1440 minutes

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editions d'autre part

samedi 31 décembre 2011

la lanterne devant la grange

la lanterne devant la grange
donne le signal
des silhouettes à la hâte
une roucoulade
une bouteille de vin pétillant

la lanterne devant la grange
baisse un peu l’abat-jour
des corps qui s’échauffent
une longue embrassade
des habits qui se froissent

la lanterne devant la grange
guigne à travers les paupières
les peaux se souviennent
des senteurs de la fleur de foin
halètements gémissements

la lanterne devant la grange
ne dira rien
on efface des traces
on secoue le drap de jute
on se sépare d’un baiser
 
la lanterne devant la grange
sait d’autres histoires
des culottes oubliées
des femmes engrossées
le paysan gouverne ses vaches

la lanterne est tombée
devant la porte de la grange
une jeune fille a foutu le feu
quelques femmes sourient ou pleurent
le paysan plein de fatigues
vendra son troupeau avant la fin de l’année

31 décembre 2011

vendredi 30 décembre 2011

des hommes en vestes rouges

des hommes en vestes rouges
remontent le couloir plein sud
on dit qu’ils recherchent un prêtre
ou un enfant
ou une enfant
des vieux au bistrot
boivent plus que d’habitude
des femmes allument des bougies
à l’autel de Sainte Thérèse
le car postal est stoppé par des congères

une tête de cochon et des couennes
cuisent dans une marmite
c’est un écœurement et une tristesse

des hommes en vestes rouges
boivent du thé au vin rouge
et se taisent
et se taisent
le commandant dit des banalités
à la journaliste d’une radio locale

puis une chanson
parle de moutonniers d’Ukraine
et de femmes disparues ou vendues

une publicité pour des chaussettes intelligentes
et pour des légumes qui tuent le cancer et la bêtise

le village dormira mal cette nuit
rotant d’amertume
et de fricassée aux choux

les disparitions sont trop grasses
et trop salées

les hommes en vestes rouges
repartent dans des camions mal chauffés
et bruyants d’essieux gelés

30 décembre 2011

jeudi 29 décembre 2011

je traverse le poème

la forêt respire avec bruit
fanfare de carnaval
sortie en ville des recrues
premier jour de solde chez le casse-noix

les troncs se tordent
les branches cassent
tornade de poche
dans le talus du vallon

je traverse le poème
qui te parle d’amour


la forêt s’ébroue et se repeigne
massage de l’épaule
conversation chez le coiffeur
jeu de dînette chez l’écureuil

l’écorce console
la racine rassure
trêve de l’ivresse
dans le bal des feuilles mortes

je traverse le poème
qui te parle d’amour


la forêt s’ensommeille dans un sourire
berceuse de fifres
chuchotement de grand-mère
veillée de prière chez le bostryche

les pives se lamentent
les lichens s’empsaument
le monde en suspens
dans un trou de renard

je traverse le poème
qui te parle d’amour
et referme la porte derrière moi

le vent est un voleur
et le temps son complice

29 décembre 2012

mardi 27 décembre 2011

je compte sur les doigts

la nuit s’arque boute
au ciel si sombre
on aimerait un filet de lune
on aimerait une étoile au moins
rien
seule la lueur falote
des réverbères du hameau
un renard glapit
la nuit se renfrogne

je compte sur les doigts
les prénoms de femmes
absentes disparues
l’annulaire me refuse un prénom


la nuit est un couvercle de tombeau
la fonte sonne un glas maigre
on aimerait une chaufferette
on aimerait une bougie au moins
rien
seul le craquement du fer
qui se rétracte sous le froid
une chevêche chuinte
la nuit se renferme

je compte sur les doigts
les millésimes qu’on aurait bus
le pouce me refuse un vin de Pâques


la nuit empaquette les souvenirs
dans une trappe sourde
on aimerait un bon mot
on aimerait une louange au moins
rien
seul un refrain de capucine
sur le chemin de l’école
la nuit se resserre

je compte sur les doigts
les baptêmes et les communions
le majeur me refuse une sentence


la nuit ferme les bistrots
avant l’heure de police
on aimerait une chope de bière
on aimerait un verre de genièvre au moins
rien
seul un vieux slow rayé
dans le tournis du juke-box
le patron somnole
la nuit ressuie les verres

je compte sur les doigts
les danses miraculeuses
l’auriculaire me refuse un tango


la nuit empile les rêves et les songes
dans l’armoire à linge
on aimerait un bouquet de lavande
on aimerait un savon de Marseille au moins
rien
seul un remugle de naphtaline
dans le tiroir à chaussettes
l’amour patiente
la nuit se touche

