1440 minutes

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editions d'autre part

dimanche 28 avril 2013

c'est un repli


sur le passeport du moineau
il est inscrit les trois platanes
du cœur de la cité
il ne lui viendrait pas l’idée
d’aller sur le tilleul du rempart
 
c’est un pli de couverture militaire
c’est un repli de fortification
 

sur le plan de vol du martinet
il y a le vent les étoiles et l’océan
il ne connait même pas
le square du pénitencier
 
c’est un pli d’uniforme de police
c’est un repli de macération
 

sur le visa du corbeau
il y a des pages vierges
des frontières et des barbelés
il connait par cœur
les jours de service et le salut au drapeau
 
c’est un pli de bannière
c’est un repli de mobilisation
 

sur le laisser-passer du coucou
il y a des adresses de squat et de restos du cœur
il se méfie du chasseur et du douanier
il sait les fuites et les réveils furtifs
 
c’est un pli d’aile fatiguée
c’est un repli de mortification
 

sur l’autorisation du rossignol
il y a les heures d’ouverture et les partitions
la chanson patriotique et la priorité à la fanfare
il siffle en patois la constitution
 
c’est un pli à prendre
c’est un repli de compassion
 

samedi 27 avril 2013

le cimetière est fermé


le cimetière est fermé pour cause de printemps
les morts éternuent des pollens de gratte-cul
les papillons rigolent en sarabandes
l’orpheline est restée au bar du sourire
garçon ! un apéritif orange !
 
le cimetière est fermé pour cause de pluie
les morts dégustent des escargots à l’ail des ours
les processionnaires se cachent sous les parapluies
l’orpheline est restée au bar de la flaque
garçon ! un vin gris !
 
le cimetière est fermé pour cause de vent
les morts s’envolent en bourrasques
le coq en girouette chope le tournis
l’orpheline est restée au bar du cerf-volant
garçon ! un mojito sirocco !
 
le cimetière est fermé pour cause de deuil
les morts pleurent un collègue
les taupes se perdent dans les tombes d’enfants
l’orpheline est restée au bar du chrysanthème
garçon ! une mort subite !

vendredi 26 avril 2013

haha ha ! la mandoline


haha ha ! la mandoline sur le ventre prospère
un accord mineur sous le lilas
des liqueurs exotiques
un sein qui se dénude
et le renard pisse d’humeur joyeuse
 
hey ho ! le clairon dans le matin clairet
un rythme de machine à pistons
une bière sucrée
un frisson sur la nuque
et le hibou vomit une pelote de poils
 
tireli tirelou ! le fifre sur l’escalier de vigne
des missiles d’abeilles dans les vapeurs de pollen
de l’hydromel glacé
un pubis en jachère
et la mésange fiente un jus de groseille
 
hop la hop ! le basson sur le plancher d’arole
une aubade dans le sanatorium
une tisane de plantain et de sauge
les surrénales à genoux
et le blaireau bave un chagrin nouveau-né
 

mercredi 24 avril 2013

au marché des libellules


au marché des libellules
je vends des mandibules usagées
je troque au numismate
les effigies de mes amoureuses
je brade des prénoms
et des brassières
je rentre au bercail
avec le fracas de l’oubli
 
au marché des hannetons
je vends de la chitine en pots
je vole à l’archiviste
son droit de cuissage
je jette des cousinages
et des bracelets
je rentre au gourbi
avec le gousset de la blessure
 
au marché des frelons
je vends des plans de vols interdits
je donne au parachutiste
la clé du dispensaire
j’abandonne des protocoles
et des cerceaux
je rentre à la chaumine
avec la musique du recel
 
au marché des bombyx
je vends des napperons mités
j’envie au couturier
les faux-cols des coups de foudre
je lâche des secrets
et des trousseaux
je rentre dans mon trou
avec le charivari du réel
 

mardi 23 avril 2013

à quoi bon les draps


à quoi servent les jambes du pèlerin
dont l’âme est noire
et peut-être déjà morte
quel est le sens de ses chaussettes en laine vierge
et sa gamelle de soupe
les têtards vont crever quand la flaque sera sèche
à quoi bon les draps
 
