Holà ! le vent sur les chevaux ! Holà ! le vent sur le convoi !
Hey hey hey hey hey ! ssh ssh ssh !
J’habite un plumard rempli de chaille bleue. Ma peau porte les stigmates de poèmes non datés, cruels et sobres comme le tranchant du sabre.
J’habite
un container arrimé à la falaise là-haut, sur une falaise plein sud, là-haut
plus hautque les trois mille, là-haut vers les parapentistes oubliés.
J’habite
un scaphandre dans la marne, dans une retenue de lies, dans le cuvier de noyaux
fermentés.
Mon territoire s’étend d’un roman de gare dévoreur de pucelles au poème kirghize qui apaise les chevaux, sans oublier les borborygmes énamourés des pensionnats.
Holà !
le vent sur les corbeaux ! Holà ! le vent sous les soutanes !
Hey hey
hey hey hey ! ssh ssh ssh !
Les
tourments seront enfin calmés quand mes os seront brisés par un vol de lucanes
veufs. Je pourrai alors suer un jus de libellules vierges. Je pourrai renifler
une morve de blaireau.
Pardon,
Monsieur le Commissaire, j’ai écrasé dieu en reculant devant l’humilité. Je ne
le referai plus. J’irai de l’avant, promis, juré, craché. J’irai vous en
acheter un autre au comptoir des amibes, à la boutique deuxième main des
machineries grotesques, au marché des esclaves trop voûtés.
Heya !
Heya ! Heya ! Hop !
Heya !
Ssh !
Dans le
couloir de la flibuste, les araignées vont gaillard devant, les recoins en
plein centre, les guet-apens au vu de tous les renégats.
Dans le
corridor des rapines, les belettes sifflent la carmagnole. Rongés les fils
électriques, brisées les ampoules à coups de queues.
Dans le
placard des coupe-gorges, la mouche à merde compte les fioles de sang séché, se
nettoie les pattes avec le mucus du diable, organise ses pontes dans le
désordre des chairs.
Mes excuses,
Madame la Juge, j’ai étranglé la bonne conscience en m’exerçant au nœud de
cravate. Je ne manque pas d’air quand il s’agit d’aiguiser la schlague, de
nouer le garrot. Bah ! vous en trouverez d’autres par paquets de douze au
supermarché des madones, dans les dortoirs des saints, chez la confrérie des
anges au cul pelé.
Ssh !
ssh ! ssh ! ssh ! hey ! hey !
Je suis né
jour de boucherie. Mon premier cri était un couinement de cochon affolé. Par la
Saint Sacrifice, j’ai été accouché dans le jardin potager, parmi les rutabagas,
les scorsonères, les rattes et les choux, of course.
J’ai été
mis à rassir avec les jarrets, les boudins, les atriaux, les têtes de veaux,
les museaux de bœuf. Les oreilles et la queue, of course aussi.
Heya !
heya ! ssh !
Ma couveuse
était une barquette d’endives, une corbeille de noix, un panier de poires à
cuire. Mon école s’est faite à la choucroute, à la compote de raves, au petit
salé, of course encore.
Quatre
hivers dans le saloir,
Trois
automnes dans le fumoir,
Deux étés
sur l’alpage,
Un
printemps sur le ventre des femmes.
Ssh !
ssh ! ssh !
Holà !
le vent sur les tréteaux ! Holà ! le vent dans les grandes
orgues !
Je quitte
le trottoir des renonciations avec la gourde pleine d’un distillat d’injures et
d’une remontée de rumination.
Je quitte
la rue des estropiés sur un brancard à roulettes tiré par une chèvre
haut-valaisanne.
Je quitte
la ville des potences et des lapidations avec la bénédiction sacrilège d’une
clandestine trop belle pour mes mains.
Pardon, ma
Seigneurie, j’ai noyé votre miséricorde en lavant ma chemise. Le savon noir,
l’eau trouble du ruisseau. Je vous en ramènerai du talus des bannis, de la
clairière des infirmes, de la prairie des enfants mort-nés.
Ho !
ho ! ho ! ssh !
Je pue. Je
conspue.
Je presse.
Je compresse.
Ce soir
est une tombola.
Ce soir
est un jeu de l’oie.
Ce soir
est un jeu de massacre.
Holà !
le vent sur les roseaux ! Holà ! le vent sur les lumignons !
Cette nuit
est un tombeau.
Cette nuit
n’est pas un jeu.
Cette nuit
est un chamboultou.
Je pue. Je
presse.
Je fonds.
Je
confonds.
Hey hey
hey hey hey ! ssh ssh ssh !
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