1440 minutes

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editions d'autre part

samedi 31 janvier 2009

mon petit court-métrage très court

un pays en plein doute, sans gouvernement fort depuis longtemps
un pays traumatisé par des crimes contre l’enfance
un jeune homme, propre sur lui, peau blanche et papier d’identité
un jeune homme, amoureux aussi de cinéma

zoom sur le couteau, la hache
caméra sur l’épaule pour la colère et les larmes
travelling sur une onde de choc

l’immense journaliste Fournier Jean-François analyse, commente et s’implique, tous rétroviseur, réflecteur et miroir en alerte
dans son petit cinéma, salle obscure, il lâche un scénario
peine de mort pour les assassins d’enfants

tout un chacun peut se faire son petit cinéma, avoir un petit vélo, buller ses fantasmes
tant que cela émulsionne entre méninges et hypothalamus, on peut juguler sa douleur psychique et éviter le recours à la psychiatrie
parfois cela déborde en parole ou en écrit
discours ou slogan, littérature ou manifeste

le jeune homme belge a prouvé par les actes sa parfaite connaissance du film d’horreur
le penseur Fournier Jean-François en reste à un cinéma de propagande

proposer une sanction définitive liée à l’acte escamote l’idée d’un procès
répondre à la barbarie par la barbarie est un aveu d’échec

sommes-nous tous coupables d’engendrer des monstres

un échafaud à chaque rond-point et le pays sera propre

et les romanichels seront bienvenus pour aiguiser les guillotines

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman


31 janvier 2009

jeudi 22 janvier 2009

avis de tempête

ma chaussure droite prend l’eau
la frontière est visible
trainée de sodium sur le cuir
le pied s’engourdit et ne veut plus se poser sur le sol
ah se réveiller chevalier gambette
et attendre le retour du chaud et sec

avis de tempête

je m’arque boute sur mon nombril
mon béret est un cache-nez
et je grince sous le vent

un bouvreuil a voulu traverser la maison
la vitre miroir a interrompu la flèche de son vol
le bec à l’envers dans la neige
il ne saura rien du printemps, ses dangers et ses lumières

mon sinus inférieur droit cogne
rien qu’un peu de morve tu parles
le cerveau entier est une infection
ah le réveiller porridge
et poétiser lobotome

avis de tempête

une femme est sortie de sa forêt
après douze ans d’absence
« je veux voir un saint homme »

il fait sombre à toute heure
la lune est partie pour toujours
et la neige gèle noir
trois pieds de choux vont au bal carnaval et chacal
marche du diable ou valse d’agonie

il y a un scud et sa sirène d’alarme dans mon oreille droite
le tympan est à vif
et le lobe est givré
le sourcil parle la langue des signes
ah le réveiller froncé noir
et exprimer l’irritation

avis de tempête
constat de grippe hémiplégique

avis de tempête
je frissonne à demi sous ta couette

22 janvier 2009

jeudi 15 janvier 2009

et ma soif en pleine poire

un peu comme un millésime mis de côté
il n’y a pas de poussière sur l’étiquette
ce n’est pas du souvenir et c’est pourtant très ancien
c’était hier ce lent mouvement de coude et la rasade dans le gosier
il y eut des heures de doute et des minutes de tortures
il y eut des mois de sérénité et des semaines de querelles
il y eut des années d’oubli et des saisons de dangers
c’était hier ce lent mouvement de coude
il n’y a pas de poussière sur ma soif

mademoiselle
une goulée d’ivresse

un peu comme une vendange tardive
il y a de la pourriture noble
ce n’est pas du gâchis et c’est pourtant de la perte
c’était hier cette fulgurante décision et ce renoncement
il y eut des barreaux à limer et des herses à franchir
il y eut des pièges de miel et des pièges de sel
il y eut des ponts de cordes et des gouffres de soufre
c’était hier cette fulgurante décision
il y a de la pourriture dans ma quête

garçon
un pot des braves

un peu comme une fermentation qui dure
il y a une chanson dans le tonneau
ce n’est pas une syncope et c’est pourtant un rythme
c’était hier cette alarme et ce vacarme
il y eut des guitares sèches et des violons humides
il y eut des tambours et des appels de grosse caisse
il y eut un soupir et le glas du triangle
c’était hier cette alarme
il y a une chanson à boire

mademoiselle
un bol de solitude

un peu comme une décantation
il y a une effluve de promesses
ce n’est pas une haleine d’ivrogne et c’est pourtant une odeur
c’était hier cette transpiration et cet abandon
il y eut un bouquet et des fleurs qui se fanent
il y eut un arôme et des immortelles
il y eut la gerbe et des gerbes
c’était hier cette transpiration
il y a une effluve de lie

garçon
une pinte de bon sang

un peu comme une mise en bouteilles
il y a des rires pour les veillées
ce n’est pas sûr qu’on boira et c’est pourtant à boire
c’était hier cette sobriété subite et cette liberté enivrante
il y eut un tire-bouchon et du vin pour les sauces
il y eut un vin de noix et un vin de vacances
il y eut une ébriété ou deux mais chut
c’était hier cette sobriété
il y a des rires aigres

patron
l’addition

un peu comme le premier verre du matin n’arrête pas le pèlerin
il y a une lampée d’eau de source
ce n’est pas un désert et c’est pourtant l’oasis
c’était hier ce déluge et cette cascade
il y eut des refus et des fêtes
il y eut le vin des morts et l’eau bénite
il y eut l’avalanche et le torrent tari
c’était hier ce déluge
il y a une lampée d’eau ivre

patron
qu’on me rende mon pour boire

13 janvier 1989
13 janvier 2009
vingt ans d’abstinence
vingt ans de rires libres

patron
tu peux remettre une tournée

le navet qui pourrit effluve le chef d’œuvre

13 janvier 2009

lundi 5 janvier 2009

bande de gaze

c’est toujours en hiver que les bombes font de beaux ciels
les peintres d’Israël jouent du pastel sur la Méditerranée
une minuscule tache de sang
juste un pouce carré de bande de gaze

c’est toujours au crépuscule que les sirènes font de lugubres chants
les cymbales d’Israël jouent un glas dans les rues de Palestine
un long roulement
juste un bombardier regagnant sa base

c’est toujours au soleil que le sang noircit le macadam
les bouchers d’Israël déchiquètent la viande civile
poussières et fumées, fumées et poussières
juste un bombardier regagnant sa base

c’est toujours au matin le décompte des morts
les vautours d’Israël se gorgent de tripailles
le coma d’Ariel Sharon est bousculé d’un gargouillis
juste l’échappée d’un filet de gaz

une immense mare de sang palestinien
juste un pouce carré de bande de gaze

like a rolling stone comme disait Robert Allen Zimmerman


5 janvier 2009