à quoi sert la canne de l’aveugle
dont le destin est desséché
et peut-être déjà carbonisé
quel est le sens de sa vareuse en toile réfractaire
et son sandwich aux oignons
les canetons vont crever quand l’épervier aura faim
à quoi bon les rideaux
 
à quoi sert le râteau du jardinier
dont le ventre est gonflé
et peut-être déjà pourri
quel est le sens de ses sabots de caoutchouc
et sa compote de pommes
les abeilles vont crever quand le vent poussera les insecticides
à quoi bon les chemises propres

samedi 20 avril 2013

dans la rue Salsifis


dans la rue Salsifis
j’ai croisé une carpe
qui avait des choses à me dire
comme elle en avait trop dit avant
comme elle en avait trop dit ailleurs
je l’ai embrassée sur la bouche
pour avaler ses mots
dans la rue Salsifis
j’ai baisé la carpe
 
dans la rue Tabaga
j’ai croisé une girafe
qui voulait m’écouter
comme j’en avais trop dit avant
comme j’en avais trop dit ailleurs
elle m’a bouffé la glotte
pour sucer tous mes mots
dans la rue Tabaga
j’ai baisé la girafe
 
dans la rue Chicorée
j’ai croisé un pinson
qui voulait voler mes notes
comme je les avais chantées avant
comme je les avais chantées ailleurs
il m’a pincé la langue
pour picorer mes croches
dans la rue Chicorée
j’ai baisé le pinson
 
dans la rue Guimauve
j’ai croisé un triton
qui voulait mon silence
comme je n’avais rien dit avant
comme je n’avais rien dit ailleurs
il m’a cloué la bouche
pour étouffer mes mots
dans la rue Guimauve
j’ai marié le triton
 
et dans la rue Triton
j’ai épousé Guimauve
 

jeudi 18 avril 2013

j'ai donné un bouton de pétunia


j’ai donné un bouton de pétunia
à la fille grosse qui veut se marier
son cœur est une pomme en massepain
son cul une brioche pour les dimanches de printemps
elle habite au-dessus du kiosque à musique
elle invite un jeune tambour pour son jeu de dame
baguette
haïku
et peau tendue
 
j’ai donné un bourgeon de tomate
à la fille pâle qui veut mourir
son cœur est un navet trop maigre
son cul une torche pour les soirs d’hiver
elle habite dans la chapelle du sanatorium
elle invite le marmiton pour son jus de légume
carotte
sonnet
et haricot sec
 
j’ai donné une fleur de liseron
à la fille folle qui veut s’envoler
son cœur est un papillon bleu
son cul un plan de vol pour une nuit sans lune
elle habite un lit d’hôpital
elle invite l’ange et son voisin pour son histoire d’amour
blouse blanche
romance
et chaise percée
 

dimanche 14 avril 2013

le cœur se gonfle


un bout du paradis dans un cornet surprise
un porte-clefs un serpentin
un roudoudou une grenouille
j’ai les genoux qui collent d’un sirop de jouvence
le cœur se gonfle d’un sourire de pissenlit
on partage le vin de la kermesse
 
une goutte de bonheur dans la fiole des mystères
une macération une solution camphrée
un esprit de vin du perlimpinpin
j’ai les coudes qui suintent un jus de perdition
le cœur se gonfle d’un régal de primevères
on partage le pain du dimanche
 
un brin de légèreté dans le bouquet de la semaine
un rire étincelant un jeu de marelle
un vol de papillon un ballon rouge
j’ai les omoplates qui bourgeonnent une sève de voyage
le cœur se gonfle des bagatelles de pâquerettes
on partage l’eau de la fontaine