je compte sur les doigts
les plaisirs fantasmés
l’index me refuse un péché

27 décembre 2011

lundi 26 décembre 2011

je donne la pièce

l’accordéon s’encouble
cul et coudes, tête et genoux
l’ambre et la nacre
poissent sur les ronds de bière

qui redonnera
le souffle des baptêmes et des épousailles
qui actionnera
le ventilateur à courroies

je donne la pièce
au mendiant muet
et vole sa casquette
au singe savant

la rue est un théâtre dansé


le tambourin fait la circulation
coups de klaxons et coups de freins
la gomme et la colère
poissent l’après-midi

qui redonnera
le rythme et le fluide
qui poussera
les manettes du virtuose

je donne un sucre
à l’enfant aveugle
et vole son avoine
au cheval de manège

la rue est une tragédie à répétition


le hautbois ricane
volaille et grenouille, cane et crapaud
la plainte et l’ironie
poissent les bancs publics

qui redonnera
le sérieux et le formel
qui actionnera
la boîte à rire du dictateur

je donne mon ticket
au nain du cirque
et vole son ballon
au chienchien acrobate

la rue joue à guichets fermés
la rue joue

26 décembre 2011

dimanche 25 décembre 2011

sur le billot

sur le billot des jours heureux
un gâteau aux épices
un vin lourd et tannique
une lettre décachetée
un ultime rose jaune

je contemple le tableau
et déplace un souvenir

quelqu’un a jeté un quartier de veau
désossé grossièrement
sur le pré enneigé
le renard attend

un blond soleil d’hiver
fouette le talus de brume
illumine la baie vitrée
et met le feu aux chéneaux de cuivre

je confronte le tableau
et surligne un souvenir

sur le billot des siestes longues
une coupe de jasmin
une liqueur d’ambre et de miel
une promesse d’amour
un myosotis vif sur le traversin

je déchiffre la partition
et déplace un soupir

quelqu’un a marché sur le lac
guettant les plaintes de la glace
un busard attend

des silhouettes pressées
sur le chemin des vignes
gesticulent et blasphèment
dénoncent et parjurent

je syncope la partition
et raccourcis un soupir

  
sur le billot des patrimoines
une généalogie de cépages
de la gentiane et du génépi
un pardessus d’amitié
un mouton des marais

je complique le catalogue
et déplace un sourire

quelqu’un a faussé le jeu de piste
vidant les fontaines
et triturant le nom des rues
le coq somnole

le clocher raconte des histoires de grossesses
des destins basculés
et des ventres mensongers

je compulse le catalogue
et commande un sourire

sur le billot des jours heureux

25 décembre 2011

vendredi 23 décembre 2011

parler d'avenir

de gros nuages sombres
dévorent la montagne
des brumes sales
assomment les villages
un réverbère grésille en plein midi
personne ne lui a dit
qu’il fait peut-être jour

peut-on parler d’avenir

le chasse-neige est sorti de la route
il a traversé le potager et le parc à génisses
un pie a fienté sur son gyrophare inutile
un merle éberlué s’exerce aux chants de Pâques

on a bardouflé à la brosse
le soleil exténué d’un gris de peine
on a giclé à la bombe
l’ombre du clocher au bleu d’outrage
on a tracé au charbon
le mur du cimetière au noir de fatigue

doit-on parler d’avenir

les poules on soûlé le coq de maïs fermenté
elles pondent des boules de Noël
et des yeux de verre
le renard a mangé une grive aux raisins
et le héron une grenouille surmaturée
le saule pleureur éclate d’un rire froid
personne ne lui dit
que c’est un jour d’attente
 
sait-on parler de l’avenir

le chemin de l’école s’est effondré
sur la chocolaterie
les enfants ont roulé des yeux noisettes
et la maîtresse est une cerise confite
le coucou de la pendule est en hypoglycémie
et l’araignée bave un fil de sucre glace

le sapin sent le sapin
personne ne lui a dit
que c’était jour de naissance

saura-t-on taire l’avenir

23 décembre 2011


dimanche 18 décembre 2011

est-ce le vide

on ne discerne pas très bien
le fond de la vallée
une montagne s’absente
un village escamoté
est-ce une brume
est-ce le vide
le gyrophare d’un chasse-neige
sépare la grisaille

une partie du monde disparaît
et je remonte le col de mon manteau


on ne distingue plus très bien
le fond du jardinet
un bosquet s’esquive
le bûcher prend la fuite
est-ce un crépuscule
est-ce le vide
le squelette du saule
vacille dans la froidure

un pan du hameau est en train de disparaître
et je rajoute une bûche dans le poêle


je ne vois plus très bien
au-delà de la fenêtre
un noisetier se fantôme
la boîte à lettres plie bagage
est-ce une pénombre
est-ce le vide
le portrait des parents
glisse le long de la tapisserie

un morceau de vie va bientôt disparaître
et je tire le rideau sur la morte saison

