel est fragile
ne l'escarbille pas

c'est vrai madame

une boucle de cerises noires
à l'oreille indiscrète et surprise
un collier d'arsenic et de jade
sur la nuque frêle et condamnée
une marmelade de sanguines et d'épices
sur un pain tiède de campagne
un serment de deux sous
dans un papier crépon et cramoisi
la vie s'amenuise et se fait vapeur

c'est vrai madame
l'essentiel est fragile
ne le désamorce pas

c'est vrai madame
l'essentiel est si fragile
qu'il nous fera danser
sur le fil de l'eau

tu sais madame
sur le faufil de l'eau

sans gêne ni rapière

11 décembre 2009

mardi 8 décembre 2009

vers le pardon

une pivoine éclatée
sur un chemin de givre
un pic ensanglanté
sur un tapis de pives
un poumon boursouflé
pour un chagrin d'asphalte
une veine avortée
pour une joie de basalte
des genoux écorchés
pour un chemin de croix
un chant exténué
pour la première fois
le remords oublié
sur un lit d'infortune
et ce secret confié
au bottin de la lune

je ne sais pas
je ne sais pas vraiment
je ne sais pas
aller vers le pardon

une saute de vent
sur le sentier des vignes
un oiseau s'enivrant
d'une grappe d'amigne
un adieu étouffé
au loquet de la porte
un sanglot ravalé
un amour qui avorte
une promesse vendue
sur l'étal infidèle
un pavois descendu
feu sur la citadelle
la défaite annoncée
sur un lit d'infortune
et ce secret confié
au bottin de la lune

je ne sais pas
je ne sais pas vraiment
je ne sais pas
aller vers le pardon

un ormeau qu'on abat
sur la route des anges
un cri un branle-bas
un sourire dans ses langes
c'est des mains qui se tordent
quand la peur castagnette
c'est des vagues qui mordent
la queue de la comète
c'est un torrent à sec
quand les larmes sont bues
un coq claquant du bec
sa poule a disparu
la renarde est passée
sur son lit d'infortune
et ce secret confié
au bottin de la lune

je ne sais pas
je ne sais pas vraiment
je ne sais pas
aller vers le pardon

un chant de crépuscule
dans la radio des morts
une vie qui bascule
y a plus personne à bord
une veillée funèbre
dans la maison voisine
ce vin donne la fièvre
quand les amours chagrinent
je veux une guitare
pour chanter mes tourments
je veux une fanfare
pour célébrer l'instant
un simple menuet
sur mon lit d'infortune
et mon secret confié
au bottin de la lune

je ne sais pas
je ne sais pas vraiment
je ne sais pas
aller vers l'abandon

8 décembre 2009

lundi 7 décembre 2009

derrière la vitre

quelle est la vie d'un homme
derrière la vitre

reflet de soleil
on ne le voit qu'en courts instants
on ne le voit qu'en bribes
ses mouvements sont décidés
il hésite et s'arrête

on ne sait pas s'il renoue le fil

quelle est la vie d'un homme
derrière la vitre

ruissellement de pluie
on ne le voit que déformé
on ne le voit qu'embué
il réfléchit ou il pleure
il abandonne et fuit

on ne sait pas s'il rejoint la rive

quelle est la vie d'un homme
derrière la vitre

à contrejour
on ne le voit qu'en silhouette
on ne le voit qu'en fantôme
il est virtuel il disparait
il fait une ombre immense qui s'envole

on ne sait pas s'il touche à terre
on ne sait pas vraiment
s'il fait partie des vivants

quelle est la vie d'un homme
derrière la vitre

qui osera pousser l'interrupteur

quelle vie de l'autre côté de la vitre

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre
7 décembre 2009

dimanche 6 décembre 2009

un petit air lala

un petit air lala

un maigre chœur profane
invite à la fête
dans le passage de la gare

ça sent le sandwich et la petite bière
ça sent la valise mouillée
et le déodorant à la va-vite
et pis surtout ça sent le sapin
ça sent le sapin

un petit air lala

un accordéon autiste
renifle un psaume tiers-mondiste
sur le parvis du supermarché

ça sent le vin chaud humanitaire
et le pain d'épice équitable
ça sent la bougie à la cannelle
et pis surtout ça sent le sapin
ça sent le sapin

un petit air lala

un violon roumain
miaule les yeux noirs
sur la terrasse de la brasserie

ça sent le velouté de courge à la morille
ça sent la choucroute du terroir
ça sent l'atriau à l'humagne
et pis surtout ça sent le sapin
ça sent le sapin

un petit air lala

un pantin mécanique
nasille un hymne à la paix
à la porte de la cathédrale

ça sent la mandarine et l'encens
ça sent les lumignons et le repentir
ça sent la foi mauvaise et sa cuvée tradition
et pis surtout ça sent le sapin
ça sent le sapin

le canard graisse ses plumes sans se soucier de son cholestérol


6 décembre 2009