mardi 9 avril 2013

absolument la vie


absolument la vie
s’échappe dans le drain
suffocation du lit
pilules petit-poucet
cardiogramme sur du papier musique
l’infirmière a cassé son talon
dans la salle d’obstétrique
absolument une cigarette et un porto
pour la famille éplorée
 
terriblement la vie
se gonfle d’ammoniac
spasme dans le plateau-repas
perfusion pour l’ogre
courbe de température sur la portée
le médecin assistant a déchiré sa blouse
dans la cabine du scanner
terriblement un supplément de biscotte
pour le dentier du grand-père
 
simplement la vie
bourgeonne dans la gouttière
inflammation de la béquille
pansement pour capitaine crochet
plan de régime sur la partition
le chirurgien a oublié son scalpel
sur la table de la cafétéria
simplement un café fertig
pour la partie de poker

dimanche 7 avril 2013

sur le cintre


sur le cintre de l’ennui
un tablier gris terne
l’harmonica miaule un chant d’éboueur
le café rebouillu et tiédasse
relance le débat des inutiles
je t’invite à ma table
 
sur le cintre de la jalousie
un bustier pigeonnant
la clarinette glapit une chanson reproche
la tisane de gratte-cul
relance le débat des dérangés
je t’invite à mon prurit
 
sur le cintre de la rancune
un chandail de laine amère
le basson glougloute une litanie noire
une pinte de mauvais vin
relance le débat des pendus
je t’invite à ma corde
 
sur le cintre de la bagatelle
une robe rouge fendue
le piano sonatine une chanson de désir
une liqueur de violette
relance le débat des alanguis
je te mets dans mon lit

je n'ai rien dit


dans ma commode à papillons
j’ai retrouvé un ver de terre
terri terron terrien
je n’ai rien dit au merle
terri terron terrien
je n’ai rien dit au merle vaurien
 
dans mon armoire à mammifères
j’ai retrouvé un porc épic
épuc époc épic
je n’ai rien dit au chasseur
épuc époc épic
je n’ai rien dit au chasseur maléfique
 
dans mon tiroir à libellules
j’ai retrouvé une courtilière
lonlon lonla lonlère
je n’ai rien dit à la princesse
lonlon lonla lonlère
je n’ai rien dit à la princesse maraîchère
 
dans ma poche à porte-plumes
j’ai retrouvé quelqu’une
forti forto fortune
je n’ai rien dit à Pierrot
forti forto fortune
je n’ai rien dit à Pierrot-la-lune
 
dans mon sac à bons mots
j’ai retrouvé une fadaise
bali balai balaise
je n’ai rien dit à la clarinette
bali balai balaise
je n’ai rien dit à la clarinette sans do dièse

samedi 6 avril 2013

quel beau métier!


le responsable des subventions aux familles mélanocéphales a pris congé
il étudie les pigments naturels ou de synthèse
il saura bientôt confondre les tricheurs
et sera peut-être bientôt promu responsable des subventions aux familles tridactyles
 
quel beau métier ! mon bon ami
 
 
la préposée à l’éradication des hyménoptères ravageurs fait du zèle aux aurores printanières
elle inocule des poisons dans la sève des vergers haute-tige
elle essaie des ventilateurs d’air boréal
et sera sûrement bientôt cheffe des disparitions programmées
 
quel bel avenir ! ma belle amie
 
 
l’adjoint aux ristournes des droits de timbre pour les maladies pulmonaires crache dans la soupe
il salit les feuilles de calculs
il falsifie les statistiques des silicoses
et sera rétrogradé demain à l’inventaire des balayettes
il pourra observer les araignées
 
sa grande passion ! mon bon patron

vendredi 5 avril 2013

la boiteuse vend au marché

 
la boiteuse vend au marché des béquilles et des emplâtres
elle dévisage les hommes jeunes et leur donne des prénoms de fruits
ses rendez-vous sont un traquenard de jouissance et de beuverie
elle a payé sa patente, elle vous tente, elle vous tente
 