18 décembre 2011

jeudi 15 décembre 2011

et j'attends le salaire

un habit d’hirondelle sur la corde à linge
un tricot de brebis
sur l’épaule du soir

le chat miaule sous la pluie
et j’attends le salaire du laitier


un plastron de merle
sur le blason familial
un cri plaintif de veau
à l’heure de l’angélus

le chien sent le chien mouillé sous la pluie
et j’attends la folie du boucher


un meurtre de rouge-gorge
inscrit sur le rasoir
une danse de jument
sur la place publique

le coq rêve de poules neuves sous la pluie
et j’attends le salut de l’usurier

15 décembre 2011


dimanche 11 décembre 2011

des questions sur le parcours

des questions sur le parcours
gagner du soleil d’hiver
grappiller quelques raisins gelés
marcher sur des tapis de feuilles
déranger la mésange
et s’embrasser sous le chêne

des questions sur l’itinéraire
éviter l’ombre
remonter la bonne vigne
trouver l’escalier
tutoyer le rouge-gorge
et s’embrasser sous le muret

des questions sur la halte
s’abriter du vent
boire à la même gourde
fumer sur un banc devant la guérite
saluer le corbeau
et s’embrasser sous la treille

des questions sur le chemin
bifurquer avant l’école
entrer dans une auberge
lire un avis sur la porte de la chapelle
suivre le chant du merle
et s’embrasser dans le verger

des questions sur la fatigue
sentir le froid sur les joues
tenter un raccourci
embarquer le paysage
effaroucher le pinson
et s’embrasser devant la maison

11 décembre 2011

samedi 10 décembre 2011

les gens sont des gens

c’est un pays de vraisemblances
les rues se carrefourent
les églises se recueillent

les gens sont des gens
armés de deuils et de projets
bonimenteurs de silences sans façon
tricotant leurs destinées
une maille au théâtre
une maille à la banque

les gens ressemblent aux gens
mais leurs pieds font des pas différents


c’est un pays de propriétés
les barricadent se chicanent
les barbelés se déchirent

les gens sont des gens
griffes et dents, fourches
dresseurs de chiens sans façon
gardiens de chacun sa concession
chacun sa maladie
chacun son goupillon

les gens se séparent des gens
mais leurs mains font des rêves pareils


c’est un pays de territoires
les torrents délimitent
les coqs se dorent aux bannières

les gens sont des gens
gonflés d’accent et de paroisse
compositeurs d’hymnes sans façon
se recommande
ma fanfare, ma vache et mon tonneau
ma fille, ma vigne et mon tombeau

les gens se comparent aux gens
mais l’odeur de leurs bas-de-laine fleure le même pied


c’est un pays d’aventures
les rencontres se charment
les surprises se baisent

les gens sont des gens
ouvreurs de litière et de mansarde
détaillants de caresses sans façon
effeuillant leur marguerite
un pétale pour la passion
un pistil pour le pardon

les gens jouent aux gens
mais leur peau et leur gosier ont la même soif

10 décembre 2011

jeudi 8 décembre 2011

le choucas et la carpe

le choucas se demande
à quelle heure vient l’ennui
sur le gris des ardoises
Place de Majorie
l’horloge de discorde
lâche un faux carillon
manque un nœud à la corde
de la déconvenue
le doigt de l’innocence
a bleui sous la glace
la carpe se souvient
des bons mots partagés
le choucas se demande
la carpe se souvient

le choucas se balance
au fil du télégraphe
le message est passé
dessous ses pattes croches
l’horloge des mauvais jours
sonne un beffroi lugubre
toute lettre d’adieu
brûle du feu de dieu
quand la douleur est braise
le cœur meurt sous la cendre
la carpe se souvient
de son prince de sang
le choucas se balance
la carpe se souvient

le choucas se lamente
jamais de jour de fête
jamais d’accordéon
sur la Place du Théâtre
l’horloge des matines
lance un ave fébrile
l’espoir se violoncelle
aux voutes de la nef
la folie se partage
c’est à chacun sa tranche
la carpe se souvient
des noires camisoles
le choucas se lamente
la carpe se souvient

8 décembre 2011

mercredi 7 décembre 2011

cela sent et cela reflète

j’avance dans l’allée des fleuristes
cela sent le croquemort et l’évènement
cela sent les amours neuves
et les calendriers
je regarde les visages
j’imagine les intentions
et je m’immisce arpenteur géographe

j’avance dans le corridor orfèvre
cela reflète le témoin et la découverte
cela reflète les promesses fières
et les victoires d’étape
je regarde les mains
je dessine les lignages
et je m’esquive officier généalogue

j’avance dans les jardins reposoirs
cela sent le vicaire et l’hospitalité
cela sent la charité antique
et la litanies des saints
je regarde les sandales
je trace les chemins de croix
et je m’insinue bonimenteur indulgencier

j’avance dans les granges consolatrices
cela sent la génisse et l’abandon
cela sent la fleur de foin
et l’heure de l’étrille
je regarde les croupes
je décompte les vêlages
et je m’engloutis fruitier pratiquant

j’avance dans les trous de cascade
cela reflète la femme nue et l’imprécation
cela reflète la rencontre possible
et l’horoscope
je regarde la poitrine
je composte les aventures
et je m’introduis tôlier matrimonial

7 décembre 2011

vendredi 2 décembre 2011

garder le lien

garder le lien avec l’arbitraire
plaindre la soumission et le hasard

une pie frappe à la fenêtre
l’heure du premier soleil
et du ruisseau qui fume
les arbres nus et la voisine
un parfum d’orange et de feu


garder la ligne de combat
soudoyer le diktat et le couvre-feu

un cheval broute une graminée
l’heure du chemin de l’école
et du facteur qui bavarde
la vigne endormie et la policière
une lumière de velours  et d’églantine


garder le contact du lignage
dénouer les secrets et le silence

un renard piste l’équarrisseur
l’heure des salaisons
et du suif aux oiseaux
le bouleau en prière et la novice
un goût de sang caillé et d’absinthe

2 décembre 2011

mercredi 30 novembre 2011

et la fatigue vient

et la fatigue vient sur un crochet de lune
et l’armistice des reins
et le soliloque des neurones
l’abribus au chevet de la fuite
l’horaire de l’araignée
le chagrin composté

l’illusion sans arme
et le désarroi sans bagage


et la fatigue tombe sur le dernier névé
et la bannière des poitrines
et l’ordonnance du cortex
la misère des lundis
le carrefour chauve-souris
l’avance sur l’ivresse

le diagnostic sans foi
et le paradis sans loi


et la fatigue glisse sur la brume du soir
et la médaille sur l’épaule
et l’imprimatur cervelet
le bal costumé de l’ironie
le cache-cache capricorne
le tronc de Sainte Surprise

l’amitié sans tambour
la déception sans trompette


et la fatigue vole avec le satellite
et la volonté à genoux
et le mensonge reptilien
le portail des rencontres
le repos du cheval
l’illusion funambule

l’identité sans feu
l’itinéraire sans lieu

30 novembre 2011

lundi 28 novembre 2011

dire la vie

débusquer les mots de la fatigue
torturer leurs paupières
ne montrer que la beauté

dire la vie
bousculer les joies et les frayeurs
montagnes russes
cascades de glaces
et feux de forêts

dire la vie
les oignons des jonquilles
le tonneau de choucroute
les liqueurs qui poissent
et les baisers vainqueurs

dire la vie
les dents de lait les uppercuts
les culottes courtes et les orties
la morve au nez la merde au cul
et l’angoisse des touche-pipi


dépasser l’espace permis
délacer les châtiments
ne montrer que la montagne

dire la vie
le poids d’un enfant devant la mappemonde
le nuage qui se souvient du tropique
un insecte bouffi qui suce le platane
l’alphabet de la soupe
et la division des soleils

dire la vie
la prairie chewing-gum l’Histoire Carambar
la demande en mariage à la récré
cent fois le verbe aimer au futur antérieur
le vaccin contre la bêtise
la permission de minuit
et le pardon des fous

dire la vie
la leçon de piano derrière les écuries
les macaronis du chalet avant les confessions
le décès d’un ami la veille des vacances
les fleurs de la promesse brûlée au désherbant
le feu de la passion dans un moteur deux temps
et les cordes violoncelles d’où pendent les musiques
 

déranger les remords
et saluer la morte saison
et ne montrer que le ciel

dire la vie
et ne rien taire surtout
dire la vie
et ne rien taire non plus

28 novembre 2011

dimanche 27 novembre 2011

je te laisse au soleil

je te laisse au soleil
sous les décombres du froid
un vent de fausse neige
et le gel qui monte de l’étang

je te laisse au soleil
aux senteurs de novembre
celle des feuilles acides
et celle des fruits fermentés

je te laisse au soleil
sous le ciel métallique
le vol lourd d’une buse
et les vignes en sommeil

il pleut des certitudes
à la gazette des morts
le cheval du manège
mâche un ennui d’avoine
il pleut une vieille habitude
sous le poirier du dimanche
le cheval du manège
rote une envie de meurtre


je te donne l’incendie
des bannières imbéciles
les lettres de l’huissier
et le bouquet d’immortelles
 
je te donne l’incendie
des farandoles trisomiques
la langueur des siestes
et la musique du vin pétillant

je te donne l’incendie
des souvenirs malsains
les amas de factures
et les devis des prothésistes

il tonne des violons
sur la place publique
le coq de mon hameau
s’inscrit au guignol’s band
il tonne des promesses
sur le saule vaincu
le coq de mon hameau
décompose ses gammes


je charrue ton jardin
sous le contrôle de l’étoile
l’horloge du laitier
et la vanité des réclames
 
je charrue ton jardin
pour le plaisir du merle
l’avance sur le semainier
et le vacarme des semences
 
je charrue ton jardin
au profond de l’amour
la chansons des rideaux
et la soutane des corneilles
 
il gèle un collier de source
dans les draps de Norvège
la frégate fuit le nord
sur la piste des céréaliers
il gèle des libellules
dans les chaumes de givre
la frégate fuit le nord
sur la portée des chants marins
 
27 novembre 2011





dimanche 20 novembre 2011

avant que le coq

avant que le coq ne chante souiller les murs de la caserne
éparpiller les gerbes
saluer le pavé
remplir le semainier de graines d’espérance
écrire un hymne neuf
réchauffer le café violoncelle
et ronger les peaux de l’habitude

je descends les ruelles
menant au bord du fleuve
il y a bal sur les quais
c’est la fête à Sainte Tempête
la bière est une fausse blonde
c’est le fantasme de la rousse


avant que le coq n’insémine ses poules
apprivoiser les salles d’attente
délier les glycines
embrasser le pavé
remplir le goutte-à-goutte d’une potion de rire
réanimer un ancien chant
émulsionner un sorbet trompette
et ronger les ongles du remords

je descends les ruelles
menant au pré de foire
il y a marché des viandes et des épices
c’est la fête à Sainte Pucelle
le vin de messe est rouge sang
c’est le fantasme des vierges folles


avant que la poule ne ponde
briser les barreaux de la maternelle
semer du myosotis
défoncer le pavé
multiplier les ordonnances d’herbes du bon dieu
exciter le poème
braiser les pistons du tuba
et ronger les os des certitudes

je descends les ruelles
menant au café démocrate
il y a les brandons citoyens
c’est la fête à Saint Suffrage
le jus des urnes est eau-de-feu
c’est le fantasme des légitimes


avant que le coq ne meure
bouffer la poule au pot au sortir des dancings
sucer les pissenlits
tomber sur le pavé
distiller l’absinthe et la gentiane
exécuter l’horrible sonate
tanner la peau du tambourin
et ronger la queue du diable

je descends les ruelles
menant à la place publique
il y a braderie des cœurs
c’est la fête à Sainte Rencontre
le courant continu fait court-jus
c’est le fantasme des nuits de noces

20 novembre 2011

vendredi 18 novembre 2011

qui tombera

qui tombera de l’éboulis
dans quelques songes
dans l’air vif taillé au hachoir
dans le champ de vision de l’aigle

qui tombera
désarmé de l’habitude et du maintien
qui tombera un jour de chasse
entre limaille et eau-de-vie


qui tombera de l’arole
dans une saute de vent
dans l’angle mort des épouvantes
dans le raillement du casse-noix

qui tombera
disloqué d’effroi et d’hébétude
qui tombera un jour de honte
entre homme noir et bannissement


qui tombera du clocher
dans un psaume de rogations
dans la bénédiction solaire
dans l’œil impavide de la chevêche

qui tombera
déshabillé dans le rosaire et le péché
qui tombera un jour de célébration
entre l’hostie et l’indulgence


qui tombera de la chaise
dans le fracas des bouteilles
dans le salaire essoufflé et conspué
dans la boîte à lettres du coucou

qui tombera
destitué du rire et de tendresse
qui tombera un jour de ripaille
entre saucisse et solitude


qui tombera de l’estime
dans un silence de morgue
dans l’anonymat des semaines
dans la plainte sombre du corbeau

qui tombera
déshumanisé d’ennui et d’errements
qui tombera un jour de longue nuit
entre le froid et l’oubli

18 novembre 2011