1440 minutes

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editions d'autre part

lundi 5 octobre 2015

Holà! le vent sur les chevaux


Holà ! le vent sur les chevaux ! Holà ! le vent sur le convoi !
 
Hey hey hey hey hey ! ssh ssh ssh !
 
J’habite un plumard rempli de chaille bleue. Ma peau porte les stigmates de poèmes non datés, cruels et sobres comme le tranchant du sabre.

J’habite un container arrimé à la falaise là-haut, sur une falaise plein sud, là-haut plus hautque les trois mille, là-haut vers les parapentistes oubliés.

J’habite un scaphandre dans la marne, dans une retenue de lies, dans le cuvier de noyaux fermentés.
 
Mon territoire s’étend d’un roman de gare dévoreur de pucelles au poème kirghize qui apaise les chevaux, sans oublier les borborygmes énamourés des pensionnats.

Holà ! le vent sur les corbeaux ! Holà ! le vent sous les soutanes !

Hey hey hey hey hey ! ssh ssh ssh !

Les tourments seront enfin calmés quand mes os seront brisés par un vol de lucanes veufs. Je pourrai alors suer un jus de libellules vierges. Je pourrai renifler une morve de blaireau.

Pardon, Monsieur le Commissaire, j’ai écrasé dieu en reculant devant l’humilité. Je ne le referai plus. J’irai de l’avant, promis, juré, craché. J’irai vous en acheter un autre au comptoir des amibes, à la boutique deuxième main des machineries grotesques, au marché des esclaves trop voûtés.

Heya ! Heya ! Heya ! Hop !

Heya ! Ssh !

Dans le couloir de la flibuste, les araignées vont gaillard devant, les recoins en plein centre, les guet-apens au vu de tous les renégats.

Dans le corridor des rapines, les belettes sifflent la carmagnole. Rongés les fils électriques, brisées les ampoules à coups de queues.

Dans le placard des coupe-gorges, la mouche à merde compte les fioles de sang séché, se nettoie les pattes avec le mucus du diable, organise ses pontes dans le désordre des chairs.

Mes excuses, Madame la Juge, j’ai étranglé la bonne conscience en m’exerçant au nœud de cravate. Je ne manque pas d’air quand il s’agit d’aiguiser la schlague, de nouer le garrot. Bah ! vous en trouverez d’autres par paquets de douze au supermarché des madones, dans les dortoirs des saints, chez la confrérie des anges au cul pelé.

Ssh ! ssh ! ssh ! ssh ! hey ! hey !

Je suis né jour de boucherie. Mon premier cri était un couinement de cochon affolé. Par la Saint Sacrifice, j’ai été accouché dans le jardin potager, parmi les rutabagas, les scorsonères, les rattes et les choux, of course.

J’ai été mis à rassir avec les jarrets, les boudins, les atriaux, les têtes de veaux, les museaux de bœuf. Les oreilles et la queue, of course aussi.

Heya ! heya ! ssh !

Ma couveuse était une barquette d’endives, une corbeille de noix, un panier de poires à cuire. Mon école s’est faite à la choucroute, à la compote de raves, au petit salé, of course encore.

Quatre hivers dans le saloir,
Trois automnes dans le fumoir,
Deux étés sur l’alpage,
Un printemps sur le ventre des femmes.

Ssh ! ssh ! ssh !

Holà ! le vent sur les tréteaux ! Holà ! le vent dans les grandes orgues !

Je quitte le trottoir des renonciations avec la gourde pleine d’un distillat d’injures et d’une remontée de rumination.

Je quitte la rue des estropiés sur un brancard à roulettes tiré par une chèvre haut-valaisanne.

Je quitte la ville des potences et des lapidations avec la bénédiction sacrilège d’une clandestine trop belle pour mes mains.

Pardon, ma Seigneurie, j’ai noyé votre miséricorde en lavant ma chemise. Le savon noir, l’eau trouble du ruisseau. Je vous en ramènerai du talus des bannis, de la clairière des infirmes, de la prairie des enfants mort-nés.

Ho ! ho ! ho ! ssh !

Je pue. Je conspue.
Je presse. Je compresse.

Ce soir est une tombola.
Ce soir est un jeu de l’oie.
Ce soir est un jeu de massacre.

Holà ! le vent sur les roseaux ! Holà ! le vent sur les lumignons !

Cette nuit est un tombeau.
Cette nuit n’est pas un jeu.
Cette nuit est un chamboultou.

Je pue. Je presse.
Je fonds.
Je confonds.

Hey hey hey hey hey ! ssh ssh ssh !

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