la jardinière vend au marché du persil et des radis
elle embobine les hommes âgés et leur donne des prénoms de légumes
ses rendez-vous sont des plates-bandes de soucis et de sabots de vénus
elle a payé sa place, elle embrasse, elle embrasse
 
la couturière vend au marché des manchons et des boutons de culottes
elle ravaude les hommes mariés et leur donne des prénoms de serge
ses rendez-vous sont un raccommodage des peines de cœur et de cul
elle a payé son bitume, elle consume, elle consume

mercredi 3 avril 2013

je suis le chef d'orchestre


je suis le chef d’orchestre des intentions des gueux
une machine à laver branchée sur la fontaine publique
une rangée de boutons d’or devant la banque
une friture de poissons blancs avec du riz à la tomate
un juge qui sourit, une intendante qui caresse
un bordereau d’impôt roquefort président
 
je suis le chef d’orchestre des décrets du roi
un élevage de chevaux balzane de trois
un bouquet de belladones pour l’infante
des miroirs sans tain au gynécée des castrats
un confesseur sourd, une soubrette aveugle
des lampions rouges sur les places de fêtes
 
je suis le chef d’orchestre des souvenirs de médecins
des brancards alignés dans le square aux jets d’eau
une plantation d’arnica dans le jardin de l’asile
la salle d’op’ bourrée de serpentins et de papillotes
l’anesthésiste qui se trompe, l’infirmière qui danse
une ordonnance pour de l’alcool et du rire
 
je suis le chef d’orchestre des secrets de familles
la vigne abandonnée dans le village ennemi
la séparation de la fratrie dans l’alignement des tombes
le foin fermenté et le lard ranci
le taureau qui fléchit, le chant de la bergère
la recette du requiem dans une potée de choux

mardi 2 avril 2013

j'ai coincé la campanule


j’ai coincé la campanule dans la fermeture-éclair du syndicat
cri d’atlantique dans l’éolienne
cliquetis de cadenas au bureau de poste
des enfants blonds jouent au Pierre-Noir
le maître d’école se ronge les ongles en attendant la mer
 
j’ai déchiré l’œillet dans la couture de la fanfare
cri de désert dans le cuvier
coups de fouets au magasin du cirque
des enfants hémiplégiques jouent à l’élastique
le maître d’école se ronge les sangs en attendant l’iceberg
 
j’ai découpé le pétunia dans la cravate du tribunal
cri d’amazonie dans le verger d’orangers
mitraille de noix contre le vitrail
des enfants noirs partent en colonie
le maître d’école se ronge le foie en attendant les vendanges
 
j’ai faufilé le myosotis dans la pochette du parlement
cri de taïga dans l’usine à gaz
pétards chinois chez le potier
des enfants calamiteux jouent au Monopoly
le maître d’école se ronge le cœur en attendant le delta


lundi 1 avril 2013

on entend des ricanements de torrents


le printemps est un marchand de farces et attrapes
 
la pie fiente sur une nappe blanche
l’avalanche annoncée à quatorze heures arrive en plein midi
les tulipes ont bruni sous un gel sec et féroce
la robette à fleurs s’accroche à la naphtaline
 
on entend des ricanements de torrents
 
 
le printemps est un politicien en campagne
 
l’administration jongle avec les zéros de l’impôt
la police verbalise les oiseaux de passage
les feux de jardins sont bannis pour ne pas dérouter les avions de guerre
l’électricité se brade sans se méfier des court-jus
 
on entend le cheval qui réclame le pré
 
 
le printemps est un chef de l’aménagement du territoire
 
un pan de vigne s’est suicidé dans le talus
la rivière change de cap et noie les morts du cimetière
la chaudière du sanatorium a pété dans la tempête
l’hôtel du glacier a flambé une nuit sans lune
 
on entend la cloche de Pâques se foutre de